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Commentaires GHI - Page 164

  • Sans l'Etat, point de salut !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 26.09.18

     

    Je suis, depuis l’enfance, un fervent partisan de l’Etat. J’ai eu la chance d’être initié très tôt à l’Histoire, celle des guerres, des traités, des alliances, celle des grands hommes, munis de grands desseins. Je me suis mis très vite aux Histoires nationales, celle de la France, celle de l’Allemagne, puis celle, compliquée mais totalement passionnante, de la Suisse, notamment depuis 1798. Lorsque je dis « J’aime l’Etat », il ne s’agit évidemment pas de souhaiter des armadas de fonctionnaires, avec des tampons, derrière des guichets. Ni d’étouffer l’initiative privée. Ni de tout niveler, à l’aide d’une grande machine, grisâtre. Je dois donc m’expliquer sur ce que j’entends, fin 2018, par « Etat », ce que j’en attends pour l’avenir de nos populations.

     

    Depuis un demi-siècle, en clair depuis la vague d’individualisme libertaire de Mai 68, l’Etat se voit constamment coller une étiquette péjorative. On souligne ses aspects pesants, souvent bien réels, on le caricature en machine à Tinguely ou en usine à gaz, on dénonce son aspect dispendieux, voire somptuaire, on brocarde son fonctionnement kafkaïen. Bref, on ne veut entrevoir en lui que le côté négatif. C’est un tort, c’est une faute, c’est un comportement scélérat. Parce qu’en présentant les choses ainsi, notamment aux jeunes, dans les écoles, en les incitant à ne rêver que de réussite individuelle, on éradique chez eux tout sens de l’aventure collective. Or, l’être humain est un animal social, nul d’entre nous ne vit en autarcie, nous sommes reliés les uns aux autres. Il convient donc, pour les choses de la politique, d’apprendre à penser collectif.

     

    Regardez l’Histoire de Rome. Depuis sa fondation, au huitième siècle av. J.-C., jusqu’à sa chute, au cinquième de notre ère, sous les Rois, sous la République et sous l’Empire, toute l’aventure de cette civilisation est celle de l’Etat. On a cadastré le sol, fixé des lois, mené des armées, tracé des routes, jeté des ponts, creusé des tunnels, irrigué des sols. Sans une volonté puissante, transmise de génération en génération, de se projeter sur un destin collectif à travers les siècles, rien de cette immense entreprise n’aurait été possible. A cet égard, nous sommes tous, aujourd’hui encore sous nos latitude, des fils et des filles de la Louve, celle qui, dans le récit fondateur mythique, aurait allaité Romulus et Rémus.

     

    L’Etat que j’appelle de mes vœux ne doit pas être tentaculaire, ni dépensier. Il doit être équilibré, raisonnable, et ciblé sur les tâches où on l’attend vraiment : la sécurité, la santé, l’enseignement, les transports, les assurances sociales. Surtout, on apprécierait que ses différents agents, tiens par exemple les enseignants, le valorisent auprès de leurs interlocuteurs. On aimerait que les profs d’Histoire racontent, nation par nation, ce que fut la grande aventure de l’Etat, face aux féodalités, aux intérêts privés, aux communautarismes, aux corporatismes. Pour cela, évidemment, il faut qu’ils commencent par y croire eux-mêmes. Nous attendrons donc, en tentant de dissimuler notre impatience, que la génération de Mai 68 ait bien voulu passer.

     

    Pascal Décaillet

     

  • L'Ange gardien

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.09.18

     

    Jeudi 13 septembre, réuni in corpore, le Conseil d’Etat annonce la dégradation de Pierre Maudet. Il n’est plus Président, c’est Antonio Hodgers qui le remplace. Il n’est le plus le ministre de tutelle de la Police, c’est Mauro Poggia qui assumera cette fonction. M. Maudet reste conseiller d’Etat, mais son territoire se voit réduit comme peau de chagrin. A la conférence de presse, l’ambiance est lourde, on sent que les deux jours de discussions, pour en arriver là, ont été très tendus. Il n’est pas sûr que l’intéressé ait proposé lui-même ces changements. Il règne un climat de coup de majesté, voire de putsch interne.

