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Commentaires GHI - Page 150

  • Le Ying et le Yang

     

    Commentaire publié dans GHI - 19.12.18

     

    Ce vendredi 14 décembre, le Grand Conseil genevois a fait très fort. Dans son immense sagesse, il a accepté deux projets de loi, sur l’avenir de la CPEG (Caisse de pension des employés de l’Etat de Genève), parfaitement contradictoires ! Il a dit noir et il a dit blanc, il a dit une chose et son contraire, il a dit oui au Ying, a dit oui au Yang.

     

    Nos députés ont, à la fois, accepté le projet de la gauche et du MCG, qui conserve, pour les rentiers, la primauté des prestations, et celui du Conseil d’Etat qui, avec la droite, introduit la primauté des cotisations. Pour ne prendre que l’une des différences majeures qui font de ces deux projets de loi des éléments antagonistes, inconciliables.

     

    Comment les élus en sont-ils arrivés là ? Quel rôle a joué l’abstention des Verts, sur le projet du Conseil d’Etat ? Surtout, comment le Canton va-t-il trouver une issue à cet imbroglio, sans faire perdre la face à l’une des parties ?

     

    Cette gesticulation parlementaire donne, de la part de la démocratie représentative genevoise, un signal d’impuissance. Si les autorités, récemment élues pour cinq ans, ne sont pas capables de trouver une solution, en début de législature, à une question aussi majeure que celle des retraites des fonctionnaires, alors il faudra que Genève songe à étendre et approfondir ses mécanismes de démocratie directe. De façon à donner au peuple la voix prépondérante. Pas seulement pour réagir à ce qu’on lui propose (référendums). Mais pour inventer par lui-même (initiatives) la possibilité du salut.

     

    Pascal Décaillet

     

  • La politique doit être claire et lisible !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.12.18

     

    La politique, c’est l’art de gérer la Cité. La démocratie, c’est le pouvoir au peuple. La capacité, pour ce dernier, d’actionner les leviers de décision. La démocratie représentative, c’est le peuple qui délègue sa confiance à des élus, dans des Parlements par exemple. La démocratie directe, c’est le suffrage universel qui prend directement des décisions. Soit par référendum (en opposition à une loi votée par un Parlement). Soit, beaucoup mieux, par voie d’initiative : un comité de citoyens lance une idée forte pour modifier la Constitution, il récolte des signatures, et un jour le peuple vote. En Suisse, nous avons un mélange de démocratie représentative (puisque nous élisons des gens) et de démocratie directe. La dialectique, souvent antagoniste, entre ces deux systèmes, étincelante comme le choc de deux silex, est passionnante.

     

    Dans un pays comme la Suisse, où la démocratie directe est si présente, dans les trois échelons de notre vie politique (Commune, Canton, Confédération), il absolument nécessaire que les enjeux soient clairs. La politique est certes une chose complexe. Mais cela ne doit en aucun cas nous empêcher d’en présenter les thèmes de façon claire, lisible, compréhensible par tous. Lorsqu’un sujet est proposé au suffrage universel, il doit être immédiatement perceptible par l’ensemble de la population. Les mots doivent être simples, le jargon juridique doit être impérativement expurgé : la Suisse n’est pas une immense Faculté de droit, elle est une nation citoyenne, où tout le monde doit pouvoir comprendre, d’un coup, les tenants et les aboutissants d’une votation.

     

    En termes de clarté, la démocratie directe est supérieure à la démocratie représentative. Les initiatives, voulues au départ par un petit nombre, puis proposées au suffrage universel, ont, la plupart du temps, des titres clairs et percutants. On les aime ou on les déteste, on les soutient ou on les combat, mais enfin on les comprend ! Je n’en dirai pas autant des puissants compromis parlementaires, ces fameux « paquets » où les élus législatifs, dans un pur esprit de maquignonnage où tout le monde se tient par la barbichette, nous concoctent des mélanges de sens, totalement incompréhensibles par le grand public. Exemple 1 : le paquet fédéral où on mêle le destin de l’imposition des entreprises à celui de l’AVS. Exemple 2 : le paquet du Conseil d’Etat genevois où on mêle la même imposition aux subsides versés aux gens pour payer leurs primes d’assurance maladie. Dans les deux cas, nous avons affaire à des confusions scélérates quant au fond, et illisibles quant à la forme.

