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Commentaires GHI - Page 148

  • Liberté d'expression

     

    Commentaire publié dans GHI - 05.06.19

     

    J’entends beaucoup de mes confrères répéter à loisir que le journalisme serait « indispensable à la démocratie ». Au risque de casser l’ambiance, je ne partage pas leur point de vue.

     

    Ce qui est nécessaire à la démocratie, ce qui lui est consubstantiel même, c’est la liberté d’expression. Chaque citoyenne, chaque citoyen doit pourvoir dire ce qu’il pense, sans entraves, sans risques de rétorsion. C’est cela qui est essentiel. Mais pas seulement pour les journalistes, ou éditorialistes : pour tous ! Sans exception.

     

    Bien sûr, il y a la loi. Voulue par le peuple, ou par ses représentants, elle fixe des limites à la liberté d’expression. On peut le regretter, mais c’est ainsi. Et, tant qu’une loi existe, on doit la respecter. Mais enfin, à part cette exception quant à la loi, le champ de la liberté d’expression me semble bien assez large pour que nous aspirions tous à le cultiver au maximum. Tous, et pas seulement les journalistes !

     

    Chacun, aujourd’hui, peut tenir un blog. Chacun peut s’ouvrir un compte sur un réseau social. Chacun peut lancer des sujets. Le monde éditorial, l’univers des idées, n’est en aucun cas la chasse gardée d’une corporation. Quant à la « mission d’investigation », sur les affaires d’intérêt public (toute autre doit être bannie), pourquoi diable demeurerait-elle réservée aux journalistes ? Si mon métier entend survive, il faudra qu’il s’invente autre chose que des prés-carrés, ou des privilèges, auxquels il donne désespérément l’impression de s’accrocher.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

  • Suisse-Europe : non à l'Accord-cadre !

     

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 05.06.19

     

    L’Accord-cadre : ils n’ont plus que ces deux mots à la bouche ! Tout ce que la Suisse officielle compte de décideurs, de patrons, de financiers, tente à tout prix de nous faire avaler l’idée d’un Accord-cadre. Pour ma part, passionné par la question européenne, que je couvre à fond, dans mon métier, depuis trois décennies, comme citoyen je dis non à cet accord providentiel. Pour deux raisons essentielles : il n’est pas à l’avantage de notre pays, et il porte atteinte à notre souveraineté. Deux motifs assez puissants, vous en conviendrez, définis à l’échelle de la nation et de sa survie, et non de la petite épicerie de détail, pour refuser un texte.

     

    De quoi s’agit-il ? Dans la longue Histoire des relations entre la Suisse et l’Europe communautaire, il y a eu plusieurs phases. De 1957 (Traité de Rome, fondateur de la future UE, par les six premiers pays) jusqu’en 1992, les relations étaient pragmatiques, marquées par l’Accord de libre-échange de 1972. On définissait des rapports économiques et commerciaux, on ne parlait pas de politique, encore moins d’identité. La grande date, que j’ai vécue de l’intérieur, comme correspondant à Berne ayant suivi de près Jean-Pascal Delamuraz, ce fut la fameuse votation du 6 décembre 1992 sur l’Espace économique européen (EEE). J’ai personnellement voté oui, mais ce fut non. Et ce fut le début de l’ascension de Christoph Blocher. Depuis l’an 2000, la Suisse a opté pour un régime d’Accords bilatéraux, qui fonctionne, et qui semble convenir à notre corps électoral.

     

    L’Union européenne d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec les Six de 1957, ni même avec les Douze de 1992. Élargie beaucoup trop vite aux Marches de l’Est, définie comme libérale par essence, avec une primauté dogmatique accordée aux forces du marché, elle est devenue un monstre technocratique, une usine à produire des directives. Et surtout, elle n’écoute pas ses peuples. Ce modèle, promis à l’effondrement, n’est pas celui de la Suisse. Respectons nos amis et voisins européens, passons avec eux des accords commerciaux, précis, sectoriels, mais n’entrons en aucun cas dans la logique institutionnelle d’un accord global. Nous n’avons rien à y gagner. Nous y perdrons notre souveraineté. C’est aussi simple que cela.

