Sur le vif - Dimanche 16.02.25 - 15.50h
Catastrophique, le mot est faible pour commenter la réaction de Karin Keller-Sutter aux propos délirants du Vice-Président américain Vance, à Munich.
Comme je l'ai exposé ici même avant-hier soir, au moment même du discours, M. Vance n'a certainement pas tort sur le fond. Il vise même juste, lorsqu'il déclare tabou tout débat sur l'immigration en Europe, lorsqu'il évoque une liberté d'expression muselée par la bien-pensance, ou encore lorsqu'il brandit l'exemple roumain : on conteste l'élection d'un profil qui ne plaît pas.
Mais l'essentiel n'est pas là. Le scandale, c'est qu'un Vice-Président américain, peu importe qu'il soit celui de Trump, de Biden ou d'un autre, se permette de venir moraliser la Vieille Europe, lui dire ce qu'elle doit faire, sans être immédiatement congédié de la Salle des Conférences à Munich. C'est à nous, Européens, de régler entre nous ces questions-là, y compris en s'engueulant très fort entre nous, s'il le faut. Et ça n'est certainement pas à un shérif planétaire no 2 de venir nous faire la leçon du haut de son arrogance impérialiste !
Et c'est là le problème de Mme Keller-Sutter. Ne voir dans dans ce discours que son contenu, sans avoir l'élémentaire sens politique d'en soupeser le contexte, en termes de dignité d'un Vieux Continent dont la Suisse, Union européenne ou pas, est partie prenante. Nous sommes Européens ! Je suis Européen ! Jusqu'à la moelle ! Pas de l'Europe de Bruxelles, mais de cette stratification continentale qui, culturellement, religieusement, linguistiquement, musicalement, poétiquement, nous a, au fil des siècles, soudés les uns aux autres ! Je suis Allemand, jusqu'aux tréfonds ! Je suis Italien ! Je suis Grec !
Mme Keller-Sutter n'a absolument pas pris la mesure de cette dimension-là, pourtant essentielle, et supérieure à toute autre considération. Tout au plus, elle s'est ébahie face au "libéralisme" de M. Vance. Comme si le "libéralisme", dont la version ultra a fait tant de dégâts depuis la chute du Mur, était un but en soi ! Petitesse d'appréciation, Madame la Conseillère fédérale ! Et puis, quoi, vous voulez une Suisse-Singapour, une Suisse-Monaco, qui abandonne sa dimension européenne pour s'en aller négocier directement avec les bons boursicoteurs du moment, tel Dragon d'Asie, telle principauté aux attraits fiscaux ! Non, Mme Keller-Sutter ! Je suis Suisse comme vous, je suis contre l'inféodation de mon pays à l'Europe de Bruxelles, mais je veux une Suisse européenne, amie de tous sur ce continent, une Suisse où règnent la culture allemande, la culture italienne, la culture grecque. Une Suisse des langues et des textes.
Au lieu de cela, je n'ai senti dans vos propos sur M. Vance que récupération apeurée pour ne surtout pas froisser le Yankee dominant. J'attendais mieux d'une Conseillère fédérale.
Pascal Décaillet