Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif - Page 581

  • Réflexions sur la question bavaroise

    friedensengel-aussicht-hp.jpg 

    Sur le vif - Vendredi 12.10.18 - 16.40h

     

    C’est une Allemagne à nulle autre pareille. On y parle allemand, malgré la présence de très forts dialectes, comme le magnifique souabe, cher à Hölderlin, puis Brecht, vous en trouverez même des fragments dans leurs versions d’Antigone, puisée dans Sophocle.

     

    On y constitue, non sans fierté, le flanc sud-est et catholique, puissant, solide, des Allemagnes. On y mange des Knödel. On y boit de la bière. On y chante. On y prie. On y nage, dans des lacs enchanteurs. On y construit des automobiles. On y développe une économie florissante, imaginative. On y propose, chaque année, des milliers de concerts. On y voit des anges baroques dans les églises, des bébés rococo, joufflus, avec des trompettes. On y cultive le souvenir d’Albrecht Dürer, à Nuremberg, et de Richard Wagner, à Bayreuth, mais aussi bien sûr à Linderhof, Herrenchiemsee, Neuschwanstein. Depuis l’enfance, j’y ai passé tant de temps, et pour moi c’est sûr : l’Etat libre de Bavière est un miracle.

     

    Que va-t-il se passer, ce dimanche, en Bavière ? Difficile à dire. La première réaction, pour qui a étudié, depuis le Zentrum des années bismarckiennes, l’Histoire politique bavaroise, est d’éviter l’hypothèse d’un séisme trop fort. Parce que la Bavière, justement, avec son parti catholique, conservateur et patriote, la CSU, considérant Berlin comme un lointain faubourg marécageux des plaines prussiennes, est par définition le Royaume de ce qui ne change jamais. Allez visiter l’Oberbayern, là où la barrière alpine domine un sublime paysage de collines verdoyantes, allez par exemple voir le Musée de la Passion à Oberammergau, vous vous direz que la plus céleste des Jérusalem y côtoie l’intemporel paysan, dans sa tranquillité toujours recommencée. C’est pour cela que j’aime ce pays.

     

    Alors oui, on se dit que la CSU, ce monolithe de permanence du pouvoir, majorité absolue de 1962 à 2008, le parti de Franz Josef Strauss, de Stoiber, de Seehofer, a trop de masse critique pour s’effondrer d’un coup, après-demain. Pour s’effondrer, oui. Mais il peut s’affaiblir au point de perdre à la fois sa prédominance dans le Landtag, le Parlement de l’Etat libre de Bavière, et son crédit, au niveau fédéral, dans la vieille coalition CDU-CSU. Du coup, se produirait un incroyable paradoxe : l’affaiblissement du parti du Ministre fédéral de l’Intérieur, Hors Seehofer, principal ennemi d’Angela Merkel sur sa politique migratoire de l’automne 2015, pourrait entraîner dans sa chute le destin de la Chancelière elle-même, en fonction aussi de ce qui pourrait se passer dans deux semaines, aux élections régionales dans le Land de Hesse.

     

    La question majeure, au sein des droites bavaroises, est de savoir combien l’AfD, Alternative für Deutschland, va manger de voix à l’ancestrale CSU. Si elle se contente de grignoter, il n’y aura pas séisme, et les politologues auront la preuve qu’un bon vieux parti conservateur et social, joyeux, populaire, proche des gens, bref la CSU, constitue décidément le meilleur rempart contre la droite nationaliste. Un rempart infiniment meilleur, tout le monde le sait, à la gauche. Mais si, autre hypothèse, l’AfD fait subir de lourdes pertes à la CSU, alors c’est un pilier majeur de la construction politique des Allemagnes de l’après-guerre qui sera fragilisé.