     

    L’UE cherche à tout prix à nous imposer la signature de cet Accord, dûment négocié par les deux parties. Elle veut généraliser la reprise du droit européen par le droit suisse. En cas de désaccord, la question des juges étrangers se posera, avec la présence d’un juge de l’UE parmi les trois du Tribunal arbitral. L’intervention, au final, de la Cour européenne de justice, érige un modèle judiciaire ne faisant pas partie de la longue tradition de souveraineté de notre pays. Pour ces raisons, comme citoyen, je dis non.

     

    Car nous, les citoyennes et citoyens de ce pays, devons absolument, sur cet enjeu capital, avoir le dernier mot. Pas question que la classe politique passe en force. Le souverain, ici, c’est le suffrage universel. Avec cela, pas question de transiger.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Le pire de tout : l'autocensure

     

     Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.05.19

     

    La censure existe, elle est partout. Seulement voyez-vous, elle ne se niche pas vraiment là où on croit. L’idée d’un commentateur, ou d’un éditorialiste, qui n’oserait pas tout dire parce qu’une force occulte lui maintiendrait un couteau sous la gorge, relève du mythe. L’idée d’un Big Brother, quelque part dans le monde politique ou les puissances financières, qui nous tiendrait sous influence, ne résiste pas non plus à l’examen du réel. Nous sommes dans un pays libre, le droit à l’expression est garanti, ne soyons pas paranos en allant chercher à l’extérieur de nous-mêmes les forces de coercition qui tenteraient de nous réduire au silence.

     

    Pourtant, la censure existe. De nos jours, plus violente que jamais. Et c’est à l’intérieur de chacun de nous-mêmes que nous devons aller la chercher. Car la pire de toutes les pressions, pour taire un sujet ou réprimer l’envie de le traiter, c’est l’autocensure. Les miradors ne nous sont pas externes : ils s’érigent et veillent en chacune de nos âmes. Parce que celui qui prend la plume, ou donne de la voix, s’expose à la mitraille. C’est le sort de ceux qui s’arrachent à la tranchée. Il faut savoir ce que l’on veut : prendre position, ou s’en abstenir. Chacun est libre. Il faut juste connaître les risques, l’état du terrain, la puissance de feu chez l’ennemi. Ensuite, chacun décide : entrer dans la mêlée, ou non.

     

    Oui, la censure existe. Celle que chacun d’entre nous s’applique à lui-même. Chacun de nous, je l’affirme, en commençant bien sûr par m’y inclure, passe volontairement sous silence certains sujets, non par lâcheté (le mot serait trop fort), mais par souci de ménager son petit confort. C’est un tort, dans une fonction où il faudrait que tout puisse être dit, mais c’est ainsi. S’éviter les emmerdes. Ou les brûlures d’estomac. Ou les insomnies. Ou les engueulades à n’en plus finir. Alors, sur certains sujets, on décide soi-même de se la coincer. On se dit qu’on les abordera un jour. Mais pas là, pas maintenant, pas aujourd’hui.

     

    La censure existe, elle fait partie de nous. Tenez, le rôle des pairs, ceux qui exercent le même métier que vous : surtout ne pas les froisser, ne pas se foutre en pétard avec la profession. Ne pas s’attaquer aux modes ambiantes, écrasantes de consensus : le climat, par exemple. On pourrait en citer d’autres. Pourtant, même dans ces domaines, le courage d’une position minoritaire ne nous vaudrait ni la prison, ni l’ostracisme : nous sommes en Suisse. Mais risquer son image auprès de ses pairs, c’est bien là le problème. Trop nombreux, parmi nous, ceux qui écrivent pour leurs seuls semblables, et non pour l’ensemble des femmes et des hommes qui voudraient bien nous lire. Oui, l’autocensure sent le renfermé, la naphtaline. Demeurer dans le cercle. Ne pas froisser la famille. Rester dans le réseau. Phénomène auquel nul n’échappe. C’est cela, l’autocensure, le problème no 1 de ceux qui prennent position dans l’espace public. En chacun de nous, l’ombre intime et secrète d’un mirador.

     

    Pascal Décaillet