     

    Et c’est là, à l’issue de cette séance difficile, où pesait le silence précédant les orages, que se produit une scène qui pourrait nous réconcilier avec la nature humaine. Pierre Maudet quitte la salle. Les caméras le suivent, descendant la rue de l’Hôtel-de-Ville. Ce sont des moments, dans la vie, où l’on peut légitimement se sentir très seul.

     

    Eh bien seul, il ne l’est pas. Il existe une dame, avec beaucoup de classe dans les moments difficiles (on l’avait vu, lors de l’affaire du verre d’eau), qui l’accompagne. Dans la pire séquence de la vie politique de Pierre Maudet, une certaine Nathalie Fontanet est là. A ses côtés. Elle ne l’abandonne pas.

     

    Cette présence, qui rappelle celle de Jean-Pascal Delamuraz près d’Elisabeth Kopp, lorsque la conseillère fédérale démissionnaire avait quitté le Palais fédéral, porte un nom, magnifique : cela s’appelle un Ange gardien.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Affaire Maudet : le tango des moralistes

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.09.18

     

    D’abord, il y a tous ces cris de pleureuses autour du mot « mensonge ». Certes, Pierre Maudet a menti, c’est une réalité, tout le monde est d’accord. C’est assurément une faute politique majeure (nous allons voir pourquoi), il devra en répondre, peut-être en quittant la scène. Le dénouement, à l’heure où j’écris ces lignes, je n’en ai pas la moindre idée. Parce que nous sommes, comme au théâtre, dans la partie de l’action dramatique où l’obscur s’ajoute à l’obscur, des péripéties tentent de l’emporter sur le sujet principal, des personnages secondaires envahissent la scène. C’est comme dans Shakespeare : il y a toujours un moment, vers le milieu de la pièce, où plus personne n’y comprend rien. L’auteur, pour mieux préparer la clarification du dernier acte, accentue, juste avant, la nuit de l’incompréhension.

     

    Le mensonge. En politique, il est chose courante. Banale. On ment par exagérations pour parvenir au pouvoir, on ment pour s’y maintenir, on ment quand on s’y cramponne. On ment par action, par omission, on ment comme on respire, juste pour survivre. S’il fallait se mettre à traquer le mensonge dans le discours politique, il ne resterait plus grand monde.

     

    Pourtant, l’homme ou la femme de pouvoir ne doit pas mentir, je l’affirme, car cela constitue une faute politique. Non parce que mentir est mal, ou méchant, tout cela relève du vocabulaire de la morale, que pour ma part je bannis dans l’analyse politique. Mais parce que mentir est de nature à ruiner le crédit auprès des gens qu’on a autour de soi : les collègues de l’exécutif, le Parlement, sa propre famille politique. Et bien sûr, avant tout, le corps des citoyennes et citoyens qui vous a élu. Or, sans confiance, rien n’est possible. Un ministre sans crédit doit partir. Non parce que c’est mal. Mais parce qu’il ne dispose plus des moyens d’action pour mettre en œuvre une politique.

     

    Maintenant, il y a l’hypocrisie des pleureuses. Comme dans les funérailles méditerranéennes, elles ne pleurent pas par tristesse, mais par intérêt. En Sicile, on les paye : on rétribue une fonction. De même, les cris d’orfraies, venus notamment de la gauche, pour s’étrangler d’indignation face au « mensonge », de quelles gorges jaillissent-ils ? Mais de celles, bien sûr, qui ont le plus intérêt à une démission du ministre, donc une élection complémentaire, donc ravir le siège, donc faire basculer (pour quatre ans et demi de législature restante, c’est considérable) une majorité politique. Au profit d’une autre. Vous commencez à saisir ?

     

    Ce tango des moralistes ne doit pas duper le citoyen. Il fait partie du jeu, il faut juste en être conscient, le prendre pour ce qu’il est : une savante chorégraphie de l’hypocrisie, une prise en otage des mots pour servir des intérêts concurrents à celui du ministre en cause. Quelle que soit votre position sur l’Affaire Maudet, je vous invite à beaucoup de rigueur dans le décodage des prises de parole. La citoyenneté active, ça passe aussi par l’exercice de cette distance. A la semaine prochaine !

     

    Pascal Décaillet