Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sur le vif - Page 31

  • Ce qui m'intéresse ? Le sort de mes compatriotes !

     
    Sur le vif - Lundi 21.05.24 - 09.34h
     
     
    Ne venez pas vers moi avec des sujets de société, vous n'aurez aucune chance. La quasi-totalité de la presse en Suisse en est totalement obsédée, elle sera enchantée d'en discuter avec vous.
     
    Mais pas chez moi. Habité depuis un demi-siècle par l'Histoire de mon pays, ayant consacré toute ma carrière, de Berne à Genève en passant par Lausanne, à débattre de politique, d'économie, de cohésion sociale et de culture en Suisse, j'ai d'autres priorités que me jeter tête baissée dans le premier sujet à la mode. Y compris - c'est important - pour le dénoncer, malgré tout le mépris qu'il m'inspire. Ce dernier point me distingue de pas mal de proches, auxquels me relie une complicité intellectuelle et spirituelle, voire une amitié personnelle, mais ayant à mes yeux le tort originel d'entrer en matière sur ces sujets. Fût-ce pour les pulvériser.
     
    Pour moi, c'est simple, Soit un sujet est important, et j'en parle. Soit il ne l'est pas, et j'ai autre chose à faire que de l'évoquer.
     
    Dans le débat politique, je privilégie depuis tant d'année ce qui touche la vie quotidienne des Suisses, mes compatriotes. Et notamment le sort économique, social, fiscal, des classes moyennes. Alors, vous trouverez toujours chez moi des débats sur le remboursement des frais dentaires, le prix des médicaments, les primes d'assurance-maladie, l'avenir du système de santé, la dignité de nos retraites, la fiscalité des classes moyennes, le sort de notre agriculture, la survie de notre industrie.
     
    Le reste, vous le trouvez partout ailleurs. Donc, dans 99% de l'offre médiatique. Mais pas chez moi. J'ai d'autres priorités, vous les partagez ou non, chacun est libre. Mais nul ne m'en fera dévier d'un seul millimètre.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Aime et parle ta langue, tu seras Pentecôte

     
    Sur le vif - Dimanche 19.05.24 - 11.28h
     
     
    Tu veux parler toutes les langues ? Un seul chemin : commence par parler la tienne. Que ton verbe soit le feu, dans la propre langue qui est celle de ta naissance, de ta mère, de tes premières années. Ensuite, que tu deviennes un génial polyglotte ou le porteur d'une seule langue, peu importe. Si tu parles ta propre langue avec amour et précision, avec ce frisson de la syllabe juste, du rythme, du souffle, du silence, si ta phrase est musique, alors tu parleras toutes les langues. Et chaque jour pour toi sera Pentecôte.
     
    Bien parler - ou bien écrire - sa langue, ça n'est pas aligner les imparfaits du subjonctifs. Ni d'ailleurs, à l'inverse, se les interdire. Non. C'est sentir le mot juste, écouter la petite voix intérieure qui nous le murmure. Car la langue, c'est la voix. Car le langage, c'est la voix. Car la musique, c'est la voix. L'écriture seule, sèche, silencieuse, le texte écrit lèvres fermées, coupé de son origine vocale, c'est la tristesse des insensibles, des démonstratifs, des rationalistes qui ne voient en elle que l'instrument d'une pensée. Mais la langue, le langage, l'écriture, c'est autre chose que cela. C'est une musique. Et c'est un souffle de la vie.
     
    Ne te tracasse pas trop avec des soucis d'universalité planétaire. Si tu parles ta langue avec ferveur, la langue de ta mère, alors devant le non-dit, devant le néant des choses, toi la goutte d'eau tu parleras toutes les langues. Si au contraire tu en parles cinq ou six, ou dix, sans la moindre sensualité, sans musique, sans les justes silences, juste pour instrumentaliser ton érudition, alors tu n'en parleras aucune. Tu seras Babel, et non Pentecôte.
     
