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Commentaires GHI - Page 181

  • Danse de pluie

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 28.06.17

     

    « Sauveur du monde libre », « président-philosophe », les qualificatifs les plus délirants, venant des plus célèbres plumes de France et de Navarre, n’en peuvent plus de pleuvoir, pour désigner le demi-dieu Emmanuel Macron.

     

    Pleuvoir, oui. Incantation. Danse de pluie. Devant l’homme providentiel, on ne pense plus, on n’argumente plus. On se trémousse. Comme si l’univers éditorial, en langue française, avait perdu la raison. Tout à l’extase de louer le Seigneur de l’Elysée.

     

    Avant la fin du quinquennat, ceux qui reliront ces délices de pâmoison, dans nos journaux de ce printemps 2017, ne pourront retenir l’immense éclat de rire qui, aujourd’hui déjà, devrait s’imposer à toute âme bien née.

     

    Chacun a bien sûr le droit d’aimer le nouveau Président, croire en lui, vouloir faire un bout de chemin en sa compagnie. Là n’est pas la question. Mais tant de courtisans. Tant de prosternations. La France, pays de Voltaire, ne serait plus que miroirs et révérences, Roi Soleil, bruissements de cour, culte d’un homme.

     

    Je vais vous dire le fond de ma pensée : cette mise d’un homme au centre de toutes les attentions, magnifiquement mise en scène dans le Discours de Bayeux (16 juin 1946), je ne suis pas contre ! Si l’être vénéré s’appelle Charles de Gaulle. Mais là, l’objet du désir me semble un peu jeune pour mériter, déjà, pareilles sollicitudes. Un peu jouvenceau, oui. Il lui manque le tragique de l’Histoire. Et quelques cicatrices.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La réhabilitation d'un homme d'honneur

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.06.17

     

    Un fusible. C’est par ce mot que nous avions qualifié ici même, il y a un an, le chef des opérations de la Police genevoise, Christian Cudré-Mauroux. A cette époque, les voix n’étaient pas innombrables, pour défendre l’homme. Il y eut même quelques belles prises de position pour justifier la véritable persécution que le Conseil d’Etat exerçait sur ce grand policier, trente ans de loyaux services, sur les épaules duquel on avait voulu faire porter tous les maux, en lien avec la manifestation sauvage du 19 décembre 2015. Pendant près d’un an, l’affaire est demeurée figée. Et voilà que ce vendredi 16 juin, par temps magnifique et tout le monde se préparant à savourer le week-end, un communiqué de la Cour de Justice était publié, réhabilitant le policier.

     

    Le vendredi 16, cette publication, et pas, par exemple, le jeudi 15. Amusant, non ? Le soir de ce jeudi, se déroulait à Veyrier l’Assemblée des délégués du PLR, qui désignait son ticket pour le Conseil d’Etat 2018. Elu en tête du trio de candidats, avec Nathalie Fontanet et Alexandre de Senarclens, un certain… Pierre Maudet, ministre de tutelle de la Police. Eût-il obtenu une aussi bonne désignation, si la Cour avait publié son arrêt (datant du 6 juin) 24 heures plus tôt, donc AVANT l’Assemblée de Veyrier ? Oui, je sais ce que vous allez me répondre : séparation des pouvoirs, et patati, et patata. Fort bien. Allons-y pour la séparation.

     

    Toujours est-il que voilà un homme d’honneur réhabilité. La Cour annule, purement et simplement, l’arrêté du Conseil d’Etat du 22 juin 2016, qui dégradait l’officier de lieutenant-colonel à major, sanction totalement infamante dans le signal qu’elle donne, avec son côté Dreyfus, Cour des Invalides, 5 janvier 1895, sans compter la réduction de traitement. Elle estime, notamment, que « le recourant n’avait pas menti à sa hiérarchie, ni ne lui avait dissimulé de documents ou d’autres renseignements pertinents ». En clair, elle s’inscrit totalement en faux contre les arguments du Conseil d’Etat, qui avait cloué publiquement au pilori l’un des serviteurs les plus fidèles de la Police genevoise.

