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Sur le vif - Page 1058

  • Saint François et l’esprit de Soral

     

    Sur le vif - Lundi 19.10.10 - 17.11h

     

    Populaire et pragmatique, John Dupraz fait partie de ces radicaux qui n’ont jamais eu leur langue dans leur poche et s’intéressent parfois à d’autres sujets que le monothème de la laïcité. Chez Dupraz, le caractère est âpre, la saillie menaçante, la saute d’humeur omniprésente. Mais la sincérité est là.

     

    Entendu aujourd’hui comme témoin dans le procès BCGe, l’extatique défenseur des régions céréalières en a sorti une toute belle, qui risque de jeter un froid dans la clique si urbaine, si policée, si centriste des radicaux genevois millésime 2010. « Ce procès n’aurait jamais dû avoir lieu, les accusés n’ont pas volé un centime ! ». Bref, le contrepied exact de la philippique si soigneusement préparée de François Longchamp, membre de son parti, il y a quelques jours.

     

    John Dupraz n’est pas le seul. Au sein même du Conseil d’Etat, évidemment hors antenne, le show justicier de Saint François n’a été que moyennement goûté. Mais là, c’est la goutte de chasselas qui fait déborder le tonneau. Car, ici bas, amis lecteur, plus dévastateur que l’esprit de vin, et même que le Saint Esprit : l’esprit de Soral.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • « On n’est pas à Moscou, M. Sommaruga ! »

     

    Sur le vif - Dimanche 10.10.10 - 18.49h

     

    Opposé à l’instant à Oskar Freysinger, sur la RSR, le socialiste genevois Carlo Sommaruga vient de rivaliser avec la philosophe Marie-Claire Caloz-Tschopp (voir nos textes précédents) dans l’art de l’auto-goal. Le 28 novembre prochain, le peuple suisse, seul souverain dans notre pays, se prononcera sur l’initiative de l’UDC concernant le renvoi de criminels étrangers. Ainsi que sur le contre-projet.

     

    L’initiative a obtenu largement assez de signatures, elle a été déclarée recevable par le parlement, il s’agit maintenant qu’il y ait campagne et que, fin novembre, comme c’est l’usage dans nos institutions, le peuple tranche. Cette campagne, il faut évidemment qu’elle soit politique, que les forces antagonistes s’affrontent, c’est cela la démocratie.

     

    Las, vu comme cela, c’était trop simple : alors, revoilà, comme chaque fois, la clique et la cléricature des juristes. Leur dernière trouvaille ? Venir nous annoncer, à ce stade du débat, clairement dans l’arène citoyenne, que l’initiative torpillerait le droit européen parce qu’elle serait contraire aux accords de libre-échange. Concrètement, Messieurs les juristes, ça veut dire quoi ? Qu’on arrête la campagne et qu’on va se coucher ? Ou qu’on laisse voter, et qu’en cas (bien probable) de victoire du texte, on annule tout ? Dans les deux cas, déni total de démocratie. Le seul fait de tenir ce genre de discours apporte des voix supplémentaires à l’UDC.

     

    Et puis, la démocratie n’est pas affaire de juristes. Mais de citoyens. Chaque voix, le jour du vote, a le même poids, que le votant soit riche ou pauvre, clerc ou inculte, fin connaisseur des lois ou non. Sinon, c’est le suffrage censitaire. En fonction du revenu. Ou du diplôme. Le peuple suisse, donc les auditeurs du débat qui vient de se terminer à la RSR, n’en est pas dupe. Il déteste qu’on lui confisque les débats au profit d’une Nomenklatura qui déciderait à sa place. Ce qu’à un moment assez chaud de l’entretien, le très imagé Oskar Freysinger a résumé par une expression tirée de notre jeunesse sous la guerre froide, mais aussi de quelques pages un peu folles de Gogol : « On n’est pas à Moscou, M. Sommaruga ! ».

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

  • Procès BCGe: quel François Longchamp a parlé?

     

    Sur le vif – Samedi 09.10.10 – 19.05h

     

    Les grands airs de chevalier blanc et de justicier arborés hier par François Longchamp, devant la Cour correctionnelle chargée de juger les anciens dirigeants de la Banque Cantonale de Genève, appellent quelques remarques et quelques bémols. En tout cas par rapport aux comptes-rendus bien obédients que nous proposent ce matin le Temps et la Tribune de Genève. Obédients, oui, face au grand oral manifestement réussi du président du Conseil d’Etat. Obédients, face à la position du gouvernement genevois. Une petite impression de Feuille d’avis officielle.

     

    Car enfin, dans cette affaire, quel est le rôle du Conseil d’Etat ? Celui de partie civile. Donc, un antagoniste parmi d’autres. Et non la voie de la vérité, ni celle de la sagesse. On ne sent pas exactement cela en lisant les articles, ce matin. Sans compter que le Conseil d’Etat (d’autres personnes, à l’époque) a sans aucun doute, lui aussi, d’écrasantes responsabilités dans la gestion de la débâcle de la banque, il y a une dizaine d’années. Cela, c’est pour François Longchamp président du Conseil d’Etat, garant de la continuité.

     

    Mais il y aussi l’homme François Longchamp. Comme le rappelle à fort juste titre Roland Rossier, dans la Tribune de Genève, l’actuel magistrat était journaliste au Temps le 9 mars 2000, lorsque l’affaire a éclaté. Il en avait même eu la primeur (magnifique coup, d’ailleurs). Lors de la conférence de presse du 10 mars, Dominique Ducret, président démissionné, lui lance : « Monsieur, vous avez ruiné ma carrière ! ». Cet antécédent étant ce qu’il est, n’eût-il pas été préférable que le président du Conseil d’Etat, hier, se récusât au profit, par exemple, du vice-président, Mark Muller ?

     

    Et puis, en régime de séparation de pouvoirs, il est tout de même assez singulier de voir le chef d’un exécutif accabler la défense, dans un procès, et lui nier des droits de recours parfaitement prévus par la procédure : « Le but était qu’on en arrive à la prescription. Et les incidents de ces derniers jours visaient à empêcher l’Etat de venir au procès. Cela est intolérable pour le conseiller d’Etat que je suis ! ». A-t-on souvent vu des hommes en déposition aller aussi loin dans l’analyse des fonctionnements internes d’une Cour ? François Longchamp n’a-t-il pas, très habilement, hier, joué l’oscillation entre sa casquette de partie civile et la majesté de sa position de chef d’exécutif ?

     

    Reste tout ce qui ne sera jamais démontrable, les sources du « journaliste » François Lonchamp le 9 mars 2000, les règlements de comptes politiques (disons internes à l’Entente) autour de la BCGe. Et mille autres choses qui m’amènent à ne pas partager immédiatement la pâmoison de certaines de mes consœurs devant le numéro d’hier. En toutes choses, ne faut-il pas établir qui parle, avec quels intérêts, quel passé, quelle équation personnelle au problème? Non pour l’accabler. Mais pour comprendre.

     

    Pascal Décaillet