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Commentaires GHI - Page 159

  • On parle trop des élus !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 07.11.18

     

    Voyages à Abu-Dhabi, notes de frais en Ville de Genève, voyage à Grenade d’une conseillère aux Etats vaudoise : on a l’impression, depuis quelques semaines, que l’horizon de l’analyse politique se réduit à donner son avis sur les faits et gestes, plus ou moins légaux, plus ou moins douteux, de nos élus. Tel magistrat a-t-il payé son voyage, qui le lui a offert, sa virée aux Emirats était-elle privée, ou au service du Canton, etc. Narrativement, c’est du pain bénit : ces historiettes se racontent merveilleusement, leurs rebondissements sont savoureux, un paradis pour les Revues, les dessins de presse, les caricatures. D’ailleurs qui d’entre nous, dès qu’il apprend un nouvel épisode, ne salive-t-il pas à l’idée d’immédiatement en informer ses amis et contacts de prédilection ?

     

    Fort bien. Nous passons tous un bon moment. Dans ces traditionnels automnes genevois, où on attend Noël dans l’ivresse mesurée du stratus matinal, ce charivari fait du bien. Mais les passionnés de politique sont en droit, tout de même, d’attendre autre chose que cette réduction, digne des Jivaros, de la chose publique aux petites virées orientales, ou andalouses, de nos élus. A noter, juste en passant, que de Grenade aux Emirats, c’est toute une sensualité orientaliste, avec son lot de fantasmes, qui s’en vient squatter nos imaginaires : aurions-nous fait le même foin si nos édiles s’étaient rendus en week-end à Trondheim, ou à Düsseldorf ?

     

    Donc, nous nous sommes fait plaisir. Avec des ingrédients que les principaux intéressés nous aurons livrés sur un plateau d’argent. Mais tout de même, et au risque de casser l’ambiance, rappelons que l’analyse politique, ça n’est pas cela. Une foi que tel éditorialiste, ou commentateur, aura signé son quinzième papier pour s’étrangler d’indignation, donner sa leçon de morale, ou nous remettre sur le tapis le sacro-saint « devoir d’exemplarité » des élus, il n’aura en vérité rien commencé, dans l’ordre de son métier. Ce dernier exige que les personnalités politiques soient jugées, non sur leurs petites déviances, mais sur leur efficacité dans les domaines où elles agissent. Tel ministre a-t-il réussi à faire avancer la République, par des réformes, ou a-t-il échoué ? Cette question est la seule, l’unique, celle qui doit prévaloir sur toutes les autres. C’est dans ce champ-là, et non dans l’improbable bosquet des péripéties, que les commentateurs de la vie politique doivent exercer leur esprit critique.

     

    Pour ma part, j’attends d’un élu qu’il obtienne des résultats. Qu’il passe ses nuits dans d’odorants estaminets, à déguster du brut ou du demi-sec, ne m’intéresse pas. Le bien ou le mal que j’en dirai sera fonction de sa capacité à tenir la barre dans la République, s’imposer face à l’administration, faire avancer les choses. Pour le reste, parlons un peu moins des hommes et des femmes, et davantage des thèmes. Privilégions les votations sur les élections. Et surtout, utilisons à fond la démocratie directe : thématique et ciblée, elle est le fleuron de notre système politique suisse.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Pharisiens de l'illisible

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.10.18

     

    Fuyez comme la peste les grands experts qui viennent vous asséner, l’air pénétré, qu’en politique, les enjeux sont de plus en plus complexes. Et qu’hélas, les méchants populistes, simplificateurs du diable, dévoient les foules par un discours trop facile à comprendre.

     

    D’abord, c’est faux. Les enjeux de 2018 ne sont ni plus complexes, ni plus simples que ceux de 1914, ou 1815. Dans le jeu des pouvoirs, il appartient à l’observateur de la vie politique de dégager l’essentiel de l’accessoire, faire la synthèse, puis s’exprimer, face au public, en des termes parfaitement accessibles à tous. C’était valable au temps de Tocqueville. Ça le demeure aujourd’hui.

