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Liberté - Page 1455

  • Madame l’Amère

     

    Epigrammes à trois grammes - Jeudi 27.05.10 - 15.38h

     

    A mon excellent confrère Simon Matthey-Doret lui demandant ce matin comment il faudrait l’appeler à partir du 1er juin, Sandrine Salerno, folle d’épicène comme il y a des fous d’épicéas, avait le choix entre « Madame le Maire » et « Madame la Maire ». Avec la fulgurance de l’aiglonne avisant un souriceau, elle a immédiatement opté pour la seconde solution.

    C’est bien.

    Mais a-t-elle pensé, une seule seconde, à l’euphonie ? A la perverse duplicité des sens ? A Verlaine ? A la musique, avant toute chose ? A la primauté de l’impair ? A la jouissance de l’amertume, lorsque les maux, sous les mots, viennent doucement se glisser ? Comme sous un édredon. En rêvant.

    Hmmm ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • La mort, l’oignon

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Jeudi 27.05.10

     

    A part pour ceux qui perdent un proche ou qui pèlent un oignon, je n’ai jamais supporté les pleureurs. A part dans le soleil noir d’un cimetière sicilien, ou peut-être dans quelque vers d’Eschyle, je n’ai jamais supporté les pleureuses. C’est ainsi. C’est mon côté intolérant. Monstrueux.

     

    Mais, s’il est un domaine dans lequel j’abhorre l’exhibition des larmes – même celles de Mendès France dans les bras de Mitterrand – c’est bien la politique. Dans ce domaine, que j’observe un peu, on se bat, on gagne, on perd, on meurt, on se relève. C’est le jeu. Le rituel. On prend des coups. On en donne. Mais on ne pleure pas.

     

    A la Constituante, mardi soir, que s’est-il passé ? La droite et le MCG, dans une manœuvre habile mais qui n’a rien d’illégal, ont constitué ce qu’on appelle en politique une majorité. Et ils ont gagné. C’est dur, sans doute, pour les partisans du droit au logement et de quinze mille droits disparates. Mais c’est la règle.

     

    Je conçois que les perdants en soient fâchés. Aigris. Ulcérés. Napalmisés de colère. Ivres de vengeance. Tout ce que vous voulez. Mais pleurnicher contre les méchants vainqueurs, non. Et puis, il leur restera toujours une ressource : proposer un amendement sur le droit aux larmes. Loin de la mort. Loin des oignons. Là-bas, dans un autre monde. Plus doux.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Patrick Ferla: un choix porteur d'espoir

     

    La nomination de Patrick Ferla, hier, à la présidence du Salon du Livre, est une bonne nouvelle pour tous ceux qui aiment cet objet tellement précieux qui accompagne nos vies. Je connais Patrick Ferla depuis longtemps : c’est un homme qui aime profondément le livre, et encore plus les auteurs. Il sait les écouter, les mettre en valeur, il a fait le choix, toute sa vie, de l’exigence au service du plus grand nombre. Non pas le discours circulaire, en huis clos, de type « chaîne culturelle destinée aux seuls initiés », mais la culture, sans l’avilir ni la travestir, à destination du plus grand nombre. Sur le seul type de chaînes, en radio, qui vaillent : les chaînes généralistes.

     

    Fondateur et infatigable défenseur du Salon, Pierre-Marcel Favre a beaucoup fait pour le livre. Avec son métier à lui, celui d’éditeur, sa connaissance des choses commerciales, son esprit d’entreprise. Avec Ferla, tout en maintenant le réseau, c’est l’espoir d’un affinage qualitatif qui émerge. Au fond, il ne faut pas que mon confrère ne devienne autre chose que ce qu’il est : un passeur. Davantage que son prédécesseur, il pourrait, par quelques signaux d’évolution, accentuer le respect et la mise en valeur des auteurs. J’ai toujours trouvé un peu déprimant, depuis vingt ans, de voir des gens de l’envergure de Chessex, devant une pile de leurs derniers romans, s’ennuyant à attendre le quidam qui voudrait bien venir discuter avec eux. Au Salon, les stands sont trop empilés de façon indifférenciée, comme alignés au cordeau : l’écriture mérite mieux.

     

    Autour des auteurs (ne sont-ils pas, eux, les véritables « héros des temps modernes », pour paraphraser Péguy), n’y aurait-il pas une scénographie plus subtile à organiser ? N’y a-t-il pas une meilleure visibilité à leur donner ? Enfin, je crois relayer un sentiment général en appelant à un peu moins de stands n’ayant strictement rien à voir avec le monde des livres, ni même avec celui de la culture. Propagande religieuse, voire sectaire, gnangnans alternatifs en sandales, tiers-mondistes picoreurs de petites graines, marchands du temple, trucs et ficelles, trocs et combines. Bref, le bordel.

     

    Après un homme d’affaires avisé (il en fallait un, pour lancer la machine), il est heureux que survienne un transmetteur de sensibilités. Ne devenir que ce qu’il est, c’est le défi de Patrick Ferla.

     

    Pascal Décaillet