Vendredi 14.08.09 - 12.45h
Lisse au point de s’être aboli la moustache, voici donc Urs Schwaller. Chouchou absolu, avec le radical Burkhalter, du sérail parlementaire. Toujours poli, toujours calme, parfaitement bilingue, homme de dossiers, collégial à souhaits. « Jeteur de ponts », se félicite-t-on même, comme si le poste à pourvoir était celui d’ingénieur en génie civil.
À Schwaller, le seul faux procès qu’on ait fait est celui, détestable, de la latinité. Une Inquisition par la génétique que nous avons déjà dénoncée, dans ces colonnes. Valaisan de Genève, je me sentirais parfaitement représenté par le Singinois Schwaller, comme par le semi-Grec Broulis, comme par le Tessinois Pelli, comme par la Fribourgo-genevoise Martine Brunschwig Graf, si l’un d’entre eux était élu au Conseil fédéral. La question ethnique, éternel ferment de division, n’est pas une bonne clef d’entrée dans cette élection-là.
Car la vraie question est politique. Certains de mes confrères, ce matin, s’émerveillent de l’hypothèse, avec Schwaller, d’un gouvernement de centre-gauche. Un lendemain qui chante. Orientation qui serait en effet prise, à lire les déclarations du sénateur fribourgeois sur le nombre d’ouvertures possibles avec les socialistes et les Verts. Promesses d’autant plus paradoxales, d’ailleurs, lorsqu’on entend la socialiste Maria Roth-Bernasconi avancer sa flamme soudaine pour l’univers radical, faire l’éloge (à juste titre) du Delamuraz des dernières années, celui de la loi sur le travail, bref nous laisser entendre que l’apéro Pelli-Levrat, à Locarno, n’était pas juste pour la jouissance salée des cacahuètes. Et elle nous rappelle, cette même MRB, à quel point les PDC de Suisse centrale, sur les questions de société, sont conservateurs. Ce qui n’est pas faux.
Outre celui de la cohérence, un gouvernement de centre-gauche se heurterait avant tout à la question de la légitimité. Le centre-gauche au pouvoir, dans le gouvernement fédéral suisse, en quel honneur, s’il vous plaît ? Aux dernières élections, celles d’octobre 2007, les forces cumulées de droite (UDC, radicaux, libéraux, PDC, divers droite) l’ont emporté de près de deux tiers sur les forces cumulées de gauche (socialistes, Verts, divers gauche). C‘est le vœu, le signal du peuple suisse. Et on vient nous parler, en milieu de législature, de faire basculer à gauche l’axe du gouvernement !
On peut le faire, bien sûr. On alléguera que la composition de l’exécutif n’est pas liée à une représentation proportionnelle des forces du parlement. On viendra découvrir les vertus d’une coalition politique face aux vices, soudain décriés, de la simple arithmétique. Bref, on inventera mille justifications pour les besoins de la cause.
Mais le peuple n’aime pas cela. Et il ne serait pas dupe. Aux prochaines élections fédérales (octobre 2011), il sanctionnerait ce tour de passe-passe. Bien sûr, j’entends déjà les voix, si chères, qui, au soir de ce scrutin, condamneront ce pauvre peuple qui, décidément, n’entend rien à rien, vote mal, vote faux. Et qui a tant besoin, l’innocent enfant, de « pédagogie » pour que les esprits éclairés le conduisent enfin sur le bon chemin.
Pascal Décaillet