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Commentaires GHI - Page 162

  • La gauche, la droite, ça existe !

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 02.05.18

     

    La lutte des classes : deux siècles après la naissance de Karl Marx (5 mai 1818, Trèves, Rhénanie), ces mots font peur, aujourd’hui. Ou alors, ils apparaissent comme désuets. Reliquat du dix-neuvième siècle, de la Révolution industrielle, des grèves de mineurs dans le Nord de la France, de la Révolution russe de 1917, allemande du 9 novembre 1918. Ou, chez nous, souvenir de la Grève générale organisée par le Comité d’Olten, ce même mois de novembre 1918, qui a divisé pour longtemps les Suisses, traumatisé la bourgeoisie de notre pays, donné des rêves de Grand Soir à la gauche. La Suisse, pays de compromis, n’aime pas la lutte des classes. Elle se prévaut de régler les choses autrement, par la concertation.

     

    Dans la Genève de ce début mai 2018, un siècle après la Grève nationale, on la regarde toujours de travers, cette lutte des classes. Oh, peut-être pas dans la gauche de la gauche, ni à l’opposé chez les ultra-libéraux. Mais enfin, entre deux, on commence à entendre poindre, au sein de ceux qui aspirent à gouverner, la traditionnelle ritournelle centriste des « passerelles » entre la gauche et la droite. Le socialiste Thierry Apothéloz, homme d’exécutif depuis quinze ans à Vernier, et très sérieux candidat au Conseil d’Etat, a même dessiné, en direct dans le « Grand Genève à Chaud » du dimanche 22 avril, dans un débat face à Nathalie Fontanet, les contours d’une « Grande Coalition », à la Genevoise. Sur des sujets sectoriels mais importants, droite et gauche pourraient trouver des compromis, histoire de contourner le fameux statut d’arbitre du MCG.

     

    La Grande Coalition, c’est une référence à l’Allemagne des années 1966-1969, avec Kurt-Georg Kiesinger (CDU) à la Chancellerie, et Willy Brandt (SPD) à la Vice-Chancellerie et aux Affaires étrangères. L’idée, très suisse au fond, est qu’il faut rassembler les énergies, et travailler ensemble. Le problème, c’est que lorsque les partis appellent à une coalition avec l’adversaire électoral, ça n’est jamais par philosophie politique, mais simplement parce seul, leur camp n’obtient pas la majorité. Alors, on brandit le cerf-volant magique de la concertation. C’est purement tactique, dans l’Allemagne des années 60 comme dans la Genève du printemps 2018. Dès que surgiront les vrais problèmes de la législature, économiquement lourds, réforme de l’imposition des entreprises, caisse de pension des fonctionnaires, fiscalité, on les verra vite se déchirer, ces voiles célestes de la concorde. Et revenir, comme toujours, les bons vieux antagonismes d’intérêts en fonction des catégories sociales.

     

    Car la droite et la gauche, depuis la Révolution française et la Convention, ça existe ! Et rien, dans la nouvelle composition du Grand Conseil (2018-2023), n’indique une quelconque liquéfaction de ces repères. Pas plus que la traditionnelle fable d’un gouvernement par le Centre, où un improbable Marais poitevin ferait office de clef de voûte. Cela, pour une raison simple : le Centre, c’est comme la solitude chez Gilbert Bécaud, ça se chante bien, mais ça n’existe pas.

     

    N’oubliez pas, tout de même, d’aller voter !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Triple menton et triporteur

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    Commentaire publié dans GHI - 25.04.18

     

    L’élection d’un nouveau Parlement, pour cinq ans, donne aux citoyens l’illusion d’un printemps : la vie est belle, les jours s’allongent, et la nature est là, qui nous invite et nous aime. C’est chaque fois la vie qui recommence, la sève qui monte, l’arrivée de quelques jeunes comme l’aube d’un nouveau monde.

     

    Soit. Mais l’Histoire est tragique. L’amorce d’un progrès, et déjà le reflux. Démarche de crabe, sans cohérence, quelque chose du discours d’un fou, dont parle Shakespeare. D’autant que les nouveaux, pour la législature 2018-2023, ne sont pas légions : dans certains partis, on s’est contenté de reprendre les mêmes. L’innovation, par l’archaïsme.

