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Liberté - Page 1453

  • L’homme qui fait fuir les cygnes

    Sur le vif - Dimanche 06.06.10 - 09.24h

     

    « Israël terroriste ». C’est en tête d’une manifestation hurlant ces deux mots que le conseiller national Carlo Sommaruga, hier, défilait sur le pont du Mont-Blanc, à Genève. Peu après, on a pu entendre le même personnage donner libre cours longuement à sa haine d’Israël, sans contradicteur, sur les ondes publiques.

    Ces braves gens qui manifestaient hier à Genève, avec leurs keffiehs, leurs drapeaux turcs et palestiniens, on apprécierait aussi de les entendre lorsque des bus scolaires israéliens sont la proie des roquettes de ce si cher et si charmant Hamas.

    On apprécierait, aussi, de recueillir leur point de vue si nuancé et documenté sur le transit, par Gaza, de toutes sortes d’armes visant, rien de moins, qu’à détruire Israël.

    Mais cela, on ne l’entend jamais. On perpétue, sans la moindre nuance, la bonne vieille tradition unilatéralement pro-palestinienne de la gauche suisse. On sort le keffieh, mythologie oblige, on vient brailler « Israël terroriste » sur le pont du Mont-Blanc, on ne donne jamais ce qualificatif à ceux d’en face, on cite sur les ondes quelques vagues Conventions de Genève, on se retranche derrière le paravent du droit international, et puis on rentre chez soi. Persuadé d’avoir participé à quelque chose d’héroïque, de grand.

    Alors qu’on a juste fait peur aux cygnes qui passaient. Avec de rauques hurlements. Ah, les braves gens !

     

    Pascal Décaillet

     

    PS: il y a, jour pour jour, 66 ans, une "flotille" un peu moins amatrice venait, sur les côtes de Normandie, contribuer à libérer l'Europe du plus abominable régime que ce continent ait connu. Là oui, je pense qu'on pouvait parler d'Etat terroriste.


  • Hainard comme Cagney, le sale type

     

     

    Sur le vif - Samedi 05.06.10 - 15.27h

     

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    Il y a, dans l’affaire Hainard, quelque chose qui ne va pas.

     

    Encore une fois, je ne connais pas le détail de cette affaire, ni M. Hainard personnellement, et suis bien éloigné, ces temps, de la vie politique neuchâteloise. Mais il y a, depuis le début, quelque chose qui ne va pas. Qui sent mauvais. Et qui ressemble à une exécution.

     

    Il y a quelques semaines encore, personne, à part à Neuchâtel, ne connaissait le nom de Frédéric Hainard. Pas plus que les Neuchâtelois n’ont entendu parler d’Isabel Rochat ou de Michèle Künzler. C’est ainsi. Les verticalités juxtaposées de nos existences cantonales.

     

    Et puis, d’un jour à l’autre, patatrac ! La Suisse romande entière, par papier orangé ou ondes publiques, découvre que sévit, du côté de Neuchâtel, un ignoble individu, incarnation du péché. Le sale type, à l’état pur. Immédiatement, sans la moindre forme de procès, on l’appelle « Le Sheriff », on l’affuble systématiquement de ce nom, « Hainard le Sheriff », comme « Achille aux pieds légers » ou « Ulysse aux milles ruses ». L’étiquette est collée, exit Frédéric, va pour le Sheriff. On le déleste de son identité, on en fait une figure. D’ailleurs, très vite, exit Hainard, on se contente de dire « Le Sheriff ».


    Et puis, on le montre. On balance sa photo. Tous les matins. Wanted ! Le Sheriff mis à prix, c’est classique dans les plus grands westerns, où il est si excitant que les fonctions de bien et de mal s’inversent. Comme ressort narratif, c’est génial : les gens adorent ça. Comme il faut bien un peu de biscuit, on accumule les témoignages. On fouille sa vie publique. On passe au crible sa vie privée. Il y a un film de 1938, un chef-d’œuvre de Michael Curtiz, « Angels with dirty faces », où l’éblouissant James Cagney incarne le mal absolu. Frédéric Hainard est jeté en pâture, jour après jour, comme un homme à la face sale. Il est le Cagney de l’histoire, le sale type.

