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Commentaires GHI - Page 151

  • De l'Histoire politique, SVP !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.12.18

     

    Il est inimaginable que l’Histoire politique soit aussi peu enseignée à l’école. A tous les degrés : primaire, Cycle d’orientation, post-obligatoire (Collège, Ecoles de commerce, etc.).

     

    Je dis bien : l’Histoire politique. J’ai eu la chance, là où j’étais, dans mon école primaire des années soixante, d’être initié très jeune à l’Histoire des guerres, des traités, des alliances. Avec des dates, qui n’étaient certes pas des buts en soi (l’ignorance chronologique ne l’est pas non plus), mais des repères, dans le champ de perspective de la durée. Ce qu’on appelle la diachronie.

     

    Depuis Mai 68, la mode est à l’enseignement de l’Histoire, à travers les sujets de société, Au nom de la valorisation des sources, l’obsession du document, émanant souvent des aspects de la vie privée des gens, tellement parcellaire, a pris une importance telle que, chez beaucoup d’élèves, pourtant fort disposés à la chose historique, la vision politique d’ensemble est très atténuée.

     

    Il faut réhabiliter, dans nos écoles, l’Histoire politique. Je ne dis pas qu’il faille gorger les élèves, comme des oies, de dates. Mais tout de même, un peu de vision chronologique, que diable ! Qu’on leur fasse lire du Thucydide, le lumineux auteur, il y a 25 siècles, de la Guerre du Péloponnèse. Qu’on raconte la Réforme, la Révolution française, les deux Guerres mondiales ! Qu’on réhabilite les grands ensembles ! Certains profs, admirables, le font avec un rare talent, je le sais. Mais j’aimerais tant qu’ils soient plus nombreux !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Gilets jaunes ? Non : démocratie directe !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.12.18

     

    En France, personne n’a vu venir le phénomène des gilets jaunes. Ni Macron, ni son Premier ministre, ni vous, ni moi. L’irruption, sur les routes du pays, dans les rues des villes, et jusqu’aux Champs-Elysées, de ces manants et croquants surgis des profondeurs, constitue un événement que les historiens retiendront comme quelque chose de nouveau. On a beau agiter les références du passé, l’Histoire de France n’en manque pas, on a beau évoquer les jacqueries médiévales, les foules révolutionnaires de 1789, celles de 1830, la Liberté guidant le Peuple, rien n’y fait : on ne parvient pas à circonscrire intellectuellement un soulèvement populaire qui nous dépasse.

     

    Il faudra bien pourtant le comprendre. Et lui donner une réponse politique. Partie de la hausse du prix de l’essence, engendrant une colère légitime dans les périphéries sous-équipées en transports publics, la grande colère de l’automne 2018 s’est vite transformée en vague de haine contre Macron. C’est lui, maintenant, dont les foules veulent la tête. Les plus modérées exigent une dissolution de l’Assemblée nationale, les autres réclament le départ du Président. Face à cette vague, il est très clair qu’une intervention du chef de l’Etat au journal de 20h ne suffira pas. Nous n’en sommes plus là : le peuple veut du concret, sonnant et trébuchant, sans tarder.

     

    Face à cette déferlante, nous, les Suisses, sommes spectateurs. Tous en tête, nous avons une question : « Aurons-nous des gilets jaunes dans notre pays ? ». Nul n’a la réponse. Mais une chose est sûre : nous avons, en Suisse, la chance exceptionnelle d’avoir la démocratie directe. Elle n’empêche pas les manifestations de rue, mais elle en atténue grandement la probabilité et surtout la fréquence. Le droit de référendum permet d’attaquer une loi parlementaire. Bien mieux : celui d’initiative donne au peuple la possibilité de lancer sur la place publique, à l’échelon du pays tout entier, des thèmes tabous, volontairement oubliés par la classe politique. Tout cela constitue des soupapes, orientant la pression non vers les clameurs de la rue, mais, concernant les initiatives, vers un changement de la Constitution. Vous vous rendez compte : en Suisse ce sont le peuple et les cantons qui modifient la Charte fondamentale du pays !