     

    J’ajoute une chose. Même si vous aimez la bière, et les saucisses, et les images d’Epinal de l’Oktoberfest, même si vous êtes chaque fois, comme moi, bouleversé par un concert classique dans l’Abbatiale d’Ottobeuren (j’y ai vu Eugen Jochum, en juillet 1973, diriger Bruckner), méfiez-vous de l’apparence de tranquillité que nous livre, en première lecture, l’Etat libre de Bavière. Nous approchons d’un centenaire capital : deux jours avant l’Armistice, le 9 novembre 1918, s’est produite la Révolution allemande, j’aurai l’occasion d’y revenir. Lisez Döblin, ouvrez les livres d’Histoire : dans ces journées folles, où se précipite le destin allemand, et où la cessation des hostilités (le 11) apparaît presque comme une anecdote, est proclamée, par Kurt Eisner, la République en Bavière. S’ensuit un enchevêtrement complexe et dramatique d'événements, dont nous retiendrons l’instauration d’une République des Conseils de Bavière, qui fera trembler, un an après la Révolution russe, les bourgeoisies d’Europe. Les communistes, pendant toute la première partie de 1919, affronteront, dans des combats très durs, les Corps-Francs, ceux que nous décrit Ernst von Salomon dans « Les Réprouvés ». Nous sommes là, avec l’humiliation du Traité de Versailles (1919), dans l’une des causes majeures et directes de l’avènement du NSDAP, le parti nazi.

     

    Que va-t-il se produire dimanche ? Impossible à dire. La Bavière est un Land puissant et prospère, elle n’a évidemment rien à voir avec le terreau idéologique de 1918-1919. Elle constitue un Etat de droit, où la démocratie fonctionne parfaitement. Elle est dominée, depuis l’après-guerre, par un parti catholique et social, hérité du Zentrum bismarckien, certes conservateur, mais jouant à fond la carte de l’Allemagne, et le jeu démocratique. Ce magnifique édifice ne va pas s’écrouler d’un coup, et peut-être pas du tout d’ailleurs. Mais les Allemagnes, et aussi les esprits avisés en Europe, épris d’Histoire, auront dimanche les yeux rivés sur l’Etat libre de Bavière. Dans ce cœur du continent, où palpitent tant d’émotions, quelque chose de fort pourrait se jouer. Comme dans la Passion d’Oberammergau. Celle qui, tous les dix ans, dans un paysage de montagnes où le temps semble immobile, secoue les imaginaires et bouleverse les âmes. Excellente soirée à tous.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Climat : pas de dogme, SVP !

     

    Sur le vif - Jeudi 11.10.18 - 14.11h

     

    Le réchauffement climatique ne saurait en aucun cas être imposé comme un dogme, qu'aucun esprit critique n'aurait le droit de contester.

     

    Cette liberté de pensée, et d'exercer une mise en doute, avec les outils de la Raison dialectique, doit être garantie dans l'ensemble de l'espace public. Et notamment dans le corps enseignant.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le rôle d'Antigone, c'est si facile !

     

    Sur le vif - Jeudi 11.10.18

     

    La notion de "droits fondamentaux", aussi respectable semble-t-elle, pose problème lorsqu'elle est brandie dans une discussion politique, à l'intérieur d'une démocratie.

     

    Pour un démocrate, le périmètre du "droit", c'est celui d'une codification écrite, qu'on appelle "la loi", définie par un législateur, le Parlement par exemple.

     

    Cette codification doit être publique, accessible à tous, aisément consultable : Code civil, Code pénal, Code des obligations, etc. Elle constitue un corpus écrit, mesurable, délimité. Un périmètre.

     

    Les "droits fondamentaux", qui les édicte ? La conscience de chacun ? Une autorité ecclésiale, spirituelle ? Un Livre saint ? Un conglomérat mondialiste, sis à Genève ?

     

    Bien entendu, à titre personnel, je suis parfaitement d'accord avec nombre de ces "droits fondamentaux". Mais comme citoyen, suisse en l'occurrence, si je participe à un débat politique, je me garderai toujours d'avancer une référence externe au corpus codifié, délimité, des lois de mon pays.

     

    Ou alors, si j'avance cette référence, cela doit être dans l'optique de l'inscrire, parce qu'elle n'y figurerait pas encore, dans les lois de mon pays. Ce qui passerait par le processus démocratique. Donc, par un combat politique, un jeu d'antagonismes, une dialectique INTERNES à notre périmètre national.

     

    Mais venir, dans un débat, brandir les "droits fondamentaux", comme une sorte de valeur universelle, intangible, sans que cette dernière ait été codifiée dans la loi, c'est introduire un élément théocratique dans une discussion démocratique.

     

    Cette manière de jouer Antigone contre Créon, en se donnant évidemment le beau rôle, parce qu'on aurait avec soi la loi universelle, la loi des dieux, est tellement facile, tellement démagogique. Et au fond, insupportable.

     

    Pascal Décaillet