Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Commentaires GHI - Page 185

  • Six personnages en quête de hauteur

    over_the_top_forever_young_roses_300.jpg 

    Portrait-commentaire - Publié dans GHI - 12.04.17

     

    A un an des élections cantonales, il y a des partis qui donnent l’impression de se porter mieux que d’autres. C’est peut-être le printemps qui déclenche ce sentiment, l’approche de Pâques, le bourgeonnement des ambitions. Ainsi, le parti socialiste genevois. Qui nous aligne fièrement six candidats – à la candidature – pour le Conseil d’État 2018-2023. Samedi 13 mai, à Lancy, le parti choisira, parmi ces six, son ticket officiel. Et sera, un an avant l’échéance, en ordre de bataille. Tous les partis genevois ne peuvent en dire autant. Une réalité s’impose : ce sextuor est remarquable. Et témoigne de la nouvelle vitalité du parti, après des années austères, grisâtres, moralisantes, ennuyeuses. Allez, on les recense ! Un bref mot pour chacun.

     

    D’abord, la sortante. Anne Emery-Torracinta, sans avoir l’éclat de Jules Ferry, a bien géré son Département de l’Instruction publique. Disons, tout au moins, qu’à ce jour, le Mammouth n’a pas connu, sous son règne, de couac irrévocable, de nature à disqualifier la ministre pour un nouveau mandat. Elle est donc légitimée à se représenter, ce qui n’est en rien une garantie de réélection. Elle devra se battre, y compris à l’interne du parti, où les dagues sont affûtées, ainsi va la politique.

     

    Présidente en du parti exercice (l’intérim est juste exercé, le temps de cette campagne interne, par l’excellent Gérard Deshusses), Carole-Anne Kast, conseillère administrative d’Onex, frappe par sa compétence, son intelligence, sa culture politique, mais son ton parfois cassant fait peur à un électorat non-socialiste qui voit scintiller un lumineux couteau entre ses dents. Comme un rappel de la Grève générale de 1918, qui avait tant traumatisé la bourgeoisie suisse ?

     

    Conseillère administrative de la Ville de Genève depuis dix ans, Sandrine Salerno rayonne. Elle aime à rappeler, en passant, que la gestion financière de la Ville a été qualifiée « d’étincelante » par des experts. Elle aussi connaît les dossiers, sait tricoter des majorités, c’est une politicienne née, elle sait où elle va.

     

    Du côté des Messieurs, il faut saluer l’infatigable action militante de Thierry Apothéloz, depuis des années à la Mairie de Vernier, quatrième Ville de Suisse romande. Un spécialiste de l’action sociale, connaisseur des quartiers difficiles, un vrai socialiste, l’anti-Caviar.

     

    Conseiller national depuis 2003, Carlo Sommaruga pourra se prévaloir de sa longue expérience bernoise, et de sa connaissance (comme Mme Kast) des dossiers immobiliers, comme président de l’ASLOCA. Revendiquer ses années bernoises peut conduire au succès (Christophe Darbellay), mais ne le garantit en aucune manière (Stéphane Rossini).

     

    Enfin, Romain de Sainte Marie, actuel chef de groupe, ancien président du parti, homme compétent et toujours affable, politicien doté d’un flair hors-normes, aura, un jour ou l’autre, un destin politique signalé. Il est imaginatif, tourné vers l’avenir. Et sa bonhommie rappelle celle d’une figure immense et tutélaire du parti socialiste genevois, que j’eus l’honneur de connaître, celle d’André Chavanne. Rendez-vous à Lancy. Ou ailleurs. Ce 13 mai. Ou plus tard.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Réhabilitons la politique, l'urgence est absolue !

    CAR6805-27RocaMendesKiej-M.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.04.17

     

    Ce qui se passe en France, dans cette présidentielle 2017, est tout simplement catastrophique. Nous sommes à un peu plus de deux semaines du premier tour, et on n’a pas encore parlé de l’essentiel : l’avenir de la France. On a parlé de la vie privée des candidats, d’emplois fictifs, de costumes. On a laissé débouler sur le plateau d’une émission politique, face à François Fillon, une écrivaine, spécialiste de l’intime, venue non pour dialoguer, mais pour exécuter en direct le candidat. On a sorti des « affaires » dont la plupart n’en sont pas. On a confondu rectitude morale et capacité à tenir le pays. On a laissé faire des médias irresponsables, juste avides d’audience. Mais des choix fondamentaux qui attendent la France, Europe ou non, euro ou non, protectionnisme ou libre échange, contrôle des flux migratoires, destin des agriculteurs, on n’a pas parlé. On a ruiné la politique. Il est urgent, en France comme ailleurs, de la réhabiliter.

     

    Car la politique est une grande chose. Je pense, chez nous, à ces centaines de conseillers municipaux, de députés dans les Grands Conseil cantonaux, à tous ces conseillers généraux en France, ou régionaux, anonymes, bosseurs, dévoués, qui sacrifient leurs soirées à plancher sur le destin commun. Rien que pour eux, ces hommes et ces femmes admirables, notre foi dans l’action publique demeure intacte. Car la politique, ça n’est pas se pavaner chez Ruquier, ou chez les bien-pensants de BFMTV. C’est donner une partie importante de son temps, donc de notre capital humain le plus précieux, à la collectivité. Ces gens, qui s’engagent, méritent mieux que le discrédit. Pour eux, il nous faut œuvrer à la reconquête d’une confiance commune.