     

    Surtout, très souvent, les apôtres du complexe sont précisément ceux qui, là où ils sont, l’ont générée, cette usine à gaz. Prenez les spécialistes des « institutions européennes » : immergés dans les équations insolubles de Bruxelles, avec leurs déferlantes de directives, ils nous brandissent sans arrêt ces machines à Tinguely qu’ils ont, eux-mêmes, contribué à construire !

     

    Face à cette Ridicule Préciosité, soyons simplement démocrates. Nous avons la démocratie directe, faisons-la vivre ! Lançons des initiatives. Provoquons de vastes débats nationaux. Expliquons-nous, dans le fracas sonore et fraternel de la parole partagée. Et puis, un beau dimanche, acceptons le résultat. C’est la meilleure réponse que nous puissions donner aux tétanisés du complexe, pharisiens de l’illisible.

     

    Pascal Décaillet

     

  • PLR : les rancoeurs cachées de la fusion

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.10.18

     

    L’histoire exhume le fumet de province des romans de Balzac. Ou ceux de François Mauriac (1885-1970), qui nous raconte si bien les petits dessous cachés de cette bourgeoisie bordelaise qui l’a vu grandir. Il y a la famille, le mariage, le non-dit, l’argent. Il y a ce qu’on laisse paraître et ce qu’on cache. Il y a tout ce fatras de détails qui encombrent les destins, toutes ces petitesses, derrière les paravents de grandeur. En l’espèce, nous ne sommes pas en Gironde, mais à Genève. La famille n’est pas constituée d’un homme et d’une femme, mais de deux partis : elle s’appelle le PLR. Le mariage s’est déroulé en grande pompe, en mai 2011. A-t-il jamais été consommé ?

     

    Dans toute bonne famille, il y a des bijoux. Fragments d’héritage, auxquels on tient. On a beau faire trésor commun, on les garde pour soi, comme la prunelle de ses yeux. C’est, apparemment, ce qui est arrivé aux radicaux, lors de leurs noces avec les libéraux. La Tribune de Genève nous le révèle : on a décidé de se mettre de côté une bonne vieille cagnotte, un peu comme des joueurs de cartes, habitués d’un bistrot. On a « omis » de la verser dans le pot commun, on s’est dit qu’elle pourrait servir à soutenir le pas héroïque des grognards radicaux, dans les futures campagnes. Le pas des radicaux, oui, avec sa cadence républicaine, sa marche consulaire, ses parfums d’Empire. Et pas celui des libéraux, ces héritiers des patriciens et de la Restauration. Se marier, on veut bien, s’il le faut, mais oublier l’Histoire, jamais.

     

    Bref, on s’est tricoté un bas de laine, et on l’a planqué. On aurait créé un « Cercle Fazy-Favon » (ça ne s’invente pas !) servant de trésorerie pour financer des opérations électorales, tiens par exemple la campagne de 2015 autour de la loi sur la police. Illégal ? Peut-être pas. Mais révélateur. La fusion, entre libéraux et radicaux, n’allait pas de soi. Les origines historiques, je pourrais vous en parler des heures, sont tellement antinomiques, la méfiance entre les états-majors est atavique, le non-dit vaut son pesant d’or. Beaucoup de militants, des deux côtés, ont loyalement joué le jeu, laissant le passé pour construire un nouveau parti. Hommage à eux. Mais pas mal d’autres, surtout dans les officines, ont continué de jouer l’ancien parti.

     

    Quand on vous dit, depuis l’enfance, que vous êtes l’héritier des Lumières, de la Révolution, des Soldats de l’An II, des immenses figures qui ont fait la Suisse de 1848, et celle qui a suivi, vous avez peut-être un peu de peine à vous surexciter à l’idée d’un destin commun avec les fatigues patriciennes de la Vieille Ville, celles qui encensent tant la Restauration. Alors, voilà, on a gardé pour soi les quelques misérables sous que, dans sa radicale sueur, on avait pu mettre de côté. On s’est dit que ça pourrait servir. On a lâché quelques pièces, en 2015, pour faire passer une loi contestée par la moitié de l’électorat. On ne demande même pas le divorce, d’ailleurs. On se dit juste qu’on va vieillir ensemble. C’est déjà quelque chose, non ?

     

    Pascal Décaillet