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Commentaires GHI - Page 165

  • Saint-Simon sur Rhône

     

    Commentaire publié dans GHI - 12.09.18

     

    S’il est, parmi des milliers d’autres, un livre révélateur sur la nature du pouvoir, c’est bien les Mémoires de Saint-Simon. Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon (1675-1755), nous raconte Versailles et ses coulisses, les complots, les clans, les courtisans, avec une distance de plume qui force l’admiration.

     

    Par exemple, sur de longues pages, il nous décrit les dernières années, les derniers mois, les dernières semaines de Louis XIV, qui meurt à Versailles le 1er septembre 1715, après un règne de 72 ans ! Tant qu’il est vivant, même rongé par la maladie, amputé, le Roi demeure le Roi, jusqu’à son dernier souffle. Le Dauphin légitime est un enfant de cinq ans, le futur Louis XV, son arrière-petit-fils. Et c’est bien lui qui montera sur le trône, même si, dans les derniers mois de Louis XIV, d’autres plans s’échafaudent, jusque dans le Testament du vieux Roi.

     

    Le génie de Saint-Simon, c’est de nous dépeindre la sublime, l’incomparable hypocrisie de ces courtisans qui, tout en faisant semblant de demeurer fidèles au Roi qui se meurt, n’en omettent pas moins de considérer toutes les hypothèses de recomposition du pouvoir, une fois sonné le glas du souverain.

     

    Certaines pages sont saisissantes. La nature humaine, dans son état le plus réel, ses ambitions les plus noires, son absence de scrupules la plus terrifiante. Le tout, sous une plume dans la musique de laquelle sonne le Grand Siècle. On aimerait entendre ces Mémoires, avec en intermèdes la musique du plus grand musicien français, Jean-Philippe Rameau. C’est d’actualité, non ?

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pierre et les vautours

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.09.18

     

    Genève vit des heures difficiles. Pierre Maudet est dans la tourmente, va-t-il démissionner ? Entre le moment où j’écris ces lignes et celui où vous les lirez dans le journal, tout est possible. C’est une affaire majeure, parce qu’elle ne touche pas un médiocre, ni un oiseau de passage dans le ciel politique, mais sans doute – même ses pires ennemis le reconnaissent – l’un des plus grands talents politiques de notre canton. On peut lui reprocher mille choses, je ne m’en suis jamais privé ici du temps de son pouvoir, mais pas son aptitude à se mouvoir dans le monde de la politique. Il l’a voulu très tôt dans sa vie, il a tout fait pour y parvenir, il a brillé, brûlé les étapes, calciné ses adversaires. Et le voilà, tel Icare, fils de Dédale, avec les ailes qui fondent dans la proximité du soleil. Oui, il y a quelque chose, dans toute cette affaire, qui respire l’essence des mythes grecs, celle du tragique.

     

    Qu’a fait Icare ? Il a voulu voler trop haut. Il se disait qu’il allait impunément se confondre dans l’empire du soleil, on connaît la suite. Ce que paye Pierre Maudet, dans toute cette affaire, ça n’est pas son étrange virée familiale sous les dunes, avec tous les fantasmes narratifs de cet orientalisme. C’est, évidemment, d’avoir caché la vérité. Voire, pire (si cela est avéré par la justice), d’avoir procédé, avec sa garde rapprochée, au montage d’une contre-vérité. Cela, c’est le premier reproche, accablant parce qu’il est de nature à rompre la confiance. Mais au fond, le vrai grief, dans les strates plus ou moins conscientes des âmes, pourrait bien être d’une autre nature. Ses ennemis en veulent à Maudet d’être Maudet. Vingt ans que l’hyper-voracité de ce cannibale politique les exaspère. Vingt ans qu’il leur fait de l’ombre. Vingt ans qu’il leur file de l’urticaire. Alors, vous pensez bien, si l’homme est à terre, quelle aubaine pour les vautours !

     

    Les vautours, parlons-en. En aucun cas je ne reprocherais à un adversaire politique de Pierre Maudet, par exemple un homme de gauche, qui l’aurait toujours combattu sur ses choix, de profiter de l’hallali, en guettant l’occasion d’une élection complémentaire. Non. Mais le problème, voyez-vous, c’est qu’au plus fort de la meute, et avec les plus sonores des hurlements, il y a des gens qui, il n’y a pas si longtemps, attrapaient des lumbagos à force de prosternations devant le Prince. Pendant qu’ici, dans ce journal, tout en respectant parfaitement la personne, nous mettions en cause le système de gouvernement, notamment dans notre article « Bienvenue en Maudétie ! » (GHI du 18 avril 2018), les petits courtisans nous tombaient dessus, parce que nous n’avions rien compris à la modernité, « l’innovation », la réorganisation de la police, l’avenir radieux de la Suisse dans l’Europe. Eh bien, parmi ces mêmes marquis du Grand Coucher du Roi, il en est aujourd’hui qui exigent pour lui la corde et la potence. Toute cette histoire, sur qui nous en apprend-elle le plus ? Sur le Prince déchu ? Ou sur l’infinie noirceur de l’âme humaine ? A tous, excellente semaine.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'asticot libertaire

     

    Commentaire publié dans GHI - 05.09.18

     

    Emmanuel Macron vient de friser le code. Il n’a pas mordu sur la double ligne, car il s’en est retenu au dernier moment, mais il en a eu l’intention. Le seul fait que le Président français ait pu, une seule seconde, ENVISAGER de nommer Daniel Cohn-Bendit ministre, devrait lui valoir un retrait de permis jusqu’à la fin de législature.

     

    Pourquoi ? Parce que l’éternel agitateur de Mai 68 ne croit tout simplement ni aux nations, ni à la République. Il a d’autres valeurs, ce qui est son droit, comme la sanctification extatique de la liberté individuelle. Cohn-Bendit n’est pas un républicain, c’est un libertaire. L’idée même de l’Etat, qu’il n’imagine que dans sa forme coercitive, lui est fort lointaine.

     

    Dans ces conditions, il peut évidemment vivre sa vie, donner son avis, hurler dans des manifestations, donner des interviews, écrire des bouquins, enfin tout ce qu’il veut. Mais le nommer ministre serait insensé. Parce qu’un ministre, c’est un homme ou une femme qui doit croire en la dimension d’Etat, y compris dans sa composante dure, régalienne. Croire en la République.

     

    Et c’est aussi, un ministre, quelqu’un qui doit croire en la nation. Celle qu’il sert, en l’espèce. Or, notre asticot libertaire ne cesse de déclarer que l’échelon national est dépassé, qu’il faut penser Europe, oublier les vulgaires clivages des frontières. Qu’il aille donc, tout à ses nuits d’ivresse poétique, parachever ses rêves de reprendre la Sorbonne. Et qu’il laisse les gens d’Etat servir la nation, ce qui est leur mission première.

     

    Pascal Décaillet