     

    Nous ne sommes pourtant pas, par nature, un peuple plus sage, ni plus tranquille, que n’importe quel autre. Notre Histoire, pour qui veut bien la considérer dans sa réalité sociale plutôt que dans ses mythes, est jalonnée de combats, de douleurs, de cicatrices. Notre corps social n’est pas moins explosif qu’un autre. Mais nous avons la démocratie directe, comme antidote. De grâce, n’en diminuons en rien la marge d’action. Au contraire : planchons, dans les années et les décennies qui viennent, pour une extension de ses compétences. C’est un outil de légitimité profonde. Encore faut-il en accepter, tous les trois mois, les verdicts, sans jouer aux mauvais perdants. Vaste programme !

     

    Pascal Décaillet

     

  • La citoyenneté, ça s'apprend !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 21.11.8

     

    L’affaire des gilets jaunes, en France, doit nous faire réfléchir. Nos voisins aiment manifester, la rue est l’un de leurs théâtres préférés pour exprimer leurs colères. Parfois, ils défilent sur les grands boulevards parisiens, parfois ils étendent leur toile sur l’ensemble du pays, bloquant les routes, paralysant les chemins de fer : la première victime de la foule française en fureur, c’est le Français lui-même ! Ce qui devrait s’adresser au pouvoir se retourne contre le brave quidam : on l’arrête au carrefour, on lui empoisonne la vie, pendant ce temps le décideur vit tranquillement la sienne, ailleurs, loin des barrages. C’est le principe même de la jacquerie : aveugle, indifférenciée, sonore, souvent inefficace.

     

    Face à ce système un peu désespérant, nous avons en Suisse une chance exceptionnelle : la démocratie directe. Grâce aux référendums, et surtout aux initiatives, le peuple ne se contente pas de subir ce qui vient d’en haut ; au contraire, il devient lui-même acteur du destin national. C’est lui qui façonne la Constitution, avec les Cantons, et qui tous les trois mois la corrige, par petites touches. Du coup, les gens au pouvoir sont moins perçus comme une oligarchie lointaine, devant laquelle il faudrait soit plier l’échine, soit hurler dans la rue. Le patron, chez nous, c’est le peuple : on l’imagine mal se révolter contre lui-même.

     

    Ce système est responsabilisant. Bien vécu par chaque citoyenne, chaque citoyen, il amène ces derniers à se percevoir eux-mêmes, non comme des sujets à la merci du Prince, mais comme un fragment de la souveraineté nationale. Ce sentiment d’autorité de chaque individu sur le destin de l’ensemble, il convient absolument de le cultiver dès l’école. Il n’est pas admissible, aujourd’hui, qu’un garçon ou une fille de 18 ans, donc entrant dans l’âge de voter, débarque dans ce monde comme un parfait néophyte, n’y comprenant rien, pestant contre la complexité des brochures, conspuant la classe politique sur la petite musique, si facile, du « tous pourris ! ».

     

    Non, non et non. La citoyenneté s’apprend. Elle s’éduque et s’aiguise dès l’enfance. D’abord, par un enseignement de l’Histoire politique, autrement solide que celui d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de tout savoir, ni de remplir des têtes avec des dates, mais d’avoir suffisamment pratiqué cette discipline majeure pour éveiller chez l’élève le sens de la diachronie, entendez celui de la durée. Exactement comme un dessinateur acquiert celui de la perspective et de la vision dans l’espace. En clair, se forger les outils pour saisir que les événements historiques ne surgissent jamais tout seuls, par hasard, mais comme maillons d’une longue chaîne de causes et de conséquences, ce que nous enseigne admirablement l’immense historien grec Thucydide (465-395 av. J.-C.), dans sa Guerre du Péloponnèse.

     

    Ayant ainsi grandi en sagesse dans l’étude critique et dialectique de l’Histoire, le jeune homme ou la jeune femme de 18 ans n’arrivera pas au seuil de la citoyenneté en se lamentant : « Voilà ce que je vais subir », mais en se réjouissant de son rôle d’acteur : « Voilà ce que moi, j’entends faire pour mon pays ».

     

    Pascal Décaillet