     

    La politique est quelque chose de sérieux. Certains des hommes que j’admire le plus, dans cet art, de Pierre Mendès France à Willy Brandt, me fascinent par leur puissance de solitude, leur rigueur, leur lucidité, leur vision. Ainsi, Brandt jette les bases de l’Ostpolitik à la fin des années 60, seul contre tous, désavoué par « l’allié américain ». Mais il persiste, tient tête, s’agenouille devant le Ghetto de Varsovie, ouvre une ère nouvelle dans l’Histoire de son pays. Oui, la politique vaut mieux que les quolibets des humoristes de pouvoir, des chroniqueurs salariés par le Réseau dominant, que la traque – sous prétexte « d’investigation » - de paparazzi sur leur vie privée. Nous les journalistes, les médias, les éditorialistes, il nous appartient de replacer l’action politique dans la hauteur qui doit être la sienne, plutôt que de la reléguer dans la fange et le caniveau.

     

    Cela passe par des entretiens politiques qui portent sur l’essentiel, le fond. Et non par ce mélange, de plus en plus fréquent, entre vie privée, hobbys, sous prétexte « d’humaniser » la personne politique. Non, non et non ! L’humanisme oui, mais ça passe par la qualité de la parole, dans l’échange. Sans concession, certes, et même durement s’il le faut. Mais dans le respect des personnes. Sinon, c’est la mort de l’âme.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La libre expression, notre bien le plus cher

    Speakers-Corner-006.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.03.17

     

    Sommes-nous bien conscients de ce privilège ? En Suisse, chacun d’entre nous est libre d’exprimer publiquement son opinion. Vous pouvez être de gauche ou de droite, protectionniste ou libre-échangiste, pour ou contre l’armée, la libéralisation du cannabis, le suicide assisté, l’euthanasie, vous êtes libre de le dire. C’est un trésor de notre démocratie, dûment et lourdement conquis au fil des générations qui nous ont précédés. Tous les pays du monde, de loin, n’ont pas cette chance. Bien sûr, cette liberté n’est pas absolue, aucune ne l’est. Elle doit respecter les lois de notre pays, notamment en matière de racisme. Elle doit aussi s’abstenir d’attenter à l’honneur des gens, par exemple en les diffamant. Mais enfin, ces restrictions posées, la marge de liberté est immense. Utilisons-la ! La liberté de pensée, contrairement à certaines piles, ne s’use que lorsqu’on ne s’en sert pas.

     

    La liberté d’expression est souvent invoquée par les seuls journalistes. C’est une aberration. Elle s’applique à tout le monde, entre autres les journalistes. Ces derniers peuvent s’en réclamer, mais ni plus ni moins que n’importe qui. Nous avons tous le droit d’exprimer ce que nous pensons. Mieux : avec l’avènement des réseaux sociaux, chacun peut se ménager un espace, un chez-soi, où il est totalement libre de tenir son journal, commenter l’actualité, partager l’information. Vous vous rendez compte de la révolution que cela est en train d’engendrer ? Chacun peut mettre en forme. Chacun peut éditer. Chacun peut publier. J’ai beau chercher, je n’entrevois pas, depuis la découverte de l’imprimerie par Gutenberg, ou la traduction de la Bible en allemand moderne par Luther (1534), de révolution plus fondamentale dans la diffusion des idées.

     

    A nous, dès lors, de nous montrer dignes de cet exceptionnel progrès. Ecrivons, partageons, critiquons. Ne ménageons ni nos joies, ni nos colères. Mais, je vous en supplie, en respectant la sphère privée, en se gardant de toute diffamation, bref en respectant tout simplement la loi. Pour ma part, je n’en demande pas plus : la loi, toute la loi, rien que la loi. La loi, et pas la morale dominante. La loi, et pas le carcan que voudraient nous imposer toutes sortes de pouvoirs. A commencer par le plus insupportable : celui des médias. En clair, on a le droit d’être pour Trump, contre Mme Merkel, pour Fillon, pour Poutine, pour Erdogan. Et on a, tout autant, celui de les combattre. Si on doit s’abstenir de toute diffamation, on ne doit aucunement, en revanche, se sentir lié par des confluences de pensée majoritaires, étouffantes, celles hélas que la majorité des médias tentent de nous imposer.

     

    Aussi paradoxal que cela puisse paraître, moi journaliste, qui ai consacré plus de trente ans de ma vie à ce métier qui me passionne, j’appelle le public à s’affranchir de la terrorisante tutelle de la juste pensée, véhiculée par les médias. J’invite chacun d’entre nous à penser par lui-même, en se nourrissant des mille sources de la vie intellectuelle. A penser, à formuler ses idées, à les exprimer. Mais, de grâce, dans le respect des personnes. Sinon, il en sera vite fini de cette prodigieuse révolution qui s’offre à nous.

     

    Pascal Décaillet