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Sur le vif - Page 156

  • Un peu léger, Mme Fischer

     
    Sur le vif - Mardi 31.05.22 - 15.14h
     
     
    Il est des interviews ministérielles qui, plus que d'autres, laissent pantois. Ainsi, ce matin, sur la Première, la Conseillère d'Etat genevoise chargée de l’Économie. L'air était si léger, ce matin, entre 07.35h et 08.00h, on entendait siffler les premiers passereaux. On aurait peut-être dû en rester là. Couper le poste. Humer le printemps.
     
    Commençons par la fin. En pleine revue de presse, un confrère fait réagir Mme Fischer (en quoi il a parfaitement raison) à une nouvelle qui tombe à l'instant : la grande fusion impliquant un géant historique de la parfumerie à Genève, l'un des fleurons de notre Canton. Réponse, en substance : "Je n'étais pas au courant, vous me l'apprenez". C'est rafraîchissant, Mme Fischer, mais c'est un peu léger.
     
    Retour au début, au corps même de l'entretien. Mes confrères - et soeurs - tentent d'obtenir de la ministre des impulsions pour l’Économie genevoise. Quelque chose de moteur, qui fleure l'économie, l'invention, la compétition pour être les meilleurs. Las ! Ils ne récoltent pas un milligramme d'économie. Mais des tonnes d'écologie. Des mantras : transition, transition, transition. On se croirait dans une secte, au soir du Grand Transfert.
     
    En un mot, la magistrate prend une grille de lecture, une seule, celle du catéchisme de son parti pour les prochaines décennies. Elle applique cette grille de lecture-là. Et nulle autre. Elle pose un corset idéologique. Et c'est tout. C'est revigorant, Mme Fischer. Mais c'est un peu léger.
     
    Au final, quoi ? Rien, justement. Un parfum de néant. De la cosmétique. Des mots. Des recettes toutes faites. Un catalogue idéologique. Olfactivement, fenêtre ouverte sur le matin d'un monde, c'est enivrant. Mais c'est un peu léger, Mme Fischer.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Oskar Lafontaine : les mots d'un Allemand, pour les Allemands

     
    Sur le vif - Dimanche 29.05.22 - 07.02h
     
     
    Dans une Allemagne vermoulue par l’atlantisme, une grande voix s’élève, il était temps. Oskar Lafontaine, 79 ans, ancien Ministre-Président de la Sarre, ancien patron du SPD, le parti de Willy Brandt, rappelle les vérités historiques, les chaînes de causes et de conséquences, ayant conduit à la guerre en Ukraine.
     
    Lafontaine n’est pas un homme à fables. Il a été l’enfant terrible de la sociale-démocratie allemande, il en a combattu la dérive blairienne, il a évolué vers des horizons plus à gauche (Die Linke, qu’il vient de quitter avec fracas), il a défendu toute sa vie les valeurs du travail et de l’industrie. Son père est mort au combat. Oskar Lafontaine est un très grand Allemand, sa voix porte.
     
    Sur l’Ukraine, que dit-il ? Ma foi, exactement ce que vous pouvez lire ici depuis des mois. Ou sous d’autres plumes, hélas trop rares, en Suisse romande.
     
    Il rappelle la longue et patiente approche des frontières russes par les Etats-Unis, depuis la chute du Mur. Le bellicisme des Américains contre la Russie et la Chine. La part de provocation, pour les Russes, que comporte cette stratégie offensive. Que diraient les Américains, si les Russes se positionnaient à Cuba (comme sous Kennedy), au Mexique, ou au Canada ?
     
    Lafontaine parle. Et enfin, dans le débat politique allemand, s’élève une voix de la clarté. Elle contraste avec l’illisible, l’inaudible Olaf Scholz. L’actuel Chancelier, lui aussi SPD, multiplie les signes de contradictions. Un jour, on se dit qu’il sera l’homme de la grande Ostpolitik de Willy Brandt. Le lendemain, il délivre des signaux totalement antagonistes, s’alignant sur la doxa américaine. Quatrième puissance économique du monde, première puissance d’Europe, l’Allemagne mérite mieux. Elle n’a plus besoin de plaire à tous, comme du temps de son nanisme politique.
     
