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L'Allemagne ? Mais elle a besoin de la Russie !
Sur le vif - Vendredi 17.06.22 - 18.53hC'est très mal connaître la complexité historique des tropismes allemands que d'imaginer la vision atlantiste triomphant pour toujours. Pour étudier à fond l'Histoire allemande depuis Frédéric II, j'affirme que l'Ostpolitik est infiniment plus importante aux intérêts vitaux de la nation allemande, que la perpétuation d'une alliance de plus en plus informe avec un pays situé six mille kilomètres à l'Ouest, derrière un océan.Bien sûr, les grands Chanceliers CDU (Adenauer, Kohl, Merkel) ont été atlantistes. Mais le plus grand de tous, le Chancelier SPD Willy Brandt (1969-1974), a été le tout premier, un quart de siècle après la guerre, à tourner ses regards vers l'Est. En pleine Guerre froide, il avait une vision pacifique, ouverte, humaniste, non-coloniale, et j'ajoute rédemptrice (génuflexion de Varsovie, décembre 1970) des rapports du monde germanique avec l'Europe orientale.Tout le contraire de la gloutonnerie d'un Kohl, l'homme qui, sous prétexte (légitime !) de "Réunification", a phagocyté la DDR, comme si quarante ans d'Histoire de la Prusse, de la Saxe et de la Thuringe devaient être gommés, d'une chiquenaude.Regardez les faits, je les étudie de près (y compris sur place) depuis tant d'années : depuis trente ans, l'Allemagne implante ses marchés sur toute l'Europe centrale et orientale. Elle y prend des risques. Elle colonise certes un peu, puisqu'elle contrôle le Capital, tout en laissant aux autorités locales (polonaises, baltes, hongroises) les directions opérationnelles. Mais en même temps, elle élève les niveaux de vie, apporte de la prospérité.Pour continuer à exercer son influence économique et financière sur ces pays-là, l'Allemagne a un besoin vital d'entretenir de bonnes relations avec la Russie. Frédéric II, il y a deux siècles et demi, avait déjà saisi cela, ce fut l'un des enjeux (à l'Est) de la Guerre de Sept Ans (1756-1763)."Bonnes relations", cela ne signifie pas s'aimer. Ni approuver le régime politique d'en face . Mais simplement, dans un pragmatisme bismarckien, laisser ouvert le champ du possible. Pour que cette extraordinaire expansion économique à l'Est puisse perdurer.L'Allemagne n'a aucun intérêt à un embrasement généralisé de l'Europe orientale. Ce serait la ruine de son modèle d'implantation à l'Est, depuis trente ans. C'est, pour son destin, un enjeu vital. S'il est, un jour, perçu comme plus essentiel que l'arrimage à l'atlantisme, l'Allemagne choisira en priorité l'Ostpolitik.Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif -
Ukraine : l'enjeu allemand
Sur le vif - Jeudi 16.06.22 - 18.02hParler d’une adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, ça ne veut rien dire, ça n’a aucun intérêt. Ce sont juste des mots.L’enjeu réel, tant convoité à l’Ouest, c’est l’intégration progressive de la partie occidentale de l’Ukraine dans la zone économique et financière contrôlée par l’Allemagne sur les Marches orientales de l’Europe. Pologne, c’est fait. Tchéquie, c’est fait. Pays Baltes, c’est fait. Demain, l’Ukraine. Voilà le vrai plan, depuis des années.« L’Union européenne », ça ne veut pas dire grand chose. Ce ne sont pas les Portugais ni les Espagnols qui vont aller investir en Ukraine. Regardez l’évolution des marchés allemands à l’Est depuis la chute du Mur. Et vous comprendrez tout.La question allemande est au cœur de la question ukrainienne. De l’attitude finale de l’Allemagne (qui se tâte encore) face à ce conflit, tout dépendra. Il n’est pas dit que l’option atlantiste, en ultime instance, soit retenue. C’est exactement pour cela que la position du Chancelier SPD Olaf Scholz donne une impression d’atermoiement.Pascal DécailletLien permanent Catégories : Sur le vif -
D'un printemps l'autre
Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.06.22
Anne Hiltpold et Nathalie Fontanet pour le PLR, Carole-Anne Kast et Thierry Apothéloz chez les socialistes : les tickets commencent, tous partis confondus, à être connus du public pour les élections du printemps 2023 au Conseil d’Etat. Dans les deux cas cités ici, le mélange entre sortants et nouveaux est heureux, les duos sont équilibrés, crédibles. Nous verrons bien, dans dix mois, pour qui le peuple votera.
Le printemps qui précède l’année électorale est celui de toutes les floraisons. Nouveaux visages, prometteurs. Relève. Nouvelles énergies. En comparaison, c’est le jeu, l’équipe sortante paraît fatiguée, usée. On se dit que la vie va recommencer, que les erreurs du passé ne seront pas reproduites. Bref, on rêve.
Mais les sortants, eux aussi, paraissaient si jeunes, si pleins de fougue, il y a cinq ans. Le jeu politique ne serait-il qu’une déception, toujours recommencée ? Après cinq ans, dix ans, certains ministres donnent l’impression d’être en bout de course. Quand on pense au grand André Chavanne, qui est resté aux affaires pendant 24 ans ! C’était une autre époque.
Déceptions il y aura, pourtant, dans l’équipe 2023-2028, quel qu’en soit le casting. Les jolis minois de la campagne, les sourires de façade, laisseront la place à l’arrogance pour les uns. A l’amertume pour les autres. Les fronts se plisseront. La tragique noirceur du pouvoir se refermera. Ainsi va la vie. Ne les idéalisons pas trop aujourd’hui. Le pouvoir n’est jamais beau. Jamais il n’unit. Toujours, il sépare.
Pascal Décaillet
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