Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Commentaires GHI - Page 166

  • En 2050, tout ira mieux !

    boule-de-cristal.jpg 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 04.07.18

     

    Ils ont osé ! Après nous avoir brandi, pendant des années, l’horizon 2030 comme l’indépassable Nirvana de nos rêves les plus fous, voilà que le Conseil d’Etat, contenant tout de même les cinq septièmes de l’équipe précédente, a eu le culot, juste avant la pause estivale, de pousser la plaisanterie vingt ans plus loin, avec le puissant concept « Genève, 2050 » ! Il y a quelques mois encore, au lieu de gouverner au présent, pour les bons vieux soucis 2018 de nos concitoyens, on repoussait tout d’une douzaine d’années. A peine les élections passées, on dégage en touche sur… 32 ans ! On veut montrer qu’on sait se servir d’une longue-vue : l’Amiral Nelson, à Trafalgar. Voir loin, quand on gouverne, c’est sans doute une vertu. Mais voir près, en contact intime avec les souffrances et les préoccupations des gens d’ici et d’aujourd’hui, ceux qui sont sur le même bateau, ce serait peut-être pas mal, non plus, non ?

     

    Cette petite plaisanterie, concoctée par sept personnes, dont cinq étaient déjà dans la grande illusion 2030 de l’équipe précédente. Dans ces cinq, il est très facile d’entrevoir de quels puissants esprits, toujours prompts à nous administrer les plus savantes leçons sur l’innovation, le numérique, le long terme, le Grand Genève, a pu oser émaner cet ahurissant concept 2050, cette limite des rêves repoussée de vingt ans, comme on « rachète un crédit » en s’endettant davantage. Oui, il y a, dans la démarche, l’emphase du charlatan, le panier à fariboles du marchand de miracles, la syllabe étoilée du vain prédicateur.

     

    Le plus fou, c’est qu’ils s’imaginent que l’artifice va nous emballer. Que la Genevoise, le Genevois, toujours en appétit de belles paroles, n’aurait de cesse de mordre à l’hameçon. C’est considérer les citoyens de ce canton comme une clientèle passante, captive, apte à adhérer à la première promesse, et puis la deuxième, et deux mille autres encore. On les a bassinés cinq ans avec 2030, ils ont voté, ils en ont réélu cinq, alors va pour 2050 ! C’est considérer le corps électoral comme un banc de poissons, hagard, sans autre destin que celui du filet.

     

    A ces beaux parleurs, il convient aux citoyens et citoyennes que nous sommes de donner une réponse. Leur montrer que nous ne sommes pas dupes de la ficelle 2050, pas plus que nous ne le fûmes de 2030. Leur signifier notre aptitude au décodage du discours, surtout lorsque ce dernier confine à l’enfumage. Exiger de nos élus au Grand Conseil, qui sont les représentants du peuple, qu’ils exercent à fond leur tâche de contrôle du gouvernement et de l’administration. Utiliser à fond la démocratie directe, initiatives et référendums, pour assumer nous-mêmes notre part à la vie politique du canton. Prouver, par l’exigence et par la vigilance, que nous ne sommes pas des proies du verbe facile, mais des consciences civiques, Avec des cerveaux. De la mémoire historique. De la vertu critique. Et que 2050, nous n’avons rien contre. Mais que nous aimerions, juste avant, en savoir un peu plus sur 2018. D’ici là, bel été à tous : dans la joie réinventée du présent qui s’étire.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Nos fragiles équilibres

     

    Commentaire publié dans GHI - 27.06.18

     

    Nos deux conseillers fédéraux PLR ont-ils encore le sens de l’Etat ? Ont-ils bien intégré que le champ de leur action s’inscrivait, non dans une démarche privée, style « gestion de l’entreprise Suisse », mais dans une entreprise d’Etat, au nom d’une mémoire, d’une collectivité et d’un avenir nationaux, dont ils auront à rendre compte, face à l’Histoire ?

     

    MM Cassis et Schneider-Ammann sont assurément des ministres compétents, intelligents, et désireux de bien faire. Mais entre les propos du premier sur les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes (cf GHI de la semaine dernière), et les positions ultra-libérales du second sur l’agriculture, on peut se demander où est passé ce très grand courant de pensée, qui a fait la Suisse moderne, et qui s’appelait le radicalisme.

