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Liberté - Page 1500

  • Chasse à l’homme

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 04.06.09

     

    Il y a quelques semaines, le sociologue Uli Windisch, professeur à Genève, publiait dans le Nouvelliste un article virulent à l’encontre du socialisme. Article dur, c’est vrai, je n’aurais pas choisi ces mots-là. Mais enfin, expression d’une libre opinion. L’une des conquêtes de la Révolution française. Fondamentale.

     

    Depuis, c’est la chasse aux sorcières. La curée. Une source amicale, venant du service public, a eu l’extrême élégance de balancer l’article au recteur. Ce dernier, avec l’odorante tiédeur de Pilate, s’en émeut. Une joyeuse secte, assoiffée depuis toujours du sang de l’importun qui n’embrasse pas l’orthodoxie de sa chapelle, surgit du soupirail. Toutes griffes dehors, rugissant, elle exige sa peau. Christian Levrat, patron du PS, se rêve en Fouquier-Tinville, jouissant à l’idée de voir rouler dans la sciure la tête qui dérange.

     

    Ils s’y entendent, certains réseaux de camarades, lorsqu’il s’agit, à coups de délations et de lettres perfides, d’avoir la peau d’un esprit qui pense autrement. Le tout, sous le bénissant paravent de la morale. Uli Windisch est un homme qui apporte beaucoup au débat public. Vous lui tombez tous dessus ? Eh bien moi pas. Et je lui dis même, à travers ces lignes, mon amitié en ces moments difficiles. Comme je l’avais fait, en d’autres temps, à un autre emmerdeur si salutaire dans la République : un certain Jean Ziegler.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le dauphin

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Lundi 25.05.09

     

     

    Pascal Couchepin serait-il sur le départ ? De partout, ça suinte, ça bruisse, ça roucoule, ça murmure. A la vérité, pourtant, personne n’en sait rien ! Peut-être même pas l’intéressé lui-même, à qui, seul, la décision d’un retrait appartient. Qu’on l’aime ou non, l’homme a acquis suffisamment de dignité et de stature d’Etat pour qu’aucun d’entre nous n’ait à le mettre sous pression. Ce serait, d’ailleurs, aller à fins contraires : il est des êtres, ici-bas, que la seule apparition de l’adversité réveille et galvanise.

     

    Patience, donc. Mais qui n’empêche en rien de supputer sur quelques scénarios de succession. Il ne s’agit, rien de moins, que du poste radical romand au Conseil fédéral, lequel n’a été tenu, depuis 1973, que par trois titulaires, dont deux Vaudois. Au fait : radical, ou PDC ? On sait à quel point le poids de ces deux partis s’est équilibré, on sait l’appétit vorace du président du PDC suisse pour la « Reconquista » du siège « volé » à Ruth Metzler, en décembre 2003, lorsque Blocher est entré dans la bergerie. Depuis plusieurs mois, Christophe Darbellay ne fait plus le moindre secret de son ambition de ravir aux radicaux ce siège, mais oui, à ces chers amis des faux beaux jours, avec qui il est toujours aussi délicieux de s’expliquer, quelque part sur les bords du Trient.

     

    Une chose est sûre : lorsque la succession sera à l’ordre du jour, il faudrait (mais c’est un vœu, j’en conviens, d’une déraisonnable piété) que le centre-droit suisse, disons tout ce qui existe entre la gauche et l’UDC, ait la sagesse de penser « globalement », en se demandant qui, chez le PDC, les radicaux ou même les libéraux, serait le mieux placé. Dans l’intérêt supérieur du pays. Dans cette optique-là, quelles que soient les éminentes qualités du président du gouvernement vaudois, d’un timide mais compétent Neuchâtelois, ou d’une ancienne conseillère d’Etat genevoise ayant conservé quelque acuité dans l’extrémité des incisives, la solution Darbellay apparaît de loin comme la plus convaincante. Parce qu’à tout choisir, lorsqu’il y a la jeunesse, le tempérament, l’instinct du chasseur, une capacité de travail phénoménale, et la connaissance des dossiers, on dira – pour demeurer mesuré – que nous sommes dans l’émergence naturelle, hors de l’écume, de ce mammifère marin qui se joue à la fois de la terre et du ciel. Et qui s’appelle un dauphin.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • La plume du démon

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 25.05.09

     

    Il y a vingt ans et quelques poussières, mort d’un génie. Visage d’ange, plume du démon. Mort, sang, désir, urgence de l’échange. Le souffle d’Eschyle, mais où le mortel ne dialoguerait plus qu’avec lui-même. Parce que les dieux, raus ! Aux abonnés absents. Il y a vingt ans, une hyène ancestrale, en forme de sigle à quatre lettres, deux syllabes qui disent oui, fauchait Bernard-Marie Koltès. L’un des plus grands.

     

    Que nous dit Koltès ? Je l’ignore. Mais à le lire, comme on lirait Genet, je subodore des flèches de feu dans le chemin du désir. Des hommes qui aiment des hommes, oui Monsieur Grégory Logean, président des Jeunes UDC valaisans, cela existe. Et puis, des femmes qui aiment des femmes. Et, tout au bout, la mort, avec son sourire de miel, et le bleu moiré de son regard.

     

    La « loi naturelle » ? Moi, catholique, combien de fois je me suis engueulé avec des théologiens sur cette négation du nomos. La loi, désolé, sera conventionnelle ou ne sera pas, elle sera celle des hommes. Et puis, la loi, il y a des moments où on s’en fout. Comme Roberto Zucco, sur son toit, avec la jeune fille. Comme Chéreau et Grégory, dans leurs Champs de coton. La seule loi, c’est le style. La seule loi, c’est écrire. La seule loi, c’est aller jusqu’au bout de son désir. Droit vers la mort. Là où le Paradis, enfin réveillé, se prendrait pour l’Enfer.

     

    Pascal Décaillet