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Sur le vif - Page 828

  • Le MCG est à droite - Et alors ?

     

    Sur le vif - Jeudi 06.03.14 - 09.46h

     

    M. Sciarini nous fait toute une démonstration, dans le Temps, pour nous prouver que le MCG est à droite. Mais enfin, qui en doutait ? Qui a en jamais douté une seule seconde ? Où est le problème ? C'est interdit, d'être à droite ? Comme s'il était scélérat que le groupe parlementaire de ce parti construise des majorités avec le PLR et l'UDC au Grand Conseil.


    Bien sûr que c'est un parti de droite. L'appellation "Ni droite, ni gauche" ne dupe personne, et ne veut strictement rien dire. S'étonner de son appartenance à la droite (avec une composante sociale, populaire, et si ça peut vous faire plaisir "populiste"), serait ramener, par ignorance historique, la droite à sa seule famille libérale, ce qu'en effet le MCG n'est pas.


    Et justement, ramener la droite, cette grande famille de pensée politique depuis deux siècles, au seul libéralisme, surtout celui que nous avons connu depuis vingt ans avec le profit sans entraves, la libre circulation pour le seul profit de quelques-uns, le Capital comme Veau d'or et le tout aux actionnaires, bref cet orléanisme bancaire, c'est méconnaître profondément les autres dimensions, autrement puissantes, de la droite. Notamment une dimension sociale et populaire dont il n'est pas question que la gauche s'arroge le monopole.

     

    Oui, il existe une droite venue d'en bas, une droite du peuple, joyeuse et conviviale, attachée au lien social. Différente de la gauche pour des raisons bien davantage CULTURELLES (j'y reviens volontiers) que politiques. Mais enfin, le partage, la fraternité, le sentiment d'appartenance républicaine n'ont pas à être détenus de façon exclusive par la gauche. Si la droite laisse filer cela, qui est tellement important, au profit d'une image de cléricature censitaire ou ploutocratique, alors elle aura tout perdu.



    M. Sciarini, qui a sans doute une vaste culture de gauche, pêche par méconnaissance - due à un manque d'affinités ? - lorsqu'il s'exprime sur la droite. Sans remonter à la Convention, ni à Tocqueville, ni à Joseph de Maistre, ni au Ralliement de Léon XIII à la République (1891), on dira juste qu'il y a deux siècles d'imprégnation et de connaissances à prendre en compte. A lire par exemple, de toute urgence, dans la même édition du Temps, celle de ce matin, le lumineux papier d'Olivier Meuwly sur l'UDC.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Sublime comme le silence de la prière

     

    Sur le vif - Mardi 04.03.14 - 17.14h

     

    Le sentiment de la nature est-il inné ? Survient-il avec l’âge ? Accompagne-t-il la peur de la mort ? Sublime-t-il la vie ? Pourquoi l’irruption d’un lièvre, au petit matin, nous bouleverse-t-elle ? Que vivent nos frères animaux ? Pourquoi ai-je cru voir, ce matin, près de Bernex, mon premier milan noir de l’année, et cette apparition a-t-elle accentué en moi l’idée de la vie recommencée ? Pourquoi toute promenade est-elle une renaissance ? Ces quelques questions, je les avais à l’esprit en lisant avec passion le livre de Philippe Roch sur Robert Hainard.

     

    L’ancien patron de l’Office fédéral de l’environnement est l’un des fils spirituels du génial peintre animalier (1906-1999). Ce livre n’est pas une biographie, mais une initiation à ce qu’a pu être la philosophie de la nature chez Hainard. Par le concept. Mais surtout par la vie, l’expérience, les milliers d’heures à guetter la vie animale, la nuit, à l’aube, au crépuscule, dans ces moments où tout commence et tout s’éteint. Alors oui, le peintre, graveur, nous est décrit comme l’homme au milieu de la nature, perclus du mystère de cette dernière. L’homme en communion. Avec qui ? Dans l’ordre de quelle mystique ?

