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Liberté - Page 1512

  • Une petite gifle, Darling ?

    Sur le vif - Dimanche 22.02.09 - 17.25h

     

    Il s’appelle Darling, ça ne s’invente pas, et déjà, depuis que je viens de prendre connaissance de son existence terrestre, il est mon chéri, mon trésor. Oh, le beau cas, étincelant comme une cuiller à thé trônant nue au milieu du living room.

    De son état, il est ministre britannique des Finances. Dans l’hebdomadaire « The Observer » de ce matin, il vient de donner ses ordres au dictaphone à notre pays sur ce que nous devons faire en matière de secret bancaire. En clair, l’abolir : « La Suisse doit réformer ses lois fiscales et bancaires pour les aligner sur celles de l’Europe ». Dont acte, Aye, Aye, Sir, et surtout pardonnez aux misérables vermisseaux de fromage montagneux que nous sommes, du haut de notre goitre, du plus profond de notre état d’arachnide de farine, de n’y avoir point songé plus tôt.

    Ils sont gentils, les ministres britanniques ou allemands des Finances. Chaque fois qu’ils parlent du secret bancaire, ils donnent quelques milliers de voix à la cause de son maintien. Parce que nous, les habitants de ce petit pays bien modeste, bien fragile, bien insignifiant face à la grandeur salée d’Albion, nous avons peut-être, en effet, à nous interroger sur le secret bancaire. Mais il se trouve que nous apprécierions de le faire entre nous, sans chancelier ni échiquier, sans pompes ni circonstances, sans les grands de l’Europe qui nous tannent et nous pourlèchent le poil.

    C’est ainsi. Les contours de notre destin, nous aimons les dessiner entre nous. C’est là notre petite faiblesse, notre péché mignon, notre Petit Liré contre vos Palatins. Cela, Monsieur le Ministre, porte un très beau nom, que votre pays a d’ailleurs maintes fois défendu avec panache dans l’Histoire : cela s’appelle démocratie.

    Pascal Décaillet

     

  • Scarlett et Rhett

     

    Sur le vif - Samedi 21.02.09 - 17.50h

     

    Un ticket Charles Beer – Véronique Pürro pour le Conseil d’Etat, ce sont les noces du blanc bonnet et du bonnet blanc, de la carpe et du lapin, de la vague et de son écume, du prince et de celle qui porte sa traîne, de Dupont et de Dupond. Ca n’est pas un ticket, c’est un pléonasme, une homophonie, une redondance.

    Autant élire Stanley et Livingstone, Simon et Garfunkel, Daphnis et Chloé. Comme si le parti socialiste genevois – dont nul ici, évidemment, ne saurait contester l’infinie sagacité – n’avait plus d’autre ressort que de se brandir à soi-même son miroir, produire et reproduire les mêmes figures, homme adroit et femme gauchère, je te vois, tu me vois, nous ne voyons que nous, dans l’infinité réflexive de la glace et de son tain. C’est totalement son droit, chacun vit sa vie. Les électeurs jugeront.

    Car enfin, Véronique Pürro, c’est la garde noire de Charles Beer. C’est comme si on élisait un ministre et son garde du corps. Elle ne jure que par lui, parle comme lui, ne rêve que de traverser les enfers en sa compagnie, il est Orphée, elle est Eurydice, la vie est belle, rose comme les doigts de l’aurore, étoilée comme l’Europe, crépusculaire comme le grand soir. Scarlett et Rhett Butler, devant Atlanta en flammes.

    Oui, la vie est une valse. Comme chez les libéraux, on écarte le meilleur au profit d’un couple de rêve. Parité, parité chérie, tu me tiens, j’adore t’offrir ma barbichette, nous dansons sur l’autel du sacrifice.

    Juste un épilogue pour rappeler qu’en démocratie, ce ne sont pas les partis qui décident, mais le peuple. Ce dernier voudra-t-il vraiment reconduire les cinq conseillers d’Etat sortants qui se représentent ? Ces cinq bilans sont-ils, de façon égale, à ce point étincelants ? Ce droit d’inventaire que les congrès des partis se refusent à exercer, par conformisme, par le poids des habitudes (et l’habileté des réseaux internes), le peuple, cet automne, devra en faire usage. Hélas, la partitocratie est telle que les choix sont quasiment bétonnés d’avance. En cela, Genève n’a guère à envier au Valais.

    En attendant, va pour la valse. Le printemps approche, la vie est belle, elle nous sourit. L’automne, ce sera pour plus tard. Sur les cendres d’Atlanta, les feuilles se laisseront mourir. Et un beau jour, comme à la fin du film, Rhett coiffera son grand chapeau et partira. Et nous, devant le générique, nous resterons encore assis quelques instants. Avant de reprendre le fil de nos vies.

    Pascal Décaillet

     

  • Un aristocrate pour diriger l’économie allemande

    Au moment où des centaines de milliers de spectateurs se ruent dans les salles pour découvrir l’histoire du colonel comte Claus von Stauffenberg, le héros de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, c’est un homme intimement lié à sa famille et à son milieu, le baron Karl-Theodor zu Guttenberg, 37 ans, étoile montante de la CSU bavaroise, qui devient ministre allemand de l’Economie. Il sera le plus jeune titulaire de cette charge depuis le début de la République fédérale d'Allemagne, en 1949. La nouvelle sera officielle en fin de matinée.

    Le milieu des Guttenberg, c’est celui de l’aristocratie catholique bavaroise, noblesse d’Empire, farouchement opposée à Hitler. Le grand-oncle du nouveau ministre, Karl Ludwig Freiherr von und zu Guttenberg (1902–1945), lié à l’amiral Canaris, fut assassiné dans sa cellule par la Gestapo la nuit du 23 au 24 avril 1945, suite à l’attentat du 20 juillet 1944. Son grand-père, Karl Theodor Freiherr von und zu Guttenberg (1921-1972), officier de la Wehrmacht, fut aussi un résistant à Hitler, avant de devenir secrétaire d’Etat à la Chancellerie, sous Kiesinger, de 1967 à 1969.

    Un jour de 1938, alors qu’ils occupaient la Residenz de Würzburg, cette perle entourée de coteaux vinicoles, au bord du Main, les Guttenberg furent les seuls, au moment du passage de Hitler dans les rues de la ville (il se rendait au Congrès de Nuremberg) à refuser de pavoiser leur maison. Ils firent même fermer les rideaux. Seul le prestige de leur nom, et la nécessité pour Hitler, à ce moment, de ne pas se brouiller avec l’aristocratie militaire, leur valut d’échapper aux pires ennuis.

    A noter enfin que les résistances allemandes à Hitler furent d’autant plus courageuses qu’elles ne furent pas légions. Le complot du 20 juillet, certes, mais dont il faut se garder d’idéaliser les motifs (ces officiers-là n’avaient-ils pas suivi le Führer pendant les heures de gloire ?). Mais aussi la Rote Kapelle, l’admirable résistance communiste. La plus bouleversante de toutes demeurant le mouvement dit de la « Rose blanche » : quelques étudiants munichois, autour de Hans et Sophie Scholl, distribuant, juste après Stalingrad, des tracts antinazis devant l’Université de la capitale bavaroise, refusant de se rétracter, et finalement décapités à la hache, à l’aurore de leur vie.

    C’est aussi un livre, aux Editions de Minuit, « La Rose blanche ». A tout lecteur de ce blog, j’en recommande amicalement et chaleureusement la lecture.

     

    Pascal Décaillet