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Sur le vif - Page 250

  • D'abord on bosse, après on discute !

     
    Sur le vif - Mercredi 01.09.21 - 13.09h
     
     
    La grève des trains, en Allemagne, est totalement contraire à la puissante et remarquable tradition de dialogue social et de concertation, dans ce pays. Elle date des années bismarckiennes, qui furent celles des premières conventions collectives en Europe, peut-être même au monde.
     
    L'Allemagne est aujourd'hui la grande puissance économique en Europe. Sa vitalité exceptionnelle tient à la relation que chaque Allemand entretient avec son travail. Il commence par se demander ce qu'il peut faire pour son entreprise. Cette maturité, ancrée dans la philosophie de la responsabilité individuelle au service du collectif, si présente chez les grands penseurs allemands, prussiens notamment, depuis le milieu du 18ème siècle, est magnifique. Elle détermine tout le reste.
     
    Nous, les Suisses, pouvons comprendre cela. Nous sommes proches de ce modèle. Nous sommes consciencieux, bosseurs. Notre système social, en tout cas depuis 1937, notre rapport à l'économie, notre construction de majorités politiques, par coalitions, ressemblent au modèle allemand. Et c'est tant mieux, parce que c'est la clef de la réussite.
     
    La grève n'est pas un modèle pour l'Allemagne. Ni pour la Suisse. Laissons à la France le triste monopole de ces démonstrations de puissance des grandes centrales syndicales. Nous les Suisses, comme les Allemands, avons mieux à faire : d'abord on bosse. Après, on discute.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Laissez dormir la liberté, M. Wermuth !

     
    Sur le vif - Mardi 31.08.21 - 13.19h
     
     
    Le parti socialiste suisse doit devenir le parti de la liberté. Propos de son coprésident, Cédric Wermuth, samedi dernier, au Congrès de Saint-Gall.
     
    Eh bien M. Wermuth, vous avez du boulot. Votre parti a sans doute d'éclatantes vertus - pas toujours visibles au premier regard - mais pour la liberté, il va falloir retrousser vos manches.
     
    La liberté d'expression, en Suisse ? Combien de fois des personnalités de votre parti se sont-elles rangées, ces dernières années, parmi les censeurs ? Dès qu'on ne partage pas, par exemple, votre sublimation de l'altérité dans les questions de migrations, on se voit traiter de xénophobes, parfois même de racistes. Alors qu'on n'est ni l'un, ni surtout l'autre ! Simplement, on souhaite pour son pays une régulation des flux migratoires, en application d'ailleurs de l'initiative du 9 février 2014.
     
    Vous adversaires sur les questions de migrations, d'asile, vous les étiquetez du sceau d'infamie, plutôt que d'entrer en matière sur leurs arguments. Quand je dis "vous", ça n'a pas votre personne, M. Wermuth, mais si souvent d'éminentes personnalités de votre parti. Des élus, exécutifs ou même législatifs, qui se permettent d'insulter d'autres citoyens suisses, d'un avis différent. Clouer au pilori de simples contradicteurs. Où est le dialogue ? Où est la démocratie ?
     
    J'ai pris l'exemple du débat migratoire, capital pour l'avenir de notre pays. Mais il y a tous les autres. Le climat. Les questions de genre. Le féminisme. Là aussi, vous faites taire. Sur les réseaux, vous lancez les meutes. Vos contradicteurs, vous les vouez aux enfers. Leur liberté de parole, vous la bafouez. Pas vous, M. Wermuth, je ne vous connais pas, et vous accorde bien volontiers le bénéfice du doute. Pas vous, mais tant d'élus de votre parti, dans toute la Suisse.
     
    Le contact avec le prolétariat, les ouvriers suisses, les chômeurs suisses, les travailleurs pauvres suisses, les retraités suisses aux rentes faméliques, vous l'avez complètement perdu. Votre parti ne jure plus que par l'Autre. Vous encensez l'altérité. Vous méprisez l'identité.
     
    Il fut un temps où vous fûtes le parti du social, vous avez joué un grand rôle dans l'Histoire de notre pays. Hélas, vous n'êtes plus que le parti du "sociétal" : vos élus, vos membres, ne pensent plus qu'à guetter le moindre "dérapage" de leurs contradicteurs, le moindre écart à la norme. Vous êtes devenus des censeurs.
     
