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Commentaires GHI - Page 160

  • Le crépuscule de la démocratie représentative

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.12.18

     

    Un Palais fédéral au petit matin, avec encore les lumières de la nuit, la magie de la Vieille Ville de Berne, la beauté dorée de la pierre, la ruche des antichambres. C’était, ce mercredi 5 décembre, le décor de contes de fées de la double élection au Conseil fédéral, suite aux départs de Doris Leuthard et Johann Schneider-Ammann. Ces liturgies électorales de décembre, dans la magie bernoise, j’en ai couvertes de nombreuses, à l’époque, pour la RSR, dans la totale excitation du direct. Mais c’était de la radio : le miracle venait du mélange des voix, et du savoir-faire narratif à travers un micro. La télévision, elle, nous amène la chaleur d’une mise en scène, l’immédiateté de l’image. En cela, quelle que soit la distance prise par ses journalistes, elle fonctionne comme outil au service du système. Quel système ? Mais le Parlement lui-même, en tant qu’institution ! A travers lui, la démocratie représentative.

     

    Au matin de ce 5 décembre, qu’avons-nous vu ? 25 ans après le psychodrame de la non-élection de Christiane Brunner, 15 ans après la non-réélection de Ruth Metzler, 11 ans après celle de Christoph Blocher, nous eûmes droit à la plus parfaite des félicités. Sur le résultat, je n’ai rien à dire : le Parlement a élu, à mes yeux, avec la PLR saint-galloise Karin Keller-Sutter et la PDC valaisanne Viola Amherd, les meilleures personnes. Mieux : il a élu chacune d’entre elles au premier tour ! Tout cela, avant 10 heures du matin, était liquidé. Du bon boulot, réglé, comme du papier à musique.

     

    Et c’était exactement cela, le signal que le Parlement voulait donner. Ce pouvoir législatif fédéral 2015-2019, qui a tant piétiné sur les dossiers majeurs qui doivent façonner le destin du pays (assurances sociales, LAMAL, Suisse-Europe), quand il n’a pas carrément tronqué la volonté populaire (application de l’initiative du 9 février 2014 sur l’immigration de masse), avait un sérieux besoin, en termes d’images, de se refaire une beauté. L’élection du 5 décembre lui a donné cette occasion. Elle tombait à point nommé, à moins d’un an (20 octobre 2019) des élections fédérales ! Oui, la Sainte Messe matinale de la double élection au Conseil fédéral fut une opération destinée à redorer le blason d’un Parlement qui, sur le fond de son travail, n’a pas particulièrement marqué des points pendant cette législature. Oui, au matin du 5 décembre, pendant deux heures, il a fait du bon boulot : non, cela ne doit pas oblitérer la qualité discutable de son travail, sur le fond, ces dernières années.

     

    Mes propos jettent un froid ? Eh bien, jetons ! Et disons les choses comme elles sont : la bonne vieille démocratie représentative suisse, qui vécut ce 5 décembre sa grande féérie de fin d’automne, efficace mais crépusculaire, n’est peut-être pas l’institution qui représente le plus l’avenir de la Suisse. Il en existe une autre, férocement concurrentielle, surgie des profondeurs telluriques de notre peuple : elle s’appelle la démocratie directe.

     

    Pascal Décaillet

     

  • De l'Histoire politique, SVP !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.12.18

     

    Il est inimaginable que l’Histoire politique soit aussi peu enseignée à l’école. A tous les degrés : primaire, Cycle d’orientation, post-obligatoire (Collège, Ecoles de commerce, etc.).

     

    Je dis bien : l’Histoire politique. J’ai eu la chance, là où j’étais, dans mon école primaire des années soixante, d’être initié très jeune à l’Histoire des guerres, des traités, des alliances. Avec des dates, qui n’étaient certes pas des buts en soi (l’ignorance chronologique ne l’est pas non plus), mais des repères, dans le champ de perspective de la durée. Ce qu’on appelle la diachronie.

