La nomination de Patrick Ferla, hier, à la présidence du Salon du Livre, est une bonne nouvelle pour tous ceux qui aiment cet objet tellement précieux qui accompagne nos vies. Je connais Patrick Ferla depuis longtemps : c’est un homme qui aime profondément le livre, et encore plus les auteurs. Il sait les écouter, les mettre en valeur, il a fait le choix, toute sa vie, de l’exigence au service du plus grand nombre. Non pas le discours circulaire, en huis clos, de type « chaîne culturelle destinée aux seuls initiés », mais la culture, sans l’avilir ni la travestir, à destination du plus grand nombre. Sur le seul type de chaînes, en radio, qui vaillent : les chaînes généralistes.
Fondateur et infatigable défenseur du Salon, Pierre-Marcel Favre a beaucoup fait pour le livre. Avec son métier à lui, celui d’éditeur, sa connaissance des choses commerciales, son esprit d’entreprise. Avec Ferla, tout en maintenant le réseau, c’est l’espoir d’un affinage qualitatif qui émerge. Au fond, il ne faut pas que mon confrère ne devienne autre chose que ce qu’il est : un passeur. Davantage que son prédécesseur, il pourrait, par quelques signaux d’évolution, accentuer le respect et la mise en valeur des auteurs. J’ai toujours trouvé un peu déprimant, depuis vingt ans, de voir des gens de l’envergure de Chessex, devant une pile de leurs derniers romans, s’ennuyant à attendre le quidam qui voudrait bien venir discuter avec eux. Au Salon, les stands sont trop empilés de façon indifférenciée, comme alignés au cordeau : l’écriture mérite mieux.
Autour des auteurs (ne sont-ils pas, eux, les véritables « héros des temps modernes », pour paraphraser Péguy), n’y aurait-il pas une scénographie plus subtile à organiser ? N’y a-t-il pas une meilleure visibilité à leur donner ? Enfin, je crois relayer un sentiment général en appelant à un peu moins de stands n’ayant strictement rien à voir avec le monde des livres, ni même avec celui de la culture. Propagande religieuse, voire sectaire, gnangnans alternatifs en sandales, tiers-mondistes picoreurs de petites graines, marchands du temple, trucs et ficelles, trocs et combines. Bref, le bordel.
Après un homme d’affaires avisé (il en fallait un, pour lancer la machine), il est heureux que survienne un transmetteur de sensibilités. Ne devenir que ce qu’il est, c’est le défi de Patrick Ferla.
Pascal Décaillet