Tribune de Genève - Lundi 22.06.09
Mon premier passage sur l’Acropole date de 1966. Long voyage, familial, qui nous avait conduits jusqu’à Beyrouth et Damas. Coup de foudre pour la Grèce. Cinq ans plus tard, début d’une longue initiation à cette langue. Vertige. Et, depuis ce week-end, émotion : c’est un architecte suisse qui a conçu le tout nouveau Musée de l’Acropole, Bernard Tschumi.
La trace de la Grèce ne se ramène de loin pas au seul culte de la raison. Il y a autant de récits, de folie, de fulgurances d’irrationnel, dans cette littérature-là. Et les « filles des nombres d’or » de Valéry, de quelle mathématique d’ombre surgissent-elles ? Clarté d’une équation, ou nuit d’encre de l’énigme ?
Alors, retournons tous sur l’Acropole. Ou plutôt, dans le ventre de la Grèce d’aujourd’hui. Avec ses sources et ses pollutions, la colère de sa jeunesse, la rigueur de ses montagnes. Et, s’il faut retenir un poète, je vous supplie d’ouvrir Georges Séféris (1900-1971), eh oui un Grec moderne : lisez les « Six nuits sur l’Acropole », son seul roman. Epoustouflant.
A ceux d’entre vous qui ont la chance d’aller en Grèce, cet été, je dirai bien sûr d’aller voir l’œuvre de Tschumi. Et puis, de vous laisser vivre. Avec ou sans Pindare. Avec juste le vent. Et ces syllabes de myrrhe ou d’encens, juste colportées, ce grec moderne à vos oreilles, à la fois même et autre, comme une permanence. Face à la mortelle déraison du silence.
Pascal Décaillet