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Liberté - Page 1352

  • UDC et école : le thème qui va monter en Suisse

     

    Chronique publiée dans le Nouvelliste - Mercredi 17.11.10

     

    Premier parti de Suisse, près de 30% en octobre 2007, l’UDC s’intéresse désormais à l’école. Au-dessus des barrières cantonales, elle vient d’élaborer des propositions allant dans un sens conservateur. On n’allait tout de même pas attendre de ce parti un panégyrique de la pensée de Bourdieu, des méthodes globales, de l’approche uniquement thématique de l’Histoire, ni de l’obsession climatique dans les cours de géo.

     

    Faut-il, pour autant, parler d’école de grand-papa ? Bien sûr que non. Une école plus cadrée, oui, valorisant de rôle du maître, sa place centrale face à la classe et aussi face aux parents. A côté de cela, une mise en avant du dialecte ne concernant que la Suisse alémanique, l’obligation d’une moyenne semestrielle, des examens de passage à la fin de la 3ème, de la 6ème et de la 9ème année scolaires. Enfin, une volonté de placer les polyhandicapés dans des classes spécialisées, mesure plus que discutable, certes, qui a valu à l’UDC des références aux chemises brunes et au Troisième Reich. Ne parlons pas du dessin de Vigousse sur Freysinger, tout simplement nauséabond.

     

    L’intérêt de tout cela, c’est l’avalanche de réactions des autres partis, ceux qui tiennent les Départements de l’Instruction publique et la CDIP (Conférence des directeurs cantonaux) : au mieux la moquerie, au pire la haine, en passant par l’arrogance. Voilà qui nous ramène au milieu des années nonante, il y a une quinzaine d’années, lorsque l’UDC, seule contre tous, estimait que le taux de criminalité étrangère, en Suisse, était beaucoup trop élevé. En ces temps-là, et jusqu’à une époque très récente, tout le monde la méprisait, quand on ne la traitait pas de fasciste. Verdict le 28 novembre prochain, avec une initiative et/ou un contreprojet qui ont bien des chances de passer. Eh oui !

     

    Pour l’école, ce sera la même chose. L’UDC, on commence par lui rire au nez. Puis, on lui sort les années trente, puis vient le moment où on est bien obligé de se définir par rapport à ses idées. Alors, souvent, on fait des copiés-collés en se bouchant le nez, on se drape de lin blanc, on attend le dimanche électoral. Et là, comme on perd, on dit que l’électeur a mal voté, qu’il a été trompé, et que, de toute manière, ça n’est pas compatible avec le droit supérieur. Et, plus on dit cela, plus l’UDC monte. Ce parti, oui, a de très beaux jours devant lui.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Vieux-Grenadiers : Mettan dans la fournaise

     


    Sur le vif - Et baïonnette au canon - Mardi 16.11.10 - 11.41h


     

    « Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,

    Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,

    Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,

    Portant le noir colback ou le casque poli,

    Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,

    Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête,

    Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête.

    Leur bouche, d'un seul cri, dit : Vive l'empereur !

    Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,

    Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,

    La garde impériale entra dans la fournaise. »


    Victor Hugo – Waterloo – Les Châtiments – L’Expiation

     


    Donc, les Vieux-Grenadiers ont refusé la candidature de Guy Mettan. Le plus fou, dans cette nouvelle, ça n’est pas tant le refus (tout club à ses règles), mais bel et bien que le très débonnaire et très placide président du Grand Conseil genevois ait cru bon de postuler à une instance dont le seul nom, magnifique, évoque à la fois les Soldats de l’An II, l’Empire, l’odeur de la poudre, le courage. L’Empire, oui, que ce fût pour le servir ou le combattre, Genève et la Suisse furent au centre de cette aventure, et nombre de Grenadiers genevois durent servir dans la Grande Armée.

     

    Dans cette affaire, de deux choses l’une. Ou bien, les Vieux-Grenadiers incarnent encore ces valeurs-là, qui sont celles de leurs costumes et de leurs armes, de ces ombres immenses dont Victor Hugo (toujours lui) écrit qu’elles « avaient chassé vingt rois, passé les Alpes et le Rhin, et leurs âmes chantaient dans les clairons d’airain ». Et on se demande ce que Guy Mettan viendrait y faire.

     

    Ou bien, les Vieux-Grenadiers n’incarnent plus du tout cet élan de grognards d’inspiration profondément républicaine. Et alors, à quoi bon prétendre en faire partie ?

     

    Car enfin, si c’est juste pour la camaraderie assise de la choucroute et du cassoulet, où ruminent les commensaux en écoutant le lent travail de digestion de leurs viscères assoupis, point n’est besoin de rêver Valmy, Jemmapes ou Rivoli.

     

    Si c’est juste pour être dans un club, un de plus, entretenir l’horizontalité repue des réseaux de connaissances, échanger des cartes de visite, envisager nominations, postes et prébendes, point n’est besoin de raviver les souvenirs de gloire, ceux des temps où les hommes étaient debout.

     

    Non, si c’est juste pour cela, la banalité du quotidien suffit.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Chanson d’automne

     

    Chronique publiée dans la Tribune de Genève - Lundi 15.11.10

     

    Pétillantes d’insolence, de culture et de transgression, les Automnales sont le rendez-vous le plus dionysiaque que Genève ait connu depuis le bûcher de l’ultime sorcière. Les Automnales, c’est la fête, la tragédie, les hurlements d’extase d’un million de moutons qu’on égorge. Les Automnales, c’est la vie et la mort, le désespoir, le bonheur salé d’une nuit d’amour.

     

    Les Automnales ne coûtent rien au contribuable. Pas un sou. Elles sont une nécessité absolue, une émanation du désir des foules. Sans les Automnales – les experts sont formels – il y aurait cinq à six cents suicides, pour le seul mois de novembre, à Genève.

     

    Non, les Automnales ne sont pas le miroir du pouvoir en place. Non, elles n’ont rien à voir avec le copinage radical. Non, elles ne bénéficient d’aucun espace préférentiel dans la presse. Non, il n’y a aucun lien entre l’Etat et cette fête, câline et libertaire, insoumise, gitane, fugace comme le premier regard, au matin du premier jour.

     

    Non, les moutons des Automnales n’ont jamais entendu parler de Marie-Antoinette. Oui, ils aiment qu’on les caresse. Dans le sens de la laine. Non, les Automnales ne sont pas les Comices agricoles de Yonville, non, les brebis n’y sont ni putes ni soumises. Agnus dei, suis-je bête, pardonne-moi cette chronique. Vivement l’hiver.

     

    Pascal Décaillet