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Sur le vif - Page 252

  • L'Algérie, le Maroc, la polyphonie des morts

     
    Sur le vif - Mercredi 25.08.21 - 14.37h
     
     
    L'Algérie rompt ses relations diplomatiques avec le Maroc, ce qui est tout de même une nouvelle assez fracassante pour toute personne s'intéressant peu ou prou à l'Afrique du Nord, et notamment à l'Histoire de cette grande nation qu'est l'Algérie. Et la nouvelle passe en entrefilet : tout le monde s'en fout.
     
    Dans nos pays douillets, on préfère les sujets "de société". Bien stigmatisants, et bien moralisants. Histoire de jeter la meute sur toute personne émettant une opinion n'allant pas dans le sens de la norme. La vie des peuples, le destin des nations, l'analyse politique ne semblent plus guère intéresser nos belles âmes.
     
    Lisez Lacouture. Et vous verrez à quel point le destin de l'Algérie, depuis 191 ans, peut si souvent se confondre avec le nôtre, par-delà cette Méditerranée qui nous relie.
     
    Lisez des livres d'Histoire, tous pays confondus, je passe mon temps à le faire pour l'Allemagne. Renseignez-vous. Allez sur les lieux. Ayez soif de connaissances. Laissez-vous surprendre. Ne vous contentez jamais des versions des vainqueurs, des gouvernements, des officiels, du pouvoir. Embrassez toutes les perspectives, y compris celles des oubliés, des maudits. Ne succombez surtout pas aux leçons des moralistes, qui nous dévident leurs anachronismes et leur ignorance de la complexité des faits.
     
    C'est valable pour l'Algérie. C'est valable pour l'Allemagne. C'est valable pour la France. C'est valable pour tout. D'abord, aller voir. Pénétrer les textes, les témoignages. Laisser parler la polyphonie des morts.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Pascal Broulis, Philippe Leuba : deux magistrats à hauteur d'Etat

     
    Sur le vif - Jeudi 19.08.21 - 12.37h
     
     
    Pascal Broulis et Philippe Leuba auront été, l'un et l'autre, des magistrats de grande valeur. Au-delà de leurs legs, que chacun peut évaluer comme il l'entend, ils laissent dans l'espace politique une hauteur de vue, une justesse de ton, une adéquation à la fonction, que bien des Cantons (notamment l'un, en aval du Rhône) peuvent leur envier.
     
    Pascal Broulis, dans la tradition radicale, celle qui a fait la Suisse moderne et construit l'Etat. Philippe Leuba, dans la rigueur d'une autre philosophie politique, celle de la responsabilité individuelle. Deux hommes, deux postures. La bonhommie de l'un, la raideur de l'autre, dans les deux cas au service de l'Etat. On rêverait, dans des Cantons voisins (notamment dans ce Sud-Ouest de la Suisse où le Grand Fleuve se rapproche de la Camargue), de retrouver parfois cette élévation d'Etat dans le comportement des magistrats. On les perçoit chez Nathalie Fontanet, peut-être un ou deux autres, tous partis confondus. C'est bien. Mais c'est un peu juste.
     
    On n'aurait jamais imaginé Pascal Broulis, ni Philippe Leuba, entrant dans la mêlée, blessant l'âme de citoyennes et citoyens libres de leurs opinions, de leurs critiques, qui constituent pourtant le seul véritable souverain dans notre démocratie suisse. Ces deux hommes d'autorité n'ont jamais versé dans la crise d'autoritarisme. Certains Cantons, notamment là où le Rhône redevient Rhône, pourraient s'en inspirer.
     
    Je ne suis pas Vaudois, mais Valaisan de Genève, ou Genevois d'origine valaisanne, comme on voudra. Je suis Suisse, profondément. Et il se trouve que j'admire depuis toujours, déjà à l'époque de Philippe Pidoux, la rude et intransigeante conception républicaine que les magistrats exécutifs vaudois ont de leur fonction. Je l'ai sentie, plus que chez tout autre, chez un Jean-Pascal Delamuraz, que j'ai eu l'honneur de suivre de près dans mes années bernoises.
     
    Ensuite, chacun jugera : tel ministre a-t-il fait de bonnes, de mauvaises choses, là n'est pas mon débat. Pour ma part, citoyen libre, engagé, passionné de politique et d'Histoire, j'adresse tous mes vœux à MM Broulis et Leuba pour la suite. Ils ont été, l'un et l'autre, à hauteur d'Etat.
     
     
    Pascal Décaillet
     

  • Mai 66, la belle dame des Allinges

     
    Sur le vif - Dimanche 15.08.21 - 10.15h
     
     
    Mai 1966, Les Allinges, Haute-Savoie. Retraite de quelques jours, préparation de la Première Communion. J'allais sur mes huit ans. Et j'allais découvrir en famille, deux mois plus tard, les splendeurs de l'Orient.
     
    Il y avait le village, le château médiéval en ruines, une forêt magique pour des jeux de pistes. Il y avait surtout un homme, l'un de ceux qui m'ont le plus marqué, le Père Louis Collomb, aumônier du primaire, de 1965 à 1969, date de mon entrée à l'école secondaire. Il m'a illuminé par l'intelligence de ses cours de religion, ouverts à tous les courants spirituels du monde, et surtout par sa bonté, sa douceur. Voilà des décennies qu'il nous a quittés, pas un jour pourtant sans que je ne pense à lui.
     
    Un beau jour, le Père Collomb nous lance un jeu de pistes, par équipes, à travers la forêt. "A la dernière étape, vous serez accueillis par le sourire d'une belle dame". Nous n'étions que des garçons, avec quelques hommes, ce que nous demeurerons jusqu'en juin 1973. Pour moi en tout cas, l'invitation au sourire ne manquait pas d'attrait.
     
    Nous avons cheminé à travers la forêt, dans un joyeux gazouillis. Nous avons démêlé les énigmes. A la dernière étape, je crois que c'était sur la place du village, la belle dame nous attendait, statufiée, accueillante comme une mère. Je ne l'oublierai pas.
     
    La belle dame m'a donné le sentiment d'un passage. J'ignore d'où je venais, où j'allais, mais j'ai franchi une étape.
     
    Depuis, j'ai développé mes connaissances historiques, linguistiques, rationnelles, il faut bien laisser leur chance aux Lumières. Il faut bien construire, non ?
     
    Mais la belle dame est toujours là.
     
    Aujourd'hui, je pense à elle.
     
     
    Pascal Décaillet