Sur le vif - Lundi 28.03.22 - 14.23h
Le partenaire naturel de l'Europe, pour l'approvisionnement en gaz, par voie terrestre, c'est la Russie. Absolument pas les Etats-Unis. Même si le commis-voyageur Washington-Varsovie fait son numéro pour nous persuader du contraire.
A cet égard, un pays, dont je parle souvent et qui demeure encore discret en ce début de guerre, va jouer un rôle déterminant, ces prochains mois et ces prochaines années : l'Allemagne.
L'Allemagne, c'est près de 90 millions d'habitants. Quatrième puissance économique du monde. Une industrie inventive et performante. Tout cela, ça consomme de l'énergie. Certes, l'Allemagne a pris une avance phénoménale sur nous en matière de panneaux solaires (jusqu'au moindre village) et surtout d'éoliennes (des milliers et des milliers, dans le Brandebourg, et dans le Mecklenburg-Vorpommern).
Mais cet effort prodigieux dans le renouvelable ne suffira pas. Et comme l'Allemagne a pris la décision de sortir du nucléaire, et s'y cramponne, elle n'a tout simplement pas le choix : elle a besoin, pour des années encore, du gaz russe. Même son bon vieux charbon, mythique dans l'Histoire industrielle du pays, ne suffira pas !
Alors, l'Allemagne maintiendra le contact avec la Russie. D'autant que, depuis trente ans, elle a étendu ses marchés sur l'Europe centrale et orientale. Elle n'a aucun intérêt à une déstabilisation de l'Europe de l'Est. Ni à une guerre qui dépasserait le conflit Russie-Ukraine.
Mais avant tout, elle a besoin du gaz russe. Cet élément concret, vital, sera déterminant pour la suite des événements, dans les années qui nous attendent.
L'actuel Chancelier, Olaf Scholz, est SPD (social-démocrate), le parti de Willy Brandt, et de l'Ostpolitik. Le parti qui a réinventé, entre 1969 et 1974, en pleine guerre froide, la relation avec l'Est. Depuis le Congrès de Bad-Godesberg, en 1959, les sociaux-démocrates allemands sont des pragmatiques. Ils ne forcent pas, comme leurs homologues français, sur les grandes envolées. Mais ils savent compter. Et privilégier les intérêts vitaux de leur pays.
Ah oui, un détail, sans importance : dès le lendemain de la guerre Russie-Ukraine, le Parlement allemand a voté un réarmement de cent milliards d'Euros. Dans l'indifférence générale. Le géant économique, politique aussi depuis trente ans, redevient un géant stratégique, au coeur de notre continent. Au service de quelle politique, dans l'avenir ? Celle de l'Europe ? Ou celle des intérêts vitaux de la nation allemande ?
Pascal Décaillet