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Liberté - Page 1509

  • La nausée par l’équilibre

    Sur sept conseillers d’Etat genevois, cinq se représentent. Autant dire que la marge de renouvellement de l’électeur, si ce dernier devait appliquer avec obédience les consignes des partis, est bien faible !

    Donc, justement, pas d’obédience. Pas de fidélité aveugle. Du sens critique, du droit d’inventaire, de l’imagination : on a trop longtemps, dans ce pays, reconduit par automatisme, par routine, des équipes fatiguées. Copains, coquins, compagnons de réseaux, amitiés transversales, jeu de ficelles où tous se tiennent. Terroir, Territoire, amicales, tutoiements, bedaines de cocktails, réconciliations à la buvette, quand ça n’est pas sur l’oreiller. La bonne vieille politique de toujours, à gauche comme à droite d’ailleurs, bien pépère. Avec une incantation, magique : l’équilibre.

    Mais c’est quoi, l’équilibre ? C’est une force qui en annule une autre. En sciences physiques, c’est passionnant ; en stratégie de victoire, c’est un tantinet désespérant. Pour qu’une vision du monde l’emporte (pour quatre ans) sur une autre, il faut une dialectique d’affrontement, avec des moments d’offensive qui passent par un déséquilibre, un imprévu, une percée. Privilégier la guerre de mouvement sur celle de position. L’équilibre, il viendra bien plus tard. Comme résultante d’une confrontation, non comme donnée de base, pataude et résignée.

    Ainsi, quand j’entends dire que telle personne va casser la baraque sous le seul argument qu’elle « représente la sensibilité des communes », je me dis qu’il pourrait peut-être exister, ici-bas, des desseins un peu plus ambitieux. Oh, je ne demande pas Arcole, ni qu’on se saisisse chaque jour du drapeau pour franchir le pont sous la mitraille, mais enfin la « sensibilité des communes », j’ai connu des slogans de campagne plus exaltants.

    De quoi s’agit-il, cet automne ? D’élire un gouvernement, pour quatre ans, en période de crise économique et financière, qui malheureusement ne va pas se tasser d’ici novembre. Ce Conseil d’Etat aura besoin d’une action commune et cohérente, et pas juste tricotée pour le discours de Saint-Pierre. Il aura besoin d’hommes et de femmes de caractère, avec de l’audace, de la vision. De gauche ou de droite, l’électeur en décidera. Mais de grâce, des personnalités fortes. Pas des passe-murailles.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Une petite gifle, Darling ?

    Sur le vif - Dimanche 22.02.09 - 17.25h

     

    Il s’appelle Darling, ça ne s’invente pas, et déjà, depuis que je viens de prendre connaissance de son existence terrestre, il est mon chéri, mon trésor. Oh, le beau cas, étincelant comme une cuiller à thé trônant nue au milieu du living room.

    De son état, il est ministre britannique des Finances. Dans l’hebdomadaire « The Observer » de ce matin, il vient de donner ses ordres au dictaphone à notre pays sur ce que nous devons faire en matière de secret bancaire. En clair, l’abolir : « La Suisse doit réformer ses lois fiscales et bancaires pour les aligner sur celles de l’Europe ». Dont acte, Aye, Aye, Sir, et surtout pardonnez aux misérables vermisseaux de fromage montagneux que nous sommes, du haut de notre goitre, du plus profond de notre état d’arachnide de farine, de n’y avoir point songé plus tôt.

    Ils sont gentils, les ministres britanniques ou allemands des Finances. Chaque fois qu’ils parlent du secret bancaire, ils donnent quelques milliers de voix à la cause de son maintien. Parce que nous, les habitants de ce petit pays bien modeste, bien fragile, bien insignifiant face à la grandeur salée d’Albion, nous avons peut-être, en effet, à nous interroger sur le secret bancaire. Mais il se trouve que nous apprécierions de le faire entre nous, sans chancelier ni échiquier, sans pompes ni circonstances, sans les grands de l’Europe qui nous tannent et nous pourlèchent le poil.

    C’est ainsi. Les contours de notre destin, nous aimons les dessiner entre nous. C’est là notre petite faiblesse, notre péché mignon, notre Petit Liré contre vos Palatins. Cela, Monsieur le Ministre, porte un très beau nom, que votre pays a d’ailleurs maintes fois défendu avec panache dans l’Histoire : cela s’appelle démocratie.

    Pascal Décaillet

     

  • Scarlett et Rhett

     

    Sur le vif - Samedi 21.02.09 - 17.50h

     

    Un ticket Charles Beer – Véronique Pürro pour le Conseil d’Etat, ce sont les noces du blanc bonnet et du bonnet blanc, de la carpe et du lapin, de la vague et de son écume, du prince et de celle qui porte sa traîne, de Dupont et de Dupond. Ca n’est pas un ticket, c’est un pléonasme, une homophonie, une redondance.

    Autant élire Stanley et Livingstone, Simon et Garfunkel, Daphnis et Chloé. Comme si le parti socialiste genevois – dont nul ici, évidemment, ne saurait contester l’infinie sagacité – n’avait plus d’autre ressort que de se brandir à soi-même son miroir, produire et reproduire les mêmes figures, homme adroit et femme gauchère, je te vois, tu me vois, nous ne voyons que nous, dans l’infinité réflexive de la glace et de son tain. C’est totalement son droit, chacun vit sa vie. Les électeurs jugeront.

    Car enfin, Véronique Pürro, c’est la garde noire de Charles Beer. C’est comme si on élisait un ministre et son garde du corps. Elle ne jure que par lui, parle comme lui, ne rêve que de traverser les enfers en sa compagnie, il est Orphée, elle est Eurydice, la vie est belle, rose comme les doigts de l’aurore, étoilée comme l’Europe, crépusculaire comme le grand soir. Scarlett et Rhett Butler, devant Atlanta en flammes.

    Oui, la vie est une valse. Comme chez les libéraux, on écarte le meilleur au profit d’un couple de rêve. Parité, parité chérie, tu me tiens, j’adore t’offrir ma barbichette, nous dansons sur l’autel du sacrifice.

    Juste un épilogue pour rappeler qu’en démocratie, ce ne sont pas les partis qui décident, mais le peuple. Ce dernier voudra-t-il vraiment reconduire les cinq conseillers d’Etat sortants qui se représentent ? Ces cinq bilans sont-ils, de façon égale, à ce point étincelants ? Ce droit d’inventaire que les congrès des partis se refusent à exercer, par conformisme, par le poids des habitudes (et l’habileté des réseaux internes), le peuple, cet automne, devra en faire usage. Hélas, la partitocratie est telle que les choix sont quasiment bétonnés d’avance. En cela, Genève n’a guère à envier au Valais.

    En attendant, va pour la valse. Le printemps approche, la vie est belle, elle nous sourit. L’automne, ce sera pour plus tard. Sur les cendres d’Atlanta, les feuilles se laisseront mourir. Et un beau jour, comme à la fin du film, Rhett coiffera son grand chapeau et partira. Et nous, devant le générique, nous resterons encore assis quelques instants. Avant de reprendre le fil de nos vies.

    Pascal Décaillet