Tribune de Genève - Jeudi 15.10.09
Le lycée Jean-Vilar de Meaux, en Seine et Marne. La banlieue. Classes difficiles. Elèves que d’aucuns jugent inaptes à la culture. Irrécupérables. C’est là que débarque un jour Augustin d’Humières, un patronyme qui ne s’invente pas, pour y enseigner le grec. Homère, Sophocle, Platon à des adolescents qu’on imaginerait davantage amateurs de pourceaux que de perles.
Et il s’y met, Augustin. Il ne renonce ni à la langue, ni à la grammaire, ni aux iotas souscrits, ni aux aoristes, ni au bonheur de lire en classe les prodigieuses engueulades d’Achille et d’Agamemnon, dans le premier Chant de l’Iliade. Et ma foi, ça a plutôt tendance à marcher. Bien mieux que ne le croient la plupart des collègues, les syndicats, les parents, et tout un contexte de pensée défaitiste qui semble avoir renoncé à l’idéal de culture.
Et ces élèves qui lisent les vers épiques, ce sont les plus défavorisés. Et ils les lisent quand même, parce que quelque chose leur parle. Une petite voix. Et ils se mettent, eux aussi, à crocher. « Homère et Shakespeare en banlieue », d’Augustin d’Humières, qui vient de sortir chez Grasset, est une merveille de petit bouquin qui vous donne envie de croire à la plus haute idée qu’on puisse avoir de l’école : celle de Péguy, celle des hussards noirs, celle des profs qui, malgré toutes les difficultés, ont choisi de continuer à se battre. Hommage à eux. Hommage à Augustin.
Pascal Décaillet