Sur le vif - Jeudi 30.05.24 - 10.36h
Il y a juste trente ans, été 1994, j'ai produit et réalisé, pour la RSR, une Série d’Été, en cinq épisodes de 40 minutes chacun, dans laquelle je racontais l'Affaire Dreyfus. De l'arrestation du Capitaine, en octobre 1894, jusqu'à sa réhabilitation, en 1906.
J'avais lu, en amont, tous les livres possibles et imaginables sur l'Affaire. Et un nombre impressionnant de journaux de l'époque. L'Aurore, le Siècle, le Figaro, mais aussi le Journal de Genève, la Gazette de Lausanne, le Courrier, la Liberté, car la presse suisse était partie prenante. J'entrecoupais mon récit de musiques contemporaines à l'Affaire, dans le très riche répertoire de la France au tournant des deux siècles, ainsi que d'extraits de correspondance, notamment celle du Capitaine avec son épouse, lus par les comédiens Caroline Gasser, Philippe Morand, Jean Liermier.
La Série a été diffusée. J'ai reçu un très grand nombre de lettres, le public avait été au rendez-vous.
L'une de ces lettres, manuscrites (internet n'existait pas encore, donc pas de mail à l'époque), m'avait touché au coeur. Par sa pertinence. Son intelligence. Son rédacteur avait immédiatement saisi ma démarche, mon rapport au micro, ma conception du récit. Il m'écrivait des choses plus qu'aimables. Le même, 21 ans plus tard, en 2015, m'avait vivement encouragé à pousser jusqu'au bout ma Série en 144 épisodes sur l'Histoire de l'Allemagne, de 1522 à aujourd'hui (32 sont déjà bouclés).
Ce correspondant pointu, aiguisé, bienveillant, attentif à l'essentiel, n'était pas tout à fait Monsieur X. Il était celui de mes confrères que j'admirais le plus, depuis l'adolescence. En ce jour d'été 1994, il m'avait dit les mots justes, ceux dont j'avais besoin pour continuer mon approche du micro dans le sens que me dictait mon instinct le plus profond.
Il était un aîné en éveil. Un porteur de lumière, sur le chemin. Il s'appelait Claude Torracinta.
Pascal Décaillet