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Sur le vif - Page 580

  • La nation, ça n'est pas le nationalisme !

     

    Sur le vif - Vendredi 21.09.18 - 08.57h

     

    L'extraordinaire escroquerie intellectuelle des partisans du grand conglomérat multilatéral européen consiste à entretenir volontairement la confusion entre nation et nationalisme.

     

    Sous prétexte que les deux guerres mondiales furent des guerres nationales, ils ont répandu l'idée qu'en abolissant la nation, en obligeant cette dernière à déléguer ses prérogatives à l'empire européen, supranational, évidemment gentil, bien intentionné et pacifique, on résoudrait, devant l'Histoire, le problème des guerres.

     

    Escroquerie. La nation date de la Révolution française. Je crois savoir qu'il y a eu quelques guerres, sur la planète, avant 1789. Les Rois de France faisaient la guerre, Louis XIV a même reconnu (sur son lit de mort) l'avoir trop aimée. Les Rois d'Angleterre faisaient la guerre. Le Saint-Empire faisait la guerre, depuis mille ans. Rome, de sa fondation à son écroulement, sur près de mille ans d'existence, a passé son temps à faire la guerre.

     

    Il y a toujours eu des guerres, il y en aura toujours. Il y en a eu avant l'époque des nations, pendant l'époque des nations, il y en aura après l'époque des nations. La guerre est consubstantielle à la nature humaine.

     

    Quant à la construction européenne, il faut évidemment tordre le coup à l'idée qu'elle aurait "empêché la guerre sur le continent". Cette absence de conflit n'est pas due aux gens de Bruxelles, mais au parfait équilibre des forces de dévastation, depuis Yalta (1945), entre le bloc de l'Est et celui de l'Ouest, les deux vainqueurs du Reich.

     

    Oserais-je rappeler, par ailleurs, que le continent européen a vu se dérouler une guerre particulièrement brutale, de 1990 à 1999, dans les Balkans, guerre à laquelle les gesticulations de Bruxelles n'ont jamais trouvé la moindre solution. Et pour cause ! Ce conflit balkanique a été voulu, organisé, planifié, par l'Allemagne d'Helmut Kohl et par l'OTAN, dans le dessein très précis d'affaiblir la position historique des Slaves du Sud, principalement les Serbes, pour créer une brèche économique et stratégique dans cette partie de l'Europe. Pour y parvenir, une énorme machine de propagande fut mise en œuvre, diabolisant le Serbe, sanctifiant ses adversaires. Les belles âmes de nos intellectuels parisiens en chemise blanche n'avaient plus qu'à suivre.

     

    La nation, ça n'est pas le nationalisme. Pas plus que l'empire n'est l'impérialisme. La nation, c'est la communauté d'appartenance, intellectuelle mais aussi affective, c'est le partage des lois et celui de la mémoire, c'est le souvenir des morts, à l'intérieur d'un certain périmètre lentement dessiné par la juste et précise gravité de l'Histoire. C'est aussi un projet commun, des émotions vécues ensemble. La part de l'instinct, n'en déplaise aux géomètres et aux ratiocineurs, y tient une place majeure. La nation n'exclut pas l'Autre, en aucun cas. Mais elle lui demande, à l'intérieur du périmètre, de respecter sa loi. On est loin, très loin, du nationalisme guerrier, conquérant, dévastateur, méprisant pour toute forme d'altérité.

     

    La nation n'est absolument pas unitaire par essence. La France l'est, depuis la Révolution, par le poids du jacobinisme. Mais un pays peut parfaitement se trouver confédéral, décentralisé à l'intérieur, mais national et unifié lorsqu'il se présente face à l'étranger.

     

    Depuis plus d'un demi-siècle, les européistes entretiennent volontairement, soit par mauvaise foi soit par ignorance de l'Histoire, la confusion entre nation et nationalisme. Il convenait, une fois, de leur répondre.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Mai 2019 : le retour des nations

     

    Sur le vif - Jeudi 20.09.18 - 09.45h

     

    L'enjeu des élections européennes, en mai 2019, sera simple, clair et décisif. Pour la première fois, il aura un véritable intérêt. Il ne s'agira pas, au printemps prochain, d'ajuster un curseur fictif entre social-libéralisme et libéralisme social, bref entre Dupondt de centre-gauche ou centre-droite. Non, il s'agira de se prononcer sur l'état de délabrement de l'Union européenne elle-même, ce fantôme errant des illusions multilatérales, continentales et supranationales de la seconde partie du vingtième siècle.

     

    Tout cela a commencé, dans une immédiate après-guerre encore très précaire économiquement, avec des hivers sans chauffage dans certains ménages parisiens, avec encore des tickets de ravitaillement, bref des conditions de vie quotidienne encore pires, parfois, que pendant la guerre elle-même, jusqu'au début des années 50.