     

    Et puis, chez nos bons éditorialistes, on s’est précipité à saluer un « retour aux équilibres, ou aux « partis traditionnels », ce qui, en passant, en dit long sur la puissance mentale révolutionnaire qui règne dans la presse romande. On leur fourguerait du Louis XVIII, avec perruque, triple menton et triporteur, ils en glapiraient d’extase.

     

    Je prends ici un pari. Celui que la prochaine législature trimbalera les mêmes antagonismes de classe que ceux de la précédente : imposition des entreprises, caisse de pension des fonctionnaires, logement, coûts pour se soigner. Il y aura une gauche, il y aura une droite. Et il y aura toujours le MCG, plus maigre mais plus cohérent, pour arbitrer, à commencer par son conseiller d’Etat. Et la vie continuera ! Et les ultimes Bourbons, entre deux fatigues patriciennes, continueront de roter leur arrogance. Pour cinq ans. Ou pour l’éternité, nous verrons.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Une Genève à un million d'habitants, non merci !

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    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.04.18

     

    Une campagne sans thèmes de fond ? Mensonge ! Si certains confrères, et surtout certaines consœurs, n’ont voulu voir la joute électorale 2018 que sous le prisme de certaines « affaires », c’est leur problème. Rien ne les obligeait à nous apprêter servilement des fabulettes que les états-majors politiques voulaient absolument propager, pour affaiblir un candidat, ou surtout une candidate, adverse. Une histoire que l’on raconte, qui implique-t-elle en priorité, si ce n’est le narrateur ? Et le plus fou, c’est que les mêmes sont venus soupirer que la campagne avait été ennuyeuse, alors qu’ils en avaient, les premiers, occulté les grands thèmes, pour nous balancer de la démolition personnalisée à la petite semaine.

     

    Les grands thèmes ? S’il en est un, à part évidemment les primes d’assurance maladie, le logement, la fiscalité et la mobilité, c’est bien le modèle de croissance économique de notre canton. A part le remarquable candidat indépendant Willy Cretegny, viticulteur à très forte conscience environnementale, doté d’un bon sens humaniste que d’autres pourraient lui envier, qui a franchement mis sur la table ces enjeux-là ? Ces yeux de Chimène, sans cesse braqués par les élus sortants sur le Graal 2030, ces scénarios de croissance qui nous promettent une Genève à un million d’habitants, sans la moindre réflexion sur la régulation des flux migratoires, qui (à part Willy Cretegny) a osé mettre en cause l’étendue chimérique de ce champ d’illusions ?

     

    C’est dommage. Parce que, dans la population, et même dans les candidats au Grand Conseil (pour peu qu’on prît la peine de leur donner la parole), on a senti poindre une sourde inquiétude face au grand mirage libéral de la croissance sans entraves. Il ne s’agit pas ici de prôner la décroissance, je suis moi-même un petit entrepreneur, je sais à quel point tout est fragile. Mais les scénarios démesurés d’extension de l’aéroport, le bétonnage de nos campagnes, l’acceptation comme un fait accompli d’un flux transfrontalier qui confine au délire, tout cela travaille les citoyennes et citoyens de ce canton. A cette croissance sans contrôle, d’innombrables personnes, et pas seulement à gauche, veulent opposer un modèle de développement humain, raisonnable, doux et maîtrisé. Parce que les gens de Versoix, du Grand Saconnex de Meyrin ou Vernier (pour ne prendre que quelques exemples) ne bavent pas de jouissance à l’idée d’un décollage ou atterrissage toutes les 90 secondes.

     

    Colère montante, oui. Parce que les Genevois aiment leur canton. Ils aiment son paysage, la belle concentration urbaine autour de la Rade, et en arrière-plan, le poumon demeuré d’une campagne. Avec ses terres agricoles, ses vignes, ses villages, comme autant de lieux de respiration. Quant aux Lyonnais qui se proposent d’aller faire la noce, pour un week-end, à Berlin ou Barcelone, on les priera poliment de le faire au départ de Lyon, et non de Genève. Pour notre part, demeurons ce que nous sommes : ouverts au monde, mais ancrés dans l’amour de notre terroir. Nous en avons la responsabilité.

     

    Pascal Décaillet