     

    Un livre sur la matière. Mais où tout est esprit. Éloge de la matière, références à Kant, Aristote, ancrage dans le paléolithique, résurrection des totems, Philippe Roch nous transporte dans un univers où l’homme ne serait qu’un invité. Un passant. Il aurait à observer le monde, s’en imprégner, vivrait la matière « comme résistance » (page 52). Tel Hainard, qui croque, esquisse, dessine, peint ou grave, toujours dans l’ancrage du concret. Mais pour nous amener où ? Vers quelles hauteurs, quelles profondeurs ?

     

    Cette nature-là, celle de Philippe Roch lorsqu’il nous parle de Robert Hainard, nous bouleverse. Elle conserve la fraîcheur immaculée de l’apparition, l’instantané de la rencontre. Le doute, la stupeur : ai-je bien vu ? Ai-je bien vécu ce moment ? A lire d’urgence. D’abord, pour les références en termes de philosophie de la nature. Plus encore, pour la profondeur du sentiment émotionnel qui, de la première à l’ultime page, parcourt et traverse le livre. J’ose le dire : comme un bréviaire. La sonorité d’une liturgie. « L’odeur du bois » (page 9). Le silence, tellement éloquent, de la prière.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** Le penseur paléolithique - La philosophie écologiste de Robert Hainard - Par Philippe Roch - Editions Labor et Fides - Mars 2014 - 241 pages.


  • Bien sûr que nous sommes Européens !

     

    Sur le vif - Vendredi 28.02.14 - 17.40h

     

    Ne venez pas nous dire que nous sommes anti-Européens ! Bien sûr que la Suisse est au coeur de ce continent qu'elle aime, dont elle partage les langues, les religions, l'Histoire, la culture. Elle les baigne de ses eaux, respire les mêmes airs, s'humecte des mêmes pluies. A part les trois Pays Baltes, l'Irlande, l'Islande, la Roumanie et l'Albanie, je crois bien m'être rendu dans tous les pays d'Europe. J'ai passé de longues périodes de ma vie en Allemagne, l'équivalent de deux ans en Italie, de multiples voyages en Grèce. Je parle français, allemand (langue à laquelle je voue depuis tout petit une véritable passion), je lis le grec ancien et le latin, je veux parler un jour à fond l'italien: où diable serions-nous anti-Européens ?



    Simplement, pour ceux qui partagent mes convictions par rapport à l'Union européenne - j'ai cru percevoir que nous étions quelques-uns dans le pays - c'est cette Europe-là dont nous ne voulons pas. Cette machinerie. Cette structure. Assurément, elle a eu son sens dans les années cinquante, lorsqu'il s'agissait d'établir la paix après les horreurs des deux Guerres mondiales, et puis aussi se ravitailler, se chauffer avec le charbon du pays voisin. Cette Communauté-là, celle de Schumann, de Gasperi, Adenauer, était profondément porteuse de sens. Sur les décombres, elle proposait une renaissance.



    Mais aujourd'hui, quid ? La structure n'écoute plus les peuples. Elle ne veut simplement pas les entendre. Elle n'affiche que fermeture sur soi, arrogance, insolence. Elle est devenue, comme dans les nouvelles de Kafka, ou certains de ses Récits épars (Sämtliche Erzählungen) les plus éblouissants, une forme de mécanique sur soi-même recroquevillée. Vit-elle encore ? Sait-elle qu'elle se meurt ? Perçoit-elle les multiplications malsaines, et finalement fatales, dans le corps même de son tissu ?



    Nous, ceux des Suisses qui nous proclamons sceptiques face à cette construction en perte de son propre sens, n'avons rien d'anti-Européen. Les peuples de ce continent sont nos amis. Nous ne sommes en guerre avec aucun d'entre eux. Nous en respectons les Histoires, les cultures, nous en aimons passionnément les musiques, de Grieg à Sibelius, de Dvorak à Bela Bartok, de Debussy à Britten, de Xenakis à Stockhausen.



    Nous sommes Européens, jusqu'au tréfonds de notre moelle. Ce que nous refusons, c'est une structure bureaucratique. Ca n'est en aucun cas l'idée européenne. Parce que cette Machine-là, à Bruxelles, ne détient en aucun cas le monopole de l'identité européenne. Tout au plus peut-elle aspirer à la possession perdue de son propre mode d'emploi. A l'époque du charbon et de l'acier. Lorsqu'il fallait réinventer la vie. Sur les décombres.

     

    Pascal Décaillet