    Avec ou sans Scholz, l’Allemagne est en plein réveil stratégique. Elle réinvente ses énergies. Elle se réarme, comme jamais depuis 77 ans. Elle file doux devant les Américains, mais jusqu’à quand ? À l’Est, avec ou sans Scholz, elle a sa propre politique d’expansion, sur le terrain de l’économie : Pologne, Bohème, Pays Baltes, Hongrie. Partout, elle s’implante. Partout, elle gagne.
     
    Alors, dans ce pays d’une vitalité exceptionnelle au cœur de l’Europe, la voix d’Oskar Lafontaine rappelle qu’il existe un autre destin allemand que celui de l’obédience atlantiste. Et que nul n’a à dicter aux Allemands leurs relations avec la Russie. Ni la nature profonde, historique, de leur tropisme vers l’Est.
     
    Ce sont là des paroles importantes. Les mots d’un Allemand, pour les Allemands. À nous de les décrypter comme tels, dans la connaissance intime des fondamentaux germaniques. Le plus loin possible de la liturgie de la morale. Et des bons sentiments.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Le désir d'Etat, les forces de l'esprit

     
    Sur le vif - Jeudi 19.05.22 - 16.19h
     
     
    Le parti radical a fait la Suisse, on le sait. La Suisse moderne, celle de 1848. Mais il a aussi fait le Canton de Vaud, et une bonne partie de l'Histoire du Canton de Genève. Moins dévorante que dans les deux premiers exemples, plus partagée avec d'autres courants de pensée, mais bien réelle, tout de même.
     
    Pourquoi j'admire les radicaux, depuis toujours ? Parce qu'ils sont un parti d'Etat. Et depuis l'enfance, j'aime l'Etat. Oh quand je dis "l'Etat", il ne faut surtout pas imaginer des armées de fonctionnaires, justement pas ! Ni une pieuvre à tentacules. Mais l'espace dans lequel peut s'organiser la mise en oeuvre d'un projet commun. Pour cela, nul besoin de sommes faramineuses. Mais du talent, de l'esprit de sacrifice, un ancrage dans l'Histoire et dans la mémoire partagée, un goût de la réforme, de l'efficacité.
     
    Sur le plateau de Genève à chaud, il y a longtemps, Pascal Couchepin avait énoncé comme principe : "Un Etat solide, ni plus ni moins". C'est court, et c'est juste. Jean-Pascal Delamuraz, que j'ai eu l'honneur de fréquenter dans mes années bernoises, aimait l'Etat. Mais il aimait aussi les gens, le vin, les assemblées sonores et joyeuses, le vent levé sur le Haut-Lac. Il était un aventurier de la vie.
     
    Bien sûr, il y a d'autres partis d'Etat, comme les socialistes. Je respecte, mais ils sont beaucoup trop gourmands en termes de ponctions fiscales sur les classes moyennes. Et pas assez exigeants sur l'efficacité de la fonction publique. Contrairement à eux, je dis : on doit faire mieux, avec moins.
     
    Tous les partis ont des qualités, mais celles des radicaux, depuis toujours, me parlent. Ils n'ont peut-être pas la richesse d'individus, le libre-arbitre intellectuel, de certains libéraux. Mais ils ont le sens du collectif. Ils sont de ceux dont on fait les armées.
     
    Alors, oui. Je suis content. De ce qui se passe dans le Canton de Vaud. Frédéric Borloz, un vrai radical populaire, qui me rappelle un peu Delamuraz, prend en mains la Formation. Et je me dis que cela, un jour, doit redevenir possible de ce côté-ci de la Versoix, après l'éternité des socialistes.
     
    Oui, je sais, on dit "PLR". Mais moi, je dis "radicaux", quand je sens passer le vent de l'Etat. Et je dis "libéraux", quand les floraisons individuelles d'un esprit - ou d'une conscience - me charment.
     
    Freisinn, le mot qui résume tout. Le mot qui rassemble. Le mot qui convoque le désir d'Etat, les forces de l'esprit, et accessoirement la puissance de feu de la langue allemande.
     
     
    Pascal Décaillet