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Sur le vif - Page 638

  • La justice, pas le lynchage !

     

    Sur le vif - Vendredi 22.12.17 - 11.02h

     

    La parole victimaire n'est pas vraie, sous le seul prétexte qu'elle est victimaire.

     

    Sa véracité doit être établie, ou non, à la suite d'une enquête dans les formes, par la seule instance habilitée à le faire, qui s'appelle la justice. Cela exige une investigation professionnelle, des confrontations, la parole donnée à toutes les parties. Cela doit s'exercer dans la sérénité, par des gens ayant prêté serment de rechercher la seule vérité. Cela prend du temps.

     

    Tant qu'une condamnation n'a pas été prononcée, il ne saurait exister ni coupables, ni victimes.

     

    Ainsi fonctionne notre État de droit. C'est un peu frustrant pour ceux qui voudraient des lynchages de rue, immédiatement. Mais c'est ainsi.

     

    A cet égard, la précipitation de certains employeurs à rompre, séance tenante, des contrats, juste sous la pression de l'opinion, comme dans le cas du chef d'orchestre Charles Dutoit, est simplement hallucinante.

     

    Là, oui, nous sommes au coeur d'une dérive, qu'il convient de désigner.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Glaciales altitudes

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    Sur le vif - Jeudi 21.12.17 - 10.04h

     

    On nous dit que l'Histoire avance, et voilà que resurgit la question du Südtirol, pardon du Haut-Adige.

     

    Voilà, par la querelle sémantique de deux mots, l'un autrichien, l'autre italien, l'immanence du tragique. L'éternel insoluble. Vienne dit Südtirol, Rome dit Alto Adige.

     

    Dans l'hiver 1915, des dizaines de milliers de combattants héroïques des deux côtés, en de glaciales altitudes, ont sacrifié leurs vies pour qu'on dise Haut-Adige. Ou Südtirol. Les enfants de l'Empire central, face à ceux de Verdi et de Garibaldi.

     

    L'autre soir, à Forum, l'ambassadrice d'Autriche, au demeurant remarquable d'intelligence, a tranquillement dit "Südtirol". Pour parler d'une vallée que je connais si bien : celle de Bolzano, pardon Bozen. Pour ma part je dis Bolzano, parce que l'Italie, la fierté italienne, le sang versé par les Alpini, ces hommes au chapeau à plume qu'on croise encore dans les trains, ça n'est pas rien. Ça mérite le respect.

     

    L'autre soir, l'ambassadrice autrichienne a dit "Südtirol". Comme les uns disent "Jura Sud", les autres "Jura bernois". Les uns, Kaliningrad, les autres Königsberg.

     

    Elle a dit "Südtirol", et personne, en face, n'a bronché. Il y aurait pourtant eu lieu de saisir cette perche, cette unique occasion de démonter le discours brillant de cette parfaite francophone, cette Metternich au féminin, avec qui on rêverait de déguster un café viennois, entre deux Lieder de Mahler.

     

    L'Histoire est immuable et tragique. Mais elle est passionnante, saisissante. Elle est la vie, qui palpite encore en nous, précieuse comme des alluvions d'or. La vie, oui, comme celle de ces hommes, fin 1915, qui défiaient la mort, sur la frontière austro-italienne, en de glaciales altitudes.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Europe et le boomerang de l'Est

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    Sur le vif - Mercredi 20.12.17 - 17.33h

     

    En s'élargissant beaucoup trop vite vers l'Est, l'Union européenne, depuis deux décennies, a commis une erreur majeure. Elle s'imaginait que ces pays allaient, en devenant membres d'un Club fondé en 1957 entre six nations d'Europe occidentale, adhérer sans rechigner, le doigt sur la couture du pantalon, aux principes ultra-libéraux de la fin des années 1990. Et que tout le continent, de l'Atlantique à la Vistule, allez disons de Brest à Brest-Litovsk, allait vibrer à l'unisson du capitalisme, du libre-échange, de l'atlantisme. Prêts à communier dans l'idéologie nouvelle, sans frontières.

     

    C'était mal connaître l'Histoire des peuples. L'Histoire de la Pologne, ô combien complexe et passionnante. L'Histoire de la Hongrie, qui ne l'est pas moins. Etc.

     

    Il n'y pas d'Histoire européenne, cela ne veut rien dire, c'est une considération beaucoup trop globale, sans fondements, juste une vue de l'esprit.

     

    Mais il y a une Histoire hongroise. Une Histoire polonaise. Une Histoire allemande, que je m'échine à démêler depuis des décennies, tant elle est difficile en première approche. Une Histoire de France. Une Histoire suisse, passionnante.

     

    Chacune de ces Histoires a son cheminement propre. L'Espagne ne s'est pas construite comme l'Italie, ni la Suisse comme la France, ni les Allemagnes comme la Grande-Bretagne. Il n'y a pas, pour l'heure, d'Histoire européenne, c'est vide de sens, mais il y a une mosaïque d'Histoires nationales, dont chacune a sa vie propre, sa logique intérieure.

     

    Pour entrer dans tout cela, il ne faut pas trop raisonner d'en haut, ni chercher de grandes leçons de logique, avec des mécanismes universels, mais il faut OBSERVER chaque nation, dans le chemin idiomatique qui est le sien. On ne peut s'occuper de tout ! Pour ma part, depuis plus de quatre décennies, l'Allemagne, la France, la Suisse, les Balkans, le Proche-Orient me suffisent largement.

     

    OBSERVER, cela signifie lire. Se renseigner. Dévorer des centaines de bouquins. Visionner des archives. Aller chercher tous les témoignages, pas seulement ceux qui conviennent à une idéologie de départ. Quand je pense que, dans les années 1990, certains "intellectuels", en Suisse romande, me proposaient d'animer des débats sur les guerres balkaniques, mais surtout sans inviter de Serbes ! Vous pouvez imaginer comme je les ai reçus.

     

    L'Union européenne s'est élargie trop vite. Elle a construit son immensité sur des présupposés idéologiques, dans un esprit de fin de l'Histoire, de négation des frontières, de marché comme valeur universelle et dominante. Aujourd'hui, face à la Pologne, face à la Hongrie, face à l'Autriche, l'UE reçoit de plein fouet le boomerang de ses vanités d'extension.

     

    Ce contre-mouvement, du particulier contre le général, de la Gemeinschaft contre l'universel théorique, de la Nation réinventée contre le conglomérat impérial, ne fait que commencer. Il sera violent. Il y en a pour des années.

     

    Pascal Décaillet