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Sur le vif - Page 266

  • Gottfried Benn : rigueur, précision, poésie

     
    Sur le vif - Jeudi 15.04.21 -
     
     
    Il faut lire les pages culturelles de la Weltwoche, de même qu'il faut lire celles de la NZZ et de la Frankfurter Allgemeine.
     
    Là, dans l'édition de ce matin (jeudi 15.04.21, no 15), c'est Gottfried Benn (1886-1956). L'un des plus grands poètes de l'expressionnisme allemand. Un Prussien. Remarquable double page, signée Ulrich Gumbrecht, sur la réédition des poèmes selon la version originale (Fischer Taschenbuch, 688 pages).
     
    Benn est un immense poète, et je le dis aux germanistes : il mérite une approche plus complète que les morceaux retenus habituellement dans les anthologies. C'est un Prussien pure souche, habité par l'Histoire de cette nation, fils d'un pasteur luthérien de Mansfeld (l'actuelle Prignitz), il a été médecin (dermatologue), il a servi pendant la Grande Guerre, il s'est engagé dans l'expressionnisme tout en étant un adversaire de la République de Weimar, il a très sérieusement sympathisé avec les nazis, avant de s'en séparer. Disons que sa seule relation avec le régime NSDAP, de 33 à 45, mérite un livre entier, tant elle est complexe. Il meurt à Berlin, en 1956.
     
    Ca, c'est le Benn biographique. Mais il faut entrer dans son écriture poétique. La double page de la Weltwoche nous y invite avec puissance et précision : rares sont les articles de presse qui, au sujet d'un poète, entrent en matière sur l'essentiel : le rythme, le souffle, la prosodie, l'essence même du vers. Gumbrecht, dans cet article, le fait. On est loin des survols et des approximations : on entre dans le ventre du sujet.
     
    J'invite tous les profs d'allemand, dès le niveau fin Collège, à faire lire aux élèves, à haute voix, la poésie précise, concrète et structurée de Gottfried Benn. L'un des repères de la littérature allemande dans la première partie du vingtième siècle.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Les ploucs ? D'une chiquenaude, nous pouvons les éjecter !

     
    Sur le vif - Mercredi 14.04.21 - 16.56h
     
     
    La guerre des mots, je l'ai dit, sera sans pitié. Elle nous a été déclarée, il nous faut la mener. Pour ma part, j'irai jusqu'au bout. Je ne céderai à aucun jargon, aucun communautarisme de langage, aucun tribalisme de vocabulaire. En clair, ni langage inclusif, ni novlangue des Verts, pour prendre deux exemples.
     
    J'ajoute une chose. Dans cette guerre, les créateurs de charabia ne sont pas ceux à qui j'en veux le plus. Ils ont cru bon d'user de ces ficelles langagières comme d'outils de combat, fort bien. En revanche, je déclare ici, haut et fort, mon absence totale de considération pour ceux qui, par facilité, par trouille face aux emmerdes, par hantise de déplaire aux tsunamis de mode, reprennent comme des perroquets les barbarismes qu'on nous impose.
     
    Dans cette guerre, le personnage principal, ça n'est pas le cuistre qui nous balance ses néologismes. Non. Le personnage principal, c'est chacun d'entre nous. Seul face à sa plume. Seul face à sa langue. Seul, face au rapport qu'il entretient avec sa capacité à générer des mots. Veut-il la langue, sa qualité, sa puissance de transmission, sa prodigieuse liberté ? Ou au contraire, veut-il l'esclavage du mimétisme sur la mode qui passe, et qui tente de l'asservir ?
     
    La guerre n'est pas contre les ploucs, il nous suffirait d'une chiquenaude pour les éjecter. Non, la guerre est en chacun de nous. C'est une affaire de conscience individuelle, de capacité d'émerveillement face au miracle de la langue.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • La capitale du monde, c'est Munich. Pas Berlin.

     
    Sur le vif - Mardi 13.04.21 - 10.19h
     
     
    Quand on pense Bavière, on pense catholicisme. C'est un tort. La Bavière est certes à majorité catholique, mais tout le Nord du pays bavarois est fortement imprégné par la Réforme, notamment la Franconie moyenne (Mittelfranken) et la Haute-Franconie (Oberfranken), régions que j'ai la chance de bien connaître : elles jouxtent par le Sud le Land de Thuringe, temple vivant de la religion luthérienne.
     
    Mais c'est ainsi : l'image première de la Bavière, ce sont Munich, les Châteaux de Louis II, les lacs sublimes qui se reflètent dans les Alpes, à la frontière autrichienne. J'y ai passé encore quelques jours l'été dernier, de retour d'un séjour en ex-DDR. Il est vrai que le tableau est saisissant.
     
    J'ai déjà abordé, dans ma Série Allemagne en 144 épisodes, le cas, si particulier et passionnant, de "l'Etat libre de Bavière", la région d'Allemagne (avec la Saxe et la Prusse) où j'ai passé le plus de temps. C'est un pays, en soi. C'était un Royaume, jusqu'à la Révolution de novembre 1918, qui y fut particulièrement féroce, avec des Soviets locaux, proclamés en 18-19 dans la plupart des principales villes. La Bavière industrielle, ouvrière, se rappelait à notre bon souvenir, faisant éclater le vernis d'une imagerie paisible et prospère, celle de la carte postale de Linderhof et Neuschwanstein.
     
    Bref, l'Histoire de la Bavière reste à écrire : elle est celle d'un pays comme un autre, qui a cherché au 19ème siècle à vendre au monde une image d’Épinal, mais traversé par toutes les forces antagonistes de l'Europe : Réforme, Contre-Réforme, guerres napoléoniennes, fin du Saint-Empire (1806), cheminement vers l'Unité allemande (1866), Révolution industrielle, deux guerres mondiales, Révolution de novembre 1918, contradictions et mensonges de l'après-guerre. Pays captivant, méconnu, victime de la carte postale qu'il nous avait lui-même concoctée, avec de bons gros bougres, en shorts de cuir, brandissant une chope de bière. Un pays comme les autres : ça ne vous rappelle rien, amis Suisses ?
     
    Je vous parle ce matin de la Bavière luthérienne, moins connue que la Bavière catholique, parce que le Ministre-Président, Markus Söder, 54 ans, natif de Nuremberg, est justement luthérien. Et qu'il s'invite, contre l'appareil de la CDU, contre Armin Laschet, le dauphin désigné de Mme Merkel, à la course à la Chancellerie, qui se jouera le 26 septembre. Et sa candidature, moins sage et moins docilement orthonormée Europe que celle de son rival, va faire parler d'elle.
     
    A-t-il des chances ? Nous verrons. Mais une chose est sûre : pour la toute première fois, un Ministre-Président de Bavière s'ouvre la voie vers le pouvoir central. A l'image d'un Prince électeur, à l'époque du Saint-Empire, postulant pour le titre d'Empereur. Telles sont les Allemagnes, décentralisées, plurielles, très personnalisées dans les régions. Un Bavarois à la Chancellerie : même le puissant Franz Josef Strauss, le Taureau de Bavière, n'y était pas parvenu. En avait-il seulement eu envie ? La capitale du monde, chez ces gens-là, c'est Munich. Pas Berlin.
     
     
    Pascal Décaillet