     

    Depuis Mai 68, la mode est à l’enseignement de l’Histoire, à travers les sujets de société, Au nom de la valorisation des sources, l’obsession du document, émanant souvent des aspects de la vie privée des gens, tellement parcellaire, a pris une importance telle que, chez beaucoup d’élèves, pourtant fort disposés à la chose historique, la vision politique d’ensemble est très atténuée.

     

    Il faut réhabiliter, dans nos écoles, l’Histoire politique. Je ne dis pas qu’il faille gorger les élèves, comme des oies, de dates. Mais tout de même, un peu de vision chronologique, que diable ! Qu’on leur fasse lire du Thucydide, le lumineux auteur, il y a 25 siècles, de la Guerre du Péloponnèse. Qu’on raconte la Réforme, la Révolution française, les deux Guerres mondiales ! Qu’on réhabilite les grands ensembles ! Certains profs, admirables, le font avec un rare talent, je le sais. Mais j’aimerais tant qu’ils soient plus nombreux !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Gilets jaunes ? Non : démocratie directe !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.12.18

     

    En France, personne n’a vu venir le phénomène des gilets jaunes. Ni Macron, ni son Premier ministre, ni vous, ni moi. L’irruption, sur les routes du pays, dans les rues des villes, et jusqu’aux Champs-Elysées, de ces manants et croquants surgis des profondeurs, constitue un événement que les historiens retiendront comme quelque chose de nouveau. On a beau agiter les références du passé, l’Histoire de France n’en manque pas, on a beau évoquer les jacqueries médiévales, les foules révolutionnaires de 1789, celles de 1830, la Liberté guidant le Peuple, rien n’y fait : on ne parvient pas à circonscrire intellectuellement un soulèvement populaire qui nous dépasse.

     

    Il faudra bien pourtant le comprendre. Et lui donner une réponse politique. Partie de la hausse du prix de l’essence, engendrant une colère légitime dans les périphéries sous-équipées en transports publics, la grande colère de l’automne 2018 s’est vite transformée en vague de haine contre Macron. C’est lui, maintenant, dont les foules veulent la tête. Les plus modérées exigent une dissolution de l’Assemblée nationale, les autres réclament le départ du Président. Face à cette vague, il est très clair qu’une intervention du chef de l’Etat au journal de 20h ne suffira pas. Nous n’en sommes plus là : le peuple veut du concret, sonnant et trébuchant, sans tarder.

     

    Face à cette déferlante, nous, les Suisses, sommes spectateurs. Tous en tête, nous avons une question : « Aurons-nous des gilets jaunes dans notre pays ? ». Nul n’a la réponse. Mais une chose est sûre : nous avons, en Suisse, la chance exceptionnelle d’avoir la démocratie directe. Elle n’empêche pas les manifestations de rue, mais elle en atténue grandement la probabilité et surtout la fréquence. Le droit de référendum permet d’attaquer une loi parlementaire. Bien mieux : celui d’initiative donne au peuple la possibilité de lancer sur la place publique, à l’échelon du pays tout entier, des thèmes tabous, volontairement oubliés par la classe politique. Tout cela constitue des soupapes, orientant la pression non vers les clameurs de la rue, mais, concernant les initiatives, vers un changement de la Constitution. Vous vous rendez compte : en Suisse ce sont le peuple et les cantons qui modifient la Charte fondamentale du pays !

     

    Nous ne sommes pourtant pas, par nature, un peuple plus sage, ni plus tranquille, que n’importe quel autre. Notre Histoire, pour qui veut bien la considérer dans sa réalité sociale plutôt que dans ses mythes, est jalonnée de combats, de douleurs, de cicatrices. Notre corps social n’est pas moins explosif qu’un autre. Mais nous avons la démocratie directe, comme antidote. De grâce, n’en diminuons en rien la marge d’action. Au contraire : planchons, dans les années et les décennies qui viennent, pour une extension de ses compétences. C’est un outil de légitimité profonde. Encore faut-il en accepter, tous les trois mois, les verdicts, sans jouer aux mauvais perdants. Vaste programme !

     

    Pascal Décaillet