     

    Tout cela, donc, a commencé par l'idée de s'approprier à très bas prix le charbon allemand. L'Allemagne, en 1945, était détruite (plus exactement : ses grandes villes étaient détruites), mais ses charbonnages, les plus fournis d'Europe, ne l'étaient absolument pas. Pas plus que ses houillères, ses aciéries. Bref, le pays vaincu demeurait ce qu'il n'avait cessé d'être (en progressant constamment) depuis le grand Frédéric II de Prusse (1740-1786) : le poumon économique de l'Europe.

     

    Alors, pour se servir du charbon du pays vaincu, on a inventé le CECA, la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier, première esquisse de ce qui allait devenir au Traité de Rome (1957) la Communauté européenne, puis, beaucoup plus tard, l'Union européenne. On n'a pas inventé cela pour "faire la paix en Europe" (ça, c'est la légitimation donnée a posteriori, la paix étant due en réalité à l'équilibre de la terreur entre USA et URSS). On a inventé cela pour se servir du charbon allemand !

     

    Et l'Allemagne de l'époque, la si gentille Allemagne du si gentil démocrate-chrétien rhénan Konrad Adenauer, cette Allemagne qui avait deux ou trois choses à se faire pardonner, a joué le jeu. Du charbon, il lui en restait assez pour elle, même après l'avoir "mis en commun" avec la France, l'Italie, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg. Ainsi, l'Allemagne en quête de rédemption pouvait dire : "Voyez comme nous avons changé, nous sommes désormais avec vous, nous partageons nos ressources".

     

    Il s'en est suivi l'idée que le monde des nations, qui datait de la Révolution française, du Consulat, de l'Empire, et (pour l'idée nationale allemande, de la réaction des intellectuels prussiens, autour de Fichte, dès la fin 1807, à l'occupation napoléonienne), appartenait désormais au passé, et qu'il allait laisser la place à une organisation continentale, à l'intérieur de laquelle les ennemis féroces d'hier seraient désormais copains. Mitterrand qui prend la main de Kohl à Verdun, quarante ans après avoir serré celle du... vainqueur de Verdun.

     

    La mise en place de cette illusion a fonctionné, peu ou prou, jusqu'à la chute du Mur de Berlin (9 novembre 1989). A partir de là, comme je l'ai souvent exposé dernièrement, l'Allemagne a recommencé à jouer sur le continent sa propre carte nationale. Elle l'a jouée dans la Monnaie unique, dans Maastricht, et surtout dans les Balkans. Avec Mme Merkel, elle la joue en Grèce, en Macédoine, et jusqu'en Ukraine.

     

    Entre-temps, les peuples se sont réveillés. La violence des flux migratoires, notamment ceux de l'automne 2015, ont amené les pays de première ligne, l'Italie, l'Autriche, la Hongrie, et jusqu'à la Bavière de Horst Seehofer, à opter pour des choix nationaux impliquant une régulation drastique des flux. Qu'aurions-nous fait, à leur place ?

     

    En vertu de tout cela, les élections européennes de mai 2015 sonneront l'heure de vérité. Le vrai choix, ce sera la continuation de l'illusion et de l'acte de foi dans le château de cartes qui s'effondre. Et, en face, le retour à la réalité tenace des identités nationales.

     

    Ce ne seront pas des élections européennes. Ce seront des élections pour ou contre l'usine à gaz appelée "Union européenne".

     

    Pascal Décaillet

     

  • Mort d'un géant au regard bleu

     

    Sur le vif - Mercredi 19.09.18 - 08.33h

     

    J'avais déjà vu pas mal de pièces de théâtre avant 1973, dont un éblouissant Götz von Berlichingen, de Goethe, en juillet 1971, à Nuremberg.

     

    J'avais vu des pièces, mais aucune n'avait encore produit sur moi ce fameux "déclic", celui qui emporte un adolescent dans une passion. Déclic que j'avais éprouvé en musique, lors de ma découverte de Richard Wagner.

     

    Et puis, là, 1973. Comédie de Genève. Le Misanthrope. Dans le rôle d'Alceste : Jean Piat. J'étais au deuxième rang, face aux feux d'intensité de ce regard bleu. Je venais surtout voir l'homme que j'avais déjà tant admiré dans Lagardère, puis les Rois Maudits.

     

    Mais là, Alceste a tout dépassé. Oui, le feu. Un mélange d’instinct et d'intelligence, rarement égalables chez un acteur. Jean Piat, au service d'un personnage unique du théâtre français, dont je suis tombé éperdument amoureux.

     

    Alceste : la fougue, la sincérité, le courage, le mépris total de la mondanité, l'amour fou, possessif, la jalousie. Bref, un homme, dans toute sa vérité, toute sa splendeur

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    Je suis tombé amoureux du personnage d'Alceste, c'est grâce au génie de Jean Piat. La grâce son incarnation du personnage. Les vibrations de sa présence. Magie de l'acteur, génie de l'artiste. Incomparable présence de cet homme qui, quelques années plus tôt, avait tant impressionné de Gaulle, dans Cyrano.

     

    Le théâtre français perd un géant au regard bleu. Inoubliable.

     

    Pascal Décaillet