     

    Paradoxalement, plus on crée et peaufine cette figure du mal, moins le public n’est informé de la nature exacte des griefs qu’on adresse à cet abominable personnage. L’image du sale type s’impose, avec une telle puissance de dévastation qu’elle éclipse toute analyse dialectique sur le fond du dossier. Il aura, par exemple, fallu attendre aujourd’hui, samedi 5 juin 2010, 12.35h, pour apprendre que de nombreux fonctionnaires anonymes du Département Hainard défendaient leur chef, le « sale type », parce qu’il avait eu le courage de s’en prendre à des dysfonctionnements internes, au reste bien antérieurs à son entrée en fonction. Le moins qu’on puisse dire est que cette « révélation » aurait pu arriver plus tôt.

     

    Reste à savoir à qui profite l’affaire Hainard. Qui instrumentalise qui. Qui, dans ce canton, n’en peut plus de ne pas digérer le récent succès d’un monde libéral-radical qu’on aurait préféré expédier ad patres, au rayon Histoire. Il sera intéressant, un jour, de s’interroger sur l’équilibre avec lequel on a récolté les « témoignages » contre Hainard. Ce jour-là, l’intéressé sera-t-il encore dans la vie politique. Ou aura-t-il craqué ?

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Constituante Kaputt !

     

    Kaputt, la Constituante. À terre. Raide. Caca. Bouge plus une oreille. Elle a mouru, c’est sûr ; ne demeure que le râle geignard des pleureuses, la remembrance de ce qui fut fantasmé et n’advint jamais. Constituante, oh, nanisme ! Tant de semences au vent jetées, sans jamais le moindre fruit. Prends-en de la graine, passant, va dire à Sparte qu’ils sont tous morts pour rien, mais que ça n’est pas grave. Parce qu’à l’exception de Jean-François Mabut, du soussigné et d’une octantaine d’hallucinés, tout le monde s’en contrefout. 82 passionnés sur 450.000 habitants, c’est encore un peu juste pour calciner les foules d’un irrépressible désir.

     

    Oui, ce fut un méga-rêve en circuit fermé. Oui, ce furent nos Mégaras, nos jardins d’Hamilcar, nos Petits Lirés, nos codes savants, nos clins d’œil barbaresques, avec cinquante étoiles comme cinquante Etats, cinquante sénateurs. Ce furent nos aubes, nos hivers, la conjugaison de nos plaisirs solitaires. Mais la droite, à en croire la Pampa, a sifflé la fin du rêve. La droite n’était qu’un veilleur mélancolique qui tournait sa ronde. Et qui avait entendu du bruit. Ils n’étaient même pas Thiers, même pas Versaillais. Juste des passants. Fatigués du bruit.

     

    Alors, adieu sénateur, adieu cinglante Espagne, adieu Murat le Magnifique, souvenir d’Eylau et des charges de cavalerie dans la nuit bleue, glacée, la nuit de la mort, la vraie, violente, celle du fracas des armes. Adieu l’Empereur, adieu la France, adieu le Soli de Fiume, adieu lecteur vaudois qui lit ce texte sur le site de 24 Heures et se demande si je suis devenu fou. Adieu radio, Conservatoires, filles en fleur, adieu trios de rêves dans la pâleur de l’aube. Adieu, Constituante ! Nous allons maintenant, comme dans la chanson de Jonasz, reprendre le cours de nos vies.

     

    « Constituante Kaputt », m’a glissé à l’oreille Alberto Velasco, ce matin 07.06h, alors qu’Apolline, Thaïs (« qui fut sa cousine germaine ») et Zoé, 10, 12 et 12 ans, escortées de leur délicieuse professeur, nous enchantaient de leur musique. Il a dit « Kaputt », et le fracas germanique de ces deux syllabes, sans rien dans sa voix qui laissât perler l’hispanisme de ses tripes, et j’ai compris. Il a dit « Kaputt », et j’ai vu la mort.

     

    Puis, Ubu est arrivé. Et tous, nous sommes allées boire un café.

     

    Pascal Décaillet