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Commentaires GHI - Page 178

  • Le Progrès, sur ordre

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    Commentaire publié dans GHI - 01.11.17

     

    Des Jeux olympiques en Suisse en 2026 ? Des Jeux d’hiver, alors que la neige se fait rare. Un budget dont beaucoup pressentent qu’il pourrait éclater, comme ce fut le cas dans tant d’autres pays. D’immenses efforts pour une quinzaine de jours seulement. Bref, tout le monde n’est pas enthousiaste, cela se comprend.

     

    Une chose est sûre : si la dialectique des POUR et des CONTRE, dans le débat autour de ces Jeux, se réduit à une opposition entre le progrès et le repli, la Lumière et l’Obscur, la Suisse d’Ogi et celle de Blocher, comme nous le suggérait l’édito de la RTS, sur la Première, au matin du lundi 30 octobre, alors j’en connais qui vont méchamment pencher pour le non.

     

    Pourquoi ? Mais parce que les citoyens, ma foi, n’aiment pas trop, en général, se faire traiter d’abrutis, du haut d’une radio qu’au reste ils stipendient, par une voix matinale leur intimant l’ordre, s’ils veulent être agréés par le camp du progrès, de dire oui. Pour peu, d’ailleurs, qu’on veuille bien leur demander leur avis !

     

    La voix matinale de la RTS a-t-elle bien saisi que nous étions dans une démocratie ? Que le progrès, sur ordre, n’était pas nécessairement le rêve de la multitude. Que nos citoyennes, nos citoyens, entendaient décider souverainement de leur destin. Sans qu’on leur assène, à coups de massue, ce qu’ils ont à faire au nom du convenable. En clair, en cas de vote sur ce sujet, le corps électoral aura le droit de dire OUI. Et il aura, tout autant, celui de dire NON. N’en déplaise à la RTS.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Vous craignez les emmerdes ? N'écrivez pas !

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 01.11.17

     

    La liberté d’expression : vaste programme ! Sur le fond, tout le monde est pour. Vous êtes pour ma liberté, je suis pour la vôtre, nous caressons ensemble l’image d’une modernité délivrée des vieux démons, ceux de la censure et des autodafés. De bonnes âmes, à longueur de journées, nous répètent qu’on doit tout pouvoir dire, quitte à choquer. Les mêmes, exactement, sont les premières à nous tomber dessus dès qu’on met en application leurs beaux principes, à leur détriment.

     

    Bien sûr, nous ne sommes pas en Turquie. Ni en Corée du Nord. Les juges, globalement, nous laissent en paix, c’est un bien précieux. Mais sous nos latitudes, ça n’est pas l’appareil judiciaire qui se montre le plus dangereux face à l’expression des opinions. Non, c’est quelque chose de plus diffus, moins visible, plus tentaculaire : la puissance d’opprobre de ceux qui prônent le Bien. Ils n’agissent pas au nom de la loi, qui présente la vertu d’être mesurable, consultable par tous. Mais au nom de la morale. Leur morale, à eux. Ils sont porteurs, défenseurs de valeurs intangibles. Dès que vous touchez à cette Arche sainte, la masse de leurs cohortes s’abat sur vous.

     

    Des exemples ? Le féminisme. Quasiment pas possible, de nos jours en Suisse romande, de le mettre en cause, sans immédiatement s’attirer les foudres des mêmes Erinyes, ces divinités vengeresses de la mythologie grecque. La cause fonctionne comme un dogme. Elle ne tolère aucune remise en question. Autre exemple : avoir nourri des doutes, au moment des guerres balkaniques (années 1990), sur l’opportunité de démembrer l’ex-Yougoslavie, avoir osé dénoncer le rôle de l’OTAN, celui de l’Allemagne de M. Kohl. Non, il fallait bouffer du Serbe, diaboliser un camp, toujours le même, encenser les autres. Le Bien, contre le Mal.

     

    D’autres exemples : avoir écrit, à l’automne 2016, que le camp belliciste représenté par Mme Clinton était plus dangereux que celui de M. Trump. Ou encore, ne pas tomber en immédiate pâmoison face à la modernité du Pape François. Ou encore, considérer que le vote Front national en France, Brexit au Royaume Uni, AfD en Allemagne, Parti de la liberté en Autriche, Orban en Hongrie, mérite une autre attention que d’être immédiatement catalogué comme fasciste, donc à rejeter d’une chiquenaude, hors du champ républicain.