     

    Pire : ce même vendredi 16 juin, à peine la Cour avait publié son arrêt, le Département Maudet s’empressait de réagir (à une décision de justice !), rappelant qu’il s’était appuyé sur le rapport administratif d’un ancien juge. Là encore, l’autorité de tutelle se défausse de sa responsabilité politique, car enfin, l’humiliante dégradation, c’est lui qui doit en assumer la décision. Dans le même communiqué, il n’exclut pas de recourir lui-même contre l’arrêt de la Cour, ce qui est certes son droit, mais accentue le signal de « mauvais perdant ». En conclusion, dans cette case éditoriale que nous tenons depuis six ans et où nous n’avons pas l’habitude de distiller la langue de bois, nous dirons que le Conseil d’Etat, d’un bout à l’autre de cette affaire, a fait tout faux, s’est montré arrogant, a dissimulé sa propre responsabilité pour faire fonctionner des fusibles. On a dû connaître, ici ou là, meilleure gouvernance. Quant à M. Cudré-Mauroux, nous lui faisons part publiquement de notre respect et de notre considération.

     

    Pascal Décaillet

     

  • France : une Chambre de groupies

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 14.06.17

     

    Au risque de déplaire et de casser l’ambiance, je vais expliquer ici pourquoi le raz-de-marée des troupes macroniennes, à l’Assemblée Nationale, n’est pas une bonne nouvelle. Ni pour la France, ni pour l’équilibre des pouvoirs, ni surtout comme modèle politique, dont il paraît qu’il faudrait s’inspirer, « parce qu’il dépasse les clivages traditionnels ». D’abord, parce qu’en Histoire, rien ne dépasse rien, jamais. La noirceur du pouvoir, le tragique des destinées, tout cela disparaît puis revient, nulle génération n’est épargnée, nul progrès n’est linéaire. Mais aussi, surtout, parce qu’en faisant du Palais Bourbon, pour cinq ans, une Chambre d’enregistrement de l’Elysée, les électeurs, hélas, anéantissent le rôle essentiel de contre-pouvoir qui doit être celui de l’institution parlementaire, dans un pays où cette dernière, par tradition monarchique, n’a jamais été bien puissante, sauf sous les Troisième et Quatrième Républiques.

     

    L’erreur majeure, c’est le quinquennat. Faire coïncider (depuis 2002) le temps parlementaire avec le temps présidentiel, c’est arracher aux élections législatives leur vie propre, soit l’addition de 577 combats locaux, un par circonscription. Au lieu de cela, on commence par élire le Président (en mai, tous les cinq ans), puis, en juin, on lui donne les moyens de gouverner. Evidemment qu’on ne va pas le désavouer en plein état de grâce, un mois après l’avoir élu ! Du coup, la législative n’est plus que la confirmation d’une élection monarchique, autour de laquelle tout s’articule. On élit M. Macron, on estime qu’il faut lui donner sa chance, et du coup on compose, pour le servir, une Chambre de groupies, à ses ordres.

     

    Ça n’est pas pour parvenir à cela que s’est forgée, lors de la Révolution française, la représentation nationale. Pas pour confirmer sagement les édits de l’exécutif ! Une bonne Assemblée doit avoir son existence propre, sa logique, elle ne doit rien devoir à l’exécutif. Elle est là, au contraire, pour le contrôler, le rappeler à l’ordre s’il dérape, au besoin le censurer. Il est sain qu’elle entretienne avec lui un rapport tendu. Voire conflictuel : de cette dialectique peuvent jaillir des étincelles favorables à l’intérêt supérieur du pays. Toutes choses, hélas, qui feront défaut à la France dans les cinq ans qui viennent. Du coup, la Chambre étant aux ordres, l’opposition, les colères, les ruminations se déplaceront dans la rue.

     

    Dès cet automne, les choses sérieuses vont commencer avec la réforme de la loi sur le travail, et vous verrez, l’état de béatitude du présent printemps sera vite oublié. Les vraies fractures de la société française resurgiront, les onze millions d’électeurs du Front National, aussi. Sans compter l’équivalent, côté gauche radicale. Alors, on commencera à réaliser à quel point l’opération Macron aura, dès le début, fait office de tour de magie et d’illusions. Mais il sera trop tard. Il faudra aller jusqu’au bout de la législature. Cinq ans, c’est parfois très long.

     

    Pascal Décaillet