    Les médias ? Avec votre "aide à la presse", vous ne songez qu'à les asservir. Pouvoir fourrer vos naseaux dans leurs indépendances rédactionnelles, au nom des deniers que vous leur versez. A la vérité, vous rêvez de les contrôler, avec vos instances, vos commissions, vos vérificateurs. Vous vous donnez comme des protecteurs, vous vous révélez des censeurs.
     
    Alors, M. Wermuth, faites comme vous l'entendez. Empoignez les thèmes que vous voulez. Mais de grâce, laissez dormir la liberté.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le destin allemand, du néant au rêve d'une autre vie

     
    *** Essai sur l'idée de ruine dans la conscience germanique - Lundi 30.08.21 - 13.44h ***
     
     
    Dans le demi-siècle qui a suivi la Guerre de Trente Ans (1618-1648), les Allemagnes, totalement dévastées par les ravages du conflit (lire absolument le Simplicius Simplissimus, de Grimmelshausen, 1668), ont failli disparaître, purement et simplement, de la carte de l'Europe. Le renaissance, politique, économique et culturelle, de l'idée allemande sur le continent, ne viendra qu'avec le 18ème siècle, à vrai dire avec le règne de Frédéric II, Roi de Prusse, entre 1740 et 1786.
     
    Cette possibilité vertigineuse d'une disparition, l'intensité de la ruine allemande en 1648 (qui préfigure celle de 1945), le miracle d'une résurrection sous l'impulsion prussienne, quel prof d'Histoire les enseigne-t-il aujourd'hui ? Cette carence est coupable : il faut passer par cette période terrible pour prendre la mesure de tout ce qui suivra : naissance de l'idée prussienne, occupation de la Prusse par Napoléon entre 1806 et 1813, révolte des élites intellectuelles contre les Français, puis les chemins de l'Unité jusqu'en 1866. Et puis, tout le reste, l'Empire dès 1871, la Grande Guerre, l'humiliation de Versailles, la République de Weimar, le Troisième Reich, la renaissance de l'après-guerre.
     
    Quand on contemple ce chemin, on saisit tout ce qui a été construit depuis Frédéric II. L'édifice politique, le travail sur la langue, la prodigieuse Révolution des sciences et des techniques, les voies de communication, les Universités, les immenses écrivains, ne parlons pas de la musique. Profonde civilisation, majeure dans l'espace européen.
     
    On se dit aussi autre chose : cet exceptionnel chemin a été marqué, comme on sait, par des temps d'arrêt : défaite d'Iéna en 1806, Armistice de novembre 1918, capitulation de mai 1945.
     
    Après cette dernière, on a parlé d'Allemagne, Année Zéro. Les villes, en ruines. La souveraineté politique, perdue pour des générations. Quatre puissances occupantes. Deux pays, au lieu d'un, entre 1949 et 1989.
     
    Il y a peut-être eu une Allemagne, Année Zéro. Mais aujourd'hui, avec le recul, avec le champ de l'analyse en profondeur, on se dit que ces temps d'arrêt, Y COMPRIS CELUI DU 8 MAI 1945, n'ont été, dans l'immense mouvement entamé sous Frédéric II, que des défaites d'étape. De toutes, l'Allemagne s'est relevée. Volonté de fer. Refus de l'inéluctable.
     
    La conception beethovénienne, ou wagnérienne, du héros, y est sans doute pour quelque chose, mais pas seulement. Les mêmes vertus dans l'ordre de la résurrection, les Allemagnes en avaient fait preuve, patiemment, après le désastre de 1648. Et ce sont les Allemands, à l'époque du Sturm und Drang (autour de 1770), puis au début du Romantisme, qui nous donneront les interprétations les plus géniales de la ruine grecque. La ruine, encore la ruine !
     
    Saisissant destin que celui de ce peuple, depuis la Guerre de Sept Ans (1756-1753). Un quart de millénaire à se reconstruire après la ruine. Incroyable cavalcade, comme dans Erlkönig, le Roi des Aulnes, le poème de Goethe. Course folle, oui, entre la possibilité du néant et le rêve d'une autre vie.
     
     
    Pascal Décaillet