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Liberté - Page 1353

  • Impôts équitables : Alain Berset m’a convaincu

     

    Sur le vif - Dimanche 14.11.10 - 18.11h

     

    Pour la première fois de ma vie, je vote oui à une initiative socialiste. Après trois semaines d’intense hésitation, après avoir pesé et soupesé, multiplié les débats, confronté les arguments, il me semble que le texte concernant les « impôts équitables » peut être accepté en vue du seul intérêt qui vaille, celui du pays.

     

    Bien sûr, je n’aime guère les planchers artificiels (22% d’impôts à partir de 250'000 francs de revenu imposable ; 5 pour mille à partir de 2 millions de fortune imposable). Bien sûr, l’intrusion de l’arrêté fédéral dans le fédéralisme, donc la souveraineté des cantons, me gêne. Tout cela, longuement, a retenu ma décision.

     

    Mais enfin, voilà une initiative qui fait preuve d’intelligence et de pondération. J’ai beau écouter les cris et les haros d’economiesuisse, je ne vois pas dans ce texte des têtes au bout des fourches, ni hargne revancharde des pauvres, ni justice de classe. Et j’avoue que le chantage à quitter le pays des « très riches de Suisse », dans la presse alémanique de ce dimanche, me laisse de marbre.

     

    En matière fiscale, je soutiens mordicus la souveraineté de la Suisse. Notamment face à de grands et puissants voisins ne nous faisant la leçon que pour masquer l’échec cuisant de leurs politiques confiscatoires. Mais, si la Suisse veut garder la tête haute face à des voisins qui ne lui feront, dans l’avenir, aucun cadeau, elle a tout intérêt, à l’interne, à corriger des extravagances qui permettent à un Ospel ou un Vasella un tourisme fiscal indécent.

     

    C’est le conseiller aux Etats fribourgeois Alain Berset, un homme de poids et d’intelligence sous la Coupole fédérale, qui m’a convaincu. Au moment où le parti socialiste suisse donne (Congrès de Lausanne) d’effarants signaux d’errance et d’aventure (abolition totale de l’armée, urgence à ouvrir des négociations CH-UE), il est paradoxal de saluer, en son sein, ceux qui se comportent encore de façon gouvernementale. Oui, le socialisme de M. Berset me semble plus intéressant, pour l’intérêt supérieur du pays, que celui de MM Levrat ou Sommaruga. Le problème, c’est que ce pragmatisme éclairé apparaît, hélas, comme de plus en plus minoritaire.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Slobodan Despot, un homme libre

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    Sur le vif - Samedi 13.11.10 - 18.01h

     

    C’est un géant étrangement débonnaire, un fou furieux du monde des livres, un promeneur mystique amoureux du Valais. Un homme seul, un homme libre.

     

    A 43 ans, Slobodan Despot a déjà plusieurs vies. Les études, puis treize années aux Editions L’Âge d’Homme, aux côtés de Vladimir Dimitrijevic, puis le grand saut pour fonder sa propre maison d’édition, Xenia.

     

    Se retrouver seul, décider de lancer sa boîte. Plonger dans le vide. Assumer le risque économique. Investir. Travailler sept jours sur sept. Affronter férocement la concurrence. Tout faire soi-même. Un beau jour, magnifique, engager son premier employé. Se sentir responsable de lui. Crever de trouille qu’un pépin, style santé ou accident, ne vous arrive à vous, le patron, parce que c’est vous, pour le moment, qui êtes au centre. Rénover le matériel, réinvestir, varier les mandats : aucun d’entre eux en doit être prioritaire. Il faut se donner la liberté de pouvoir rompre à tout moment avec un client, sans que votre propre aventure entrepreneuriale soit pour autant mise en danger.

     

    Tout cela, Despot a dû le vivre. Il faut imaginer la vie d’un petit éditeur en Suisse romande, demandez à Michel Moret, bourreau de travail, il en sait quelque chose. Mais notre Serbe – et c’est là que je commence à l’admirer un peu plus que la moyenne – est un esprit idéologiquement libre qui ne craint pas les postures minoritaires, ni de se foutre en pétard avec les trois quarts de la République des Assis et des cocktails. Il publie des trucs incroyables, sulfureux, risqués, provocants. Il se fait insulter, étriller, vilipender. Il n’en continue pas moins son chemin, il marche droit.

     

    J’aime la solitude, le courage, l’énergie, la liberté de Slobodan Despot. Tellement loin du sirupeux venin des réunions mondaines où jacassent et caquettent les réseaux horizontaux de la Cléricature. Tellement Cyrano, celui des « Non, merci ! ». Seul. Terriblement. Mais debout.

     

    Pascal Décaillet

     

  • De quoi se mêle Viviane Reding ?

     

    Sur le vif – Vendredi 12.11.10 - 18.39h

     

    Vice-présidente de la Commission européenne, la Luxembourgeoise Viviane Reding, de passage en Suisse et interviewée à l’instant par la RSR, vient d’incarner avec un rare talent tout ce que Bruxelles peut avoir de méprisant pour la souveraineté des peuples. Ceux qui font partie de l’Union. Et, bien plus délirant encore : ceux qui, comme la Suisse, ne sont pas du club, et n’ont donc strictement aucun compte à lui rendre.

     

    On se souvient déjà de l’ingérence de Mme Reding dans la souveraineté nationale française lors de l’affaire de Nicolas Sarkozy avec les Roms. Et de la comparaison – proprement hallucinante – que la donneuse de leçons de Bruxelles avait cru bon d’établir avec l’Allemagne de la Seconde Guerre mondiale.

     

    Mais la coupe a débordé, il y a quelques minutes, lorsque la no 2 de la Commission européenne a doctement expliqué à ces rustauds attardés de Suisses que le mode actuel de leurs relations avec l'UE était caduc et poussiéreux: « Les bilatérales ne sont pas adaptées au monde moderne… Pour être efficace, il ne faut pas des systèmes du 20ème siècle, mais du 21ème… Vous devez être au milieu de la prise de décision, et non pas sur le côté… Ces accords sont statiques, et dépassés déjà au moment où l’encre sèche… ».

     

    Madame Reding a peut-être raison, chacun jugera. Le seul problème, c’est que la décision de poursuivre ou non la politique des accords libéraux dépend d’un seul souverain, dont la Luxembourgeoise ne semble pas avoir beaucoup entendu parler. Et qui s’appelle le peuple suisse.

     

    Pascal Décaillet