     

    La pensée radicale, celle d’un Delamuraz par exemple, place la dimension d’Etat au centre de tout. Non pour se substituer à l’économie, mais pour donner à cette dernière les conditions-cadres, et aussi les règles du jeu. Surtout, ne jamais oublier que les dirigeants sont au service du peuple suisse, ils sont garants de sa cohésion sociale, sensibles à la solidarité qui a construit notre pays.

     

    Or, autant dans les propos de M. Cassis sur les mesures d’accompagnement que dans la volonté de M. Schneider-Ammann d’ouvrir l’agriculture suisse aux vents féroces de la concurrence mondiale, il y a des moments où l’on donne l’impression de jouer avec les équilibres, profonds et fragiles, de notre pays. C’est peut-être le rôle d’un financier mondialisé. Je doute que ce soit celui d’un conseiller fédéral.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Genève internationale : oui, mais laquelle ?

    tombouctou-512-256_4.jpg?itok=L8K24mas 

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 27.06.18

     

    Genève est une ville internationale. Elle ne l’est pas par nature, ne l’a pas toujours été, mais elle en est une, c’est le fruit de l’Histoire, notamment depuis le dix-neuvième siècle. En soi, c’est une chance extraordinaire. Je suis né et j’habite encore dans le quartier des Nations, j’adore m’y promener, toujours la même boucle, féérique, depuis des décennies. Il est magique de se dire qu’on arpente la deuxième ville de Suisse, et qu’on voit défiler sous nos yeux des représentants du monde entier, dans toute sa diversité. Souvenirs du Président Wilson, de Clemenceau, Lloyd George, le Négus, Mendès France, Churchill, la résistance algérienne du FLN, on pourrait multiplier à l’infini. J’ai moi-même couvert l’Assemblée générale décentralisée à Genève de l’ONU, qui accueillait en 1988 Yasser Arafat. Oui, la dimension internationale de Genève est magique.

     

    Mais il y a tant à faire pour en changer l’image. Genève accueille des organisations internationales, des Missions permanentes, fort bien. Mais il faut dire une chose : tout ce petit monde, aussi respectable soit-il, est perçu par les Genevois comme une galaxie à part. On les voit, on les croise, on les salue à peine (eux non plus, d’ailleurs), chacun vit dans un univers séparé. Les regards, le plus souvent, s’évitent, sauf heureusement entre voisins d’immeuble, où on prend le temps de se connaître. Eh bien j’affirme ici qu’il est temps de changer l’image de la Genève internationale. Pour cela, il faut, de part et d’autre (les Genevois, les internationaux), cheminer sur les voies de la connaissance. Ne perdons pas notre temps à nous appesantir sur l’aspect technocratique de la mission de beaucoup de ces gens. Valorisons au contraire la richesse de leurs origines, mettons-la en miroir de la nôtre, échangeons, dialoguons.

     

    Cela passe par la culture. Quand on commencera à parler des pays d’Afrique, par exemple, rappelons leur Histoire, la variété de leurs langues et de leurs coutumes, qui vont de l’Empire de Tombouctou aux ultimes confins du Fleuve Niger, ou du Zambèze, ou des Grands Lacs, alors là, oui, pourront surgir des étincelles de reconnaissance mutuelle. Je rends ici hommage à mon confrère Gorgui Ndoye, journaliste sénégalais, mais surtout porteur d’une conscience panafricaine qui mérite d’être relevée, interrogée, discutée. Alors oui, allons-y pour la Genève internationale, et cette présence planétaire dans ce petit coin de terre, entre Lac, Jura et Salève. Mais entamons avec les gens de tous pays un dialogue de la connaissance. Pour beaucoup de pays d’Afrique (je reviens à ce continent), nous avons une langue commune, le français. Ils nous ont légué des auteurs, comme Senghor, qui figurent au Panthéon de nos poètes.

     

    C’est de là, de ce trésor commun, celui des mots, des arts, de la musique, que doit partir la grande entreprise de reconnaissance mutuelle. Parce que, désolé, se contenter de rapporter au jour le jour les décisions technocratiques et souvent ennuyeuses de leurs Organisations internationales, ça n’est pas suffisant pour le chemin de connaissance qui sied, entre frères humains, égaux, sur la planète.

     

    Pascal Décaillet

     

    *** Image : les Manuscrits de Tombouctou.