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Sur le vif - Page 483

  • L'Italie, et l'Italie d'abord !

     

    Sur le vif - Samedi 14.09.19 - 16.08h

     

    Primauté de la nation italienne, protectionnisme, contrôle des flux migratoires : les aspirations puissantes qui ont porté au pouvoir Matteo Salvini ne vont certainement pas s'éteindre, ni même faiblir, sous le prétexte qu'un pronunciamiento de partis adverses, opportunistes et moralisateurs, a réussi (pour un temps) à l'écarter.

    Il y a, en Italie comme partout, un très fort courant qui porte les idées de Salvini. Ce mouvement d'opinion ne veut plus entendre parler de supranationalité européenne, il veut l'Italie, et l'Italie d'abord. Cette aspiration à la nation, au refus des tutelles, n'est pas nouvelle, dans la prodigieuse Histoire politique de ce pays : on l'a trouvée à l'époque héroïque du Risorgimento, portée par un homme aussi exceptionnel que Giuseppe Verdi, puis à celle du fascisme.

    L'obédience de l'Italie à des forces supérieures, c'est la démocratie chrétienne d'après-guerre qui l'a construite, d'abord face aux Américains, puis, après avoir été pays fondateur du Traité de Rome (1957), en laissant Bruxelles prendre trop de place. Il faudra tout de même, un jour, instruire l'Histoire de la gentille Democrazia Cristiana avec toute la sévérité que cette dernière mérite, y compris dans ses liens avec des organisations combattant l'essence même de l'Etat, si vous voyez ce que je veux dire.

    Aujourd'hui, les gentils européistes, bien affiliés à l'OTAN, bien obéissants au Capital mondialisé, ont réussi à écarter Salvini. Fort bien. Laissons passer le temps, quelques mois suffiront peut-être. Laissons la rue italienne dire sa colère, suite à cette combinazione. Et nous verrons bien, sur la durée, quel modèle de gouvernement veut se donner le peuple souverain - et ô combien ami - de l'Italie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • La Prusse, dans la lumière des consciences

     

    Sur le vif - Samedi 14.09.19 - 10.00h

     

    J'ai tellement à dire sur l'irrésistible montée de l'Allemagne, en Europe, depuis 250 ans. C'est l'un des sujets historiques qui m'habitent le plus.

    Il faudrait - je m'y emploierai dans les années qui viennent - expliquer vraiment aux lecteurs ce qu'est la Prusse. Car c'est d'elle, entre 1740 et 1786, sous le règne du grand Frédéric II, que tout est parti.

    L'idée allemande, malmenée comme jamais après la destruction totale des Allemagnes en 1648, à l'issue de la terrible Guerre de Trente Ans (lire Simplicius Simplicissimus, publié en 1669 par le romancier Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen), a été relancée là où personne ne l'attendait. La Prusse n'avait pas bonne presse, dans le monde germanique, ni au Moyen-Âge, ni même aux temps de la Réforme (plutôt saxonne, voire de Thuringe).

    Les Allemagnes, plurielles, n'accordaient pas une très grande importance à ce marais du Nord-Est, région de plaines, de bois de bouleaux, d'étangs. Prenez une fois, je vous prie, la route qui mène de Berlin à Francfort sur l'Oder, sur la frontière polonaise, et vous pourrez mesurer la monotonie des paysages.

    Et puis, il y a eu Frédéric II. Sur le plan militaire, il y avait déjà eu, avant lui, son père, le Roi-Sergent. Mais Frédéric fait de la Prusse une armée d'une rare puissance, une terre de savants et de philosophes, de chercheurs dans les Universités, d'innovateurs, deux générations avant la Révolution industrielle. Habité (comme le sera plus tard l'immense Chancelier Willy Brandt, 1969-1974) par un tropisme vers l'Est qu'on nommera un jour Ostpolitik, il tourne son regard vers les populations germaniques de Pologne, conquiert la Silésie et la Poméranie, fait de la Prusse une puissance qui compte en Europe.

    Bien sûr, vingt ans après sa mort (1786), il y aura la défaite d'Iéna (14 octobre 1806), suivie de l'occupation de la Prusse par les troupes napoléoniennes (1806-1813). Et, par un sublime paradoxe, c'est précisément pendant cette période que naîtra, par résistance intellectuelle et patriotique, l'idée de nation prussienne, et par extension l'idée de nation allemande.

    La naissance de l'Allemagne est une bombe à retardement de la présence française en Prusse, au début du 19ème siècle. J'ai beaucoup publié, ici même, ces dernières années, sur les Reden an die Deutsche Nation, les Discours à la Nation allemande, tenus par le philosophe Johann Gottlieb Fichte, en décembre 1807, à Berlin, au nez et à la barbe des troupes de Napoléon.

    J'aurai à coeur d'expliquer, dans les années qui viennent, pourquoi le mouvement de résurrection allemande, entamé entre 1740 et 1786 par Frédéric II de Prusse, n'a fait qu'avancer, inexorablement, jusqu'à nos jours. Et aujourd'hui, plus que jamais, en termes d'influence en Europe, il progresse. Cette question-là est centrale, et autrement première que de savoir si l'Angleterre, cette périphérie maritime orpheline de son arrogance, réussira ou non son Brexit. Le pays qui compte, en Europe, c'est l'Allemagne. Le pays qui donne le ton, c'est l'Allemagne. Le pays qui ne cesse d'avancer ses pions depuis la seconde partie du 18ème siècle, c'est l'Allemagne.

    Quand on prend le champ historique indispensable pour saisir l'ampleur de cette lame de fond, on se rend compte à quel point le 8 mai 1945 n'a été, au fond, qu'une défaite d'étape. J'aurai largement, ces prochaines années, l'occasion d'y revenir.

    Quant à la Prusse, un jour ou l'autre, ce grand nom, scandaleusement banni des langages, réapparaîtra dans les discours, sur les cartes de géographie. Et, surtout, dans la lumière des consciences.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Les indicateurs

     

    Sur le vif - Vendredi 13.09.19 - 18.48h

     

    Un jour, il y a quelques années, un conseiller d'Etat radical ayant siégé de 2005 à 2018 s'est mis à utiliser le verbe "indiquer". "Je vous indique que...", "Comme je vous l'ai indiqué mardi dernier...", "Le Conseil d'Etat est en mesure de vous indiquer..", etc. etc. etc.

    Je ne m'étendrai pas ici sur le sujet. Je parle du verbe, bien sûr. Sa rare laideur, glaciale, technocratique, indigne d'un locuteur qui, d'ordinaire, s'exprimait dans un français élégant et agréable à écouter. Déjà à l'époque, je ne comprenais pas pourquoi cet homme cultivé, lecteur de romans, s'accrochait à ce verbe évoquant, dans le meilleur des cas, le bilan comptable, en trois exemplaires, d'une entreprise de géomètres.

    Mais le plus fou n'est pas là. Non, il ne réside pas dans cette faiblesse passagère de l'ancien magistrat radical. Le plus fou, c'est que Serge Dal Busco, depuis qu'il est au Conseil d'Etat (où il a passé les cinq premières années sous l'empire et l'emprise du sus-nommé), n'en peut plus "d'indiquer" ! Aux Finances, il indiquait. A la Mobilité, il indique. Partout, il indique.

    Dans l'ordre du langage, nous sommes tous des emprunteurs. Nos oreilles, nos cervelets, nos gourmandes méninges sont prompts au rapt et à la reproduction. Empruntons, donc ! Mais, si possible, en tâchant de capter le meilleur. Et de laisser gésir le pire dans le fond lustré d'une oubliette.

     

    Pascal Décaillet