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Liberté - Page 1510

  • Un aristocrate pour diriger l’économie allemande

    Au moment où des centaines de milliers de spectateurs se ruent dans les salles pour découvrir l’histoire du colonel comte Claus von Stauffenberg, le héros de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, c’est un homme intimement lié à sa famille et à son milieu, le baron Karl-Theodor zu Guttenberg, 37 ans, étoile montante de la CSU bavaroise, qui devient ministre allemand de l’Economie. Il sera le plus jeune titulaire de cette charge depuis le début de la République fédérale d'Allemagne, en 1949. La nouvelle sera officielle en fin de matinée.

    Le milieu des Guttenberg, c’est celui de l’aristocratie catholique bavaroise, noblesse d’Empire, farouchement opposée à Hitler. Le grand-oncle du nouveau ministre, Karl Ludwig Freiherr von und zu Guttenberg (1902–1945), lié à l’amiral Canaris, fut assassiné dans sa cellule par la Gestapo la nuit du 23 au 24 avril 1945, suite à l’attentat du 20 juillet 1944. Son grand-père, Karl Theodor Freiherr von und zu Guttenberg (1921-1972), officier de la Wehrmacht, fut aussi un résistant à Hitler, avant de devenir secrétaire d’Etat à la Chancellerie, sous Kiesinger, de 1967 à 1969.

    Un jour de 1938, alors qu’ils occupaient la Residenz de Würzburg, cette perle entourée de coteaux vinicoles, au bord du Main, les Guttenberg furent les seuls, au moment du passage de Hitler dans les rues de la ville (il se rendait au Congrès de Nuremberg) à refuser de pavoiser leur maison. Ils firent même fermer les rideaux. Seul le prestige de leur nom, et la nécessité pour Hitler, à ce moment, de ne pas se brouiller avec l’aristocratie militaire, leur valut d’échapper aux pires ennuis.

    A noter enfin que les résistances allemandes à Hitler furent d’autant plus courageuses qu’elles ne furent pas légions. Le complot du 20 juillet, certes, mais dont il faut se garder d’idéaliser les motifs (ces officiers-là n’avaient-ils pas suivi le Führer pendant les heures de gloire ?). Mais aussi la Rote Kapelle, l’admirable résistance communiste. La plus bouleversante de toutes demeurant le mouvement dit de la « Rose blanche » : quelques étudiants munichois, autour de Hans et Sophie Scholl, distribuant, juste après Stalingrad, des tracts antinazis devant l’Université de la capitale bavaroise, refusant de se rétracter, et finalement décapités à la hache, à l’aurore de leur vie.

    C’est aussi un livre, aux Editions de Minuit, « La Rose blanche ». A tout lecteur de ce blog, j’en recommande amicalement et chaleureusement la lecture.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le chômage monte, donc tout va bien

    Un communiqué de presse sur les chiffres du chômage, c’est toujours un exercice de style. L’avaler, le reproduire comme tel, sans en décortiquer la sémantique, c’est benoîtement porter la parole du pouvoir.

    Dernier exemple, la prose commise aujourd’hui par l’Office cantonal de l’emploi nous annonce que le taux de chômage est passé, à Genève, de 5,9% à 6,2% entre décembre et janvier. C’est une hausse importante. Ce sont les faits. Et cela devrait être le titre.

    Le titre ? Lisez celui du communiqué officiel : « Hausse du chômage en janvier : Genève suit la tendance nationale ». Certes. Mais voilà diluée, par une adorable pirouette aussi gracile qu’un petit rat de l’opéra, la réalité intrinsèque de Genève.

    Manipulation ? Le mot serait trop fort. Disons astuce. Laquelle tourne presque à l’ubuesque lorsqu’on nous explique, quelques lignes plus tard, que le nombre de chômeurs progresse moins à Genève qu’au niveau suisse. Juste en omettant de nous rappeler qu’en valeur absolue, le chômage genevois demeure au double de la moyenne nationale.

    Pirouettes ? Cacahouètes ! Peanuts. Juste un petit apéritif avant les votations, et n’ayant – bien entendu – strictement aucun rapport avec le menu électoral de ce week-end.

     

    Pascal Décaillet

  • Le grand frisson

    A trois jours d’un scrutin historique, la Suisse retient son souffle. Les derniers sondages, certes, veulent encore murmurer une victoire du oui, mais avec une sourde et singulière progression du non, cette marge d’incertitude qui dilate les vaisseaux, sécrète les sueurs. La crise financière mondiale, dont les habitants de notre pays guettent avec angoisse les effets sur l’économie réelle, mais aussi la montée du chômage, l’incroyable nervosité des milieux économiques dans cette campagne, autant de signes pour nous persuader que rien n’est joué. Bref, le grand frisson.

    Résultat des courses dimanche, sans doute dès les flashes radio de 12h pile, grâce aux projections nationales des instituts de sondage. La majorité requise étant simple, la cause, sur le plan national, pourrait être entendue assez tôt dans l’après-midi. Passionnante, alors, sera la carte des cantons : on sait à quoi on peut s’attendre au Tessin. Mais Genève ? De cette Suisse du 8 février 2009, quelles seront les lignes de fracture ? C’est tout cela, au fur et à mesure des résultats, que nous verrons apparaître, doucement, dans l’après-midi de dimanche, comme la révélation d’une photographie.

    Pour les opposants, pourtant, la campagne avait mal commencé. Une UDC divisée, un leader historique qui tourne sa veste, un Ueli Maurer condamné par sa nouvelle fonction à la castration du silence, l’aile économique du parti qui prône le oui, de pesantes leçons de casuistique sur les effets néfastes du « paquet », climat de brouillard déroutant pour un parti habitué à la cristalline clarté du bien.

    A l’inverse, les partisans du oui étaient partis en campagne la fleur au fusil. Fanfan la Tulipe ! Ils avaient pour eux la quasi-totalité de la classe politique suisse, des leaders d’opinion, des médias, se prévalaient de la Raison pure et triomphante, rejetant dans l’encre noire des passions inavouables les motifs de voter non. Ils avaient pour eux le Progrès et la modernité, l’Histoire qui serait en marche contre les sables mouvants du conservatisme. Une fois de plus, comme dans la campagne du 6 décembre 1992, ou celle sur le Traité européen, en France, le 29 mai 2005, on a cru bon de faire passer les partisans du non pour de gros balourds mal dégrossis, incarcérés dans leurs mythes, insensibles aux flammes éclairantes du logos. Le résultat, on l’a vu.

    Hallucinants, dans cette campagne, auront été les moyens mis en œuvre par les milieux économiques, la récurrence métronomique, mille fois recommencée, de leur argumentaire : « Un franc sur deux gagné à l’étranger », «  clause guillotine », « pas de plan B ». Toutes choses peut-être vraies, sans doute même. Mais dont la prosaïque répétition, qu’on imagine macérée dans quelque officine de media-training patronal, n’est pas de nature à emporter les foules. Ni d’une nature sémantique (le coup de l’Apocalypse nous a déjà été fait en 1992), ni surtout rhétorique : on n’arrache pas un oui du peuple avec des syllabes de notaires. A cet égard, on notera la pauvreté d’invention verbale du camp du oui, qu’on imagine toujours en costard cravate, établissant un décompte d’exportations dans l’arrière-cour d’un port-franc.

    Voilà. Ultime croquis de campagne avant le verdict du peuple. Les arguments, jusqu’au dernier instant, iront s’entrechoquant. Et dimanche, dans un sens ou dans l’autre, nous tenterons de comprendre.

     

    Pascal Décaillet