     

    La politique doit être claire. Si le monde parlementaire, en Suisse, n’est plus capable d’accoucher d’autre chose que d’obscures équations, alors il devra céder la place à une extension des droits populaires. Un système lisible, audible, loyal sur les enjeux. Un système pour le peuple et par le peuple. Et non au service des corps intermédiaires.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Le crépuscule de la démocratie représentative

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 12.12.18

     

    Un Palais fédéral au petit matin, avec encore les lumières de la nuit, la magie de la Vieille Ville de Berne, la beauté dorée de la pierre, la ruche des antichambres. C’était, ce mercredi 5 décembre, le décor de contes de fées de la double élection au Conseil fédéral, suite aux départs de Doris Leuthard et Johann Schneider-Ammann. Ces liturgies électorales de décembre, dans la magie bernoise, j’en ai couvertes de nombreuses, à l’époque, pour la RSR, dans la totale excitation du direct. Mais c’était de la radio : le miracle venait du mélange des voix, et du savoir-faire narratif à travers un micro. La télévision, elle, nous amène la chaleur d’une mise en scène, l’immédiateté de l’image. En cela, quelle que soit la distance prise par ses journalistes, elle fonctionne comme outil au service du système. Quel système ? Mais le Parlement lui-même, en tant qu’institution ! A travers lui, la démocratie représentative.

     

    Au matin de ce 5 décembre, qu’avons-nous vu ? 25 ans après le psychodrame de la non-élection de Christiane Brunner, 15 ans après la non-réélection de Ruth Metzler, 11 ans après celle de Christoph Blocher, nous eûmes droit à la plus parfaite des félicités. Sur le résultat, je n’ai rien à dire : le Parlement a élu, à mes yeux, avec la PLR saint-galloise Karin Keller-Sutter et la PDC valaisanne Viola Amherd, les meilleures personnes. Mieux : il a élu chacune d’entre elles au premier tour ! Tout cela, avant 10 heures du matin, était liquidé. Du bon boulot, réglé, comme du papier à musique.

     

    Et c’était exactement cela, le signal que le Parlement voulait donner. Ce pouvoir législatif fédéral 2015-2019, qui a tant piétiné sur les dossiers majeurs qui doivent façonner le destin du pays (assurances sociales, LAMAL, Suisse-Europe), quand il n’a pas carrément tronqué la volonté populaire (application de l’initiative du 9 février 2014 sur l’immigration de masse), avait un sérieux besoin, en termes d’images, de se refaire une beauté. L’élection du 5 décembre lui a donné cette occasion. Elle tombait à point nommé, à moins d’un an (20 octobre 2019) des élections fédérales ! Oui, la Sainte Messe matinale de la double élection au Conseil fédéral fut une opération destinée à redorer le blason d’un Parlement qui, sur le fond de son travail, n’a pas particulièrement marqué des points pendant cette législature. Oui, au matin du 5 décembre, pendant deux heures, il a fait du bon boulot : non, cela ne doit pas oblitérer la qualité discutable de son travail, sur le fond, ces dernières années.

     

    Mes propos jettent un froid ? Eh bien, jetons ! Et disons les choses comme elles sont : la bonne vieille démocratie représentative suisse, qui vécut ce 5 décembre sa grande féérie de fin d’automne, efficace mais crépusculaire, n’est peut-être pas l’institution qui représente le plus l’avenir de la Suisse. Il en existe une autre, férocement concurrentielle, surgie des profondeurs telluriques de notre peuple : elle s’appelle la démocratie directe.

     

    Pascal Décaillet