     

    Je pourrais multiplier les exemples. Dans tous ces domaines, en Suisse romande, aucun problème avec les juges. Mais le feu, le tonnerre, chez les partisans du Bien. Ils sont partout : chez les journalistes, par légions ; sur les réseaux sociaux, bien embusqués, n’ayant d’autre hâte que saisir le moindre dérapage, capturer l’écran, mettre au pilori, dénoncer. Ça n’est pas l’Etat qui vous tombe dessus, ni un parti, c’est l’invisible meute de justiciers qui, au nom d’une morale par eux définie, vous livre au fatras et au fracas, à la bave recommencée, à la délation généralisée.

     

    Voilà dans quel état nous sommes en Suisse romande. Voilà d’où vient la foudre. Non des fureurs du Mal. Mais du miel du Bien. Chez ces gens-là, Monsieur, il n’y a plus ni analyse, ni synthèse : il n’existe plus que l’aveuglante lumière, si douce et si convenable, de la morale.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La mode régionaliste : dangereuse pour l'Europe

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.10.17

     

    Nous suivons tous avec une très grande attention ce qui se passe entre la Catalogne et l’Espagne. C’est une affaire grave, elle touche aux questions de région et de nation, d’autonomie, de solidarités internes dans un pays. Il y a, parmi les lecteurs de cet article, des partisans d’un État indépendant de Catalogne. Il y en a d’autres, qui estiment que l’unité de l’Espagne doit être préservée. Chacun de ces points de vue mérite d’être respecté. Surtout vu de Suisse, un pays qui accueille beaucoup d’Espagnols (Catalans ou autres), et qui doit, selon moi, se garder de prendre parti dans cette crise. Et, au contraire, assurer à tous son estime, son état d’écoute et de dialogue, pourquoi pas ses bons offices.

     

    Je ne me prononcerai donc pas sur le cas de la Catalogne, mais je veux dire ici, plus généralement, mon scepticisme de principe quant à cette mode intellectuelle qui voudrait sanctifier tout ce qui respire la région, la décentralisation, l’autonomie, et diaboliser tout ce qui rappelle l’État-nation. La région serait, par essence, bonne, porteuse d’avenir. La nation serait maléfique, archaïque, souillée par le sang des guerres. En Suisse, ce discours s’appuie sur la structure même de notre propre pays, ce fédéralisme, assurément un succès, qui devrait « servir de modèle » aux pays qui nous entourent.

     

    La réalité est plus complexe. Que le système suisse soit un succès exceptionnel, c’est certain. Mais chaque nation a son Histoire. La logique de la construction française, ce sont des siècles d’augmentation du pouvoir royal, celui de Paris, contre les grands féodaux, et la Révolution qui, avec le jacobinisme, va encore plus loin dans la centralisation. L’Allemagne, c’est très différent : il faut attendre 1866 pour voir émerger l’unité, les régions demeurant puissantes. L’Italie, l’Espagne, le Royaume Uni, ce sont encore d’autres logiques, d’autres champs de tension entre le centre les périphéries. A la vérité, il n’existe pas de modèle, chaque nation a son Histoire propre.

     

    Dans ces conditions, vouloir universaliser le principe de décentralisation, au nom des grands idées de Denis de Rougemont (1906-1985), cet écrivain et penseur suisse qui avait théorisé l’Europe des régions et fondé, à Genève, le Centre européen de la Culture, m’apparaît excessif. Parce que cette démarche enterre un peu vite l’idée de nation, née avec la Révolution française, beaucoup plus libératrice qu’on ne veut bien le présenter, et qui selon moi n’a pas dit son dernier mot. De Milan à Barcelone, la tentation n’est pas faible de couper le cordon avec l’Etat central. En clair, s’affranchir des liens de solidarité avec les régions du sud, plus pauvres. Chacun vivrait son destin, en rotant, bien à son aise, son produit intérieur brut. Telle n’est pas exactement ma conception d’un État, de ses énergies internes, de ses mécanismes de redistribution. Si la région, c’est l’égoïsme, les riches entre eux, les pauvres à l’extérieur, pour ma part, je n’adhère pas. Excellente semaine à tous.

     

    Pascal Décaillet