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Les radicaux aiment la Suisse. Et ils ont raison.

 

Sur le vif - Samedi 12.02.11 - 19.28h

 

Cinq mots volontairement mis en rouge, dans le communiqué publié cet après-midi, 14.42h, par les libéraux-radicaux suisses, suite à leur Assemblée de délégués de Zurich sur l’immigration : « par amour de la Suisse ». Je ne traiterai pas ici du fond (un coup de barre à droite du PLR dans sa politique migratoire, vous en aurez plein vos journaux demain), mais de ces cinq mots en rouge, tellement inédits, tellement simples, tellement directs dans un parti devenu, hélas, hyper-cérébral, au point que le discours de son président, Fulvio Pelli, confine parfois à l’obscurité.

 

Aimer son pays est quelque chose d’important. L’aimer, non contre les autres pays, mais pour lui-même, pour ce qu’il vous a apporté, pour le bonheur que vous avez d’y vivre, d’y écrire et d’y parler librement, de pouvoir vous y engueuler avec vos concitoyens. Et puis, le pays tout court : l’attachement à un paysage, à un accent, aux contours d’une montagne, la présence d’une rivière, d’un lac. Plus que tout, la passion de son Histoire : la Suisse, ni la France, ni l’Allemagne, ni l’Italie ne se sont faites toutes seules. Il a fallu la guerre, la souffrance, le sacrifice des ancêtres, d’interminables combats, qui ne sont évidemment pas finis. Aimer son pays, c’est le prendre dans sa totalité, avec ses faiblesses, ses contradictions, la puissance de sa parole, l’énigme de ses silences.

 

Je crois que pour aimer les autres pays (ma passion pour l’Italie me dévore depuis tant d’années), il faut commencer par aimer le sien. Je plains profondément les apatrides, ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir dire : « Ici, c’est chez moi ». Cela doit être très difficile à vivre. Je hais le concept de « citoyen du monde », en tout cas s’il prétend substituer au tellurisme d’un coin de terre (ou de ville) une improbable adhésion directe à la planète. Trop facile ! On ne s’arrache pas si facilement à l’envoûtante puissance de ses racines.

 

L’amour du pays n’est ni de droite, ni de gauche. Je connais de très sincères patriotes dans tous les camps : Hanspeter Tschudi, Jean-Pascal Delamuraz, Kurt Furgler ont profondément aimé la Suisse, ils l’ont servie, et puis un jour ils sont partis. Barrès aimait la France, passionnément : il a sans doute écrit parmi les plus belles lignes sur le sentiment d’appartenance, ce qui surgit du cœur et de l’âme. De Gaulle, à la première page des « Mémoires de Guerre », compare la France de son enfance à « la Madone des églises ». Les communistes français, face aux pelotons d’exécution, criaient « Vive la France ». Garibaldi, Verdi ont viscéralement aimé, oui aimé d’amour, cette Italie en gestation, celle du Risorgimento. D’Annunzio, le poète, le guerrier, cherchait la mort, pour dire son amour à l’Italie.

 

Revenons aux radicaux suisses. Ils ont fait ce pays, à bien des égards. Ils ont le droit de dire qu’ils l’aiment. De le dire en rouge, comme ils l’ont fait. Ils ont le droit – et sans doute le devoir – de parler, eux aussi, un langage de simplicité et d’émotion. Je rêverais assez que ces cinq mots en rouge soient, chez eux, le départ d’un nouveau discours. Il existe une autre rhétorique que la sèche tyrannie du logos démonstratif, qui était, hélas, la limite du discours d’un Pascal Couchepin. Le politique doit aussi savoir parler au cœur. Aux âmes. Le dernier grand à l’avoir fait était Jean-Pascal Delamuraz. Il aimait la terre, il aimait son vignoble vaudois, quand il le contemplait de son bateau, au milieu du Léman. Il aimait son pays, et savait le dire avec simplicité. Au-delà de ses choix, des ses combats, de ses échecs, la chaleur directe de cet homme-là, aujourd’hui, nous manque. Immensément.

 

Pascal Décaillet

 

 

 

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