    Ne te tracasse par pour le monde. Il n'a nul besoin de zombies cosmopolites, ces déracinés de la musique. Il a juste besoin que chacun, là où il est, dans telle forêt d'Amazonie, telle steppe du grand Nord, telle vallée latérale du Valais, tel village de Toscane ou de Provence, telle colline de la Forêt de Thuringe, parle sa langue à lui. Nationale ou dialectale, normée ou patois, rugueuse ou chantante. Sa langue. Celle de sa mère. Celle du premier être qui, penché sur lui, lui a souri. Et a commencé à lui dire quelques mots. Celui qui porte amour à cette langue-là, maternelle, première et primale, originelle, ventrale, viscérale, celui-là sera Pentecôte.
     
     
    Pascal Décaillet

  • La Suisse n'est pas libérale par essence !

     
     
    Sur le vif - Vendredi 17.05.25 - 09.15h
     
     
     
    "La Suisse est un pays libéral" : c'est le mantra d'une certaine droite, tournée vers le profit financier, elle revient constamment dans les débats.
     
    Cette phrase est insupportable. Elle laisse entendre que la nature "libérale" de la Suisse serait d'ordre ontologique, immuable. Alors que, tout au contraire, elle est le résultat de choix politiques, économiques, sociaux, depuis un siècle et demi.
     
    Alors bien sûr, si on prend notre pays aujourd'hui, en 2024, on jette un regard d'ensemble, on dit "La Suisse est un pays libéral", on n'a pas tort. Non, ce qui est scélérat, fallacieux c'est de laisser entendre qu'elle le serait par essence, et non par la chaîne, chère à Marx et Thucydide, de cause et d'effets.
     
    Pour ma part, je ne crois pas à une essence inaltérable des choses. Je crois aux luttes de pouvoir, d'intérêts économiques et financiers. Je crois aux causes et aux effets. J'ai lu Thucydide, dans le texte, dans l'adolescence. Et je me replonge constamment dans Karl Marx.
     
    La Suisse est libérale, oui, depuis la Révolution industrielle. Son modèle d'industrie d'exportations est assurément d'essence libérale. Concurrence, adaptation, recherche des coûts de production les moins élevés.
     
    Mais la Suisse, depuis 1848, ça n'est pas seulement cela. C'est l'Histoire extraordinaire d'une communauté d'hommes et de femmes de langues, de cultures, de religions différentes, ayant réussi à nouer un pacte social et à vivre en paix. Nos grandes assurance sociales, l'AVS depuis 1948, notre tissu contractuel, notre démocratie vivante, à la fois parlementaire et directe, notre fédéralisme, notre attention à nos liens, notre fragilité. Tout cela relève d'un miracle qui va bien au-delà du libéralisme économique.
     
    Et puis, quoi ? Nous avons eu d'immenses hommes de gauche, comme Tschudi, Chavanne, tant d'autres. Nous avons une conscience sociale, environnementale, qui nous installe à des années-lumière du libéralisme, en tout cas dans son odieuse tendance ultra, dérégulatrice, casseuse de liens, mondialiste, qui tente de s'imposer depuis plus de trente ans.
     
    Alors certes, le modèle économique prédominant demeure - pour l'heure - celui d'un certain libéralisme. Mais rien n'est inscrit dans le marbre. Notre peuple, vif et intelligent, sensible aux nécessités du changement, est tout aussi attaché, sinon plus, à sa cohésion sociale. Il a dit oui à une treizième rente, l'a imposée au petit monde parlementaire. Il pourrait dire oui, dans les années qui viennent, à d'autres modèles globaux de clarification de nos rapports sociaux, en faveur du grand nombre, par exemple en matière de santé, contre les forces du profit spéculatif.
     
    Alors libéral peut-être, aujourd'hui. Mais pas par vertu du ciel. Et certainement pas pour l'éternité.
     
     
    Pascal Décaillet