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Commentaires GHI - Page 145

  • Populiste : c'est toujours l'autre !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.03.19

     

    Je vais vous dire pourquoi je ne fréquente plus le monde. Pour une raison simple : ne plus jamais me retrouver dans ces situations ubuesques où tout le monde se met à parler des populistes, évidemment en mal, sans que personne ne se demande, une seule seconde, s’il n’y a pas, peut-être, un populiste dans la salle.

     

    Imaginez une tablée de quinze personnes, maîtresse de maison délicieuse, convives charmants, nectars de rêve, ambiance détendue. Soudain, l’un des quinze lance la conversation sur le populisme. Ces mouvements recueillant près d’un tiers des voix dans nos pays, il devrait, statistiquement, se trouver cinq populistes à table. Las, il n’y en a aucun ! Evaporé, le Tiers-Etat ! A moins d’un solitaire courageux, qui n’ait pas peur de casser l’ambiance et de foutre en l’air l’unisson bourgeois de la tendre chère, nul n’osera s’avouer. Et les quinze, d’une même voix, continueront de casser du sucre sur le populiste. Vitupérer l’éternel absent. Ou plutôt, l’éternel muet.

     

    Le populiste, c’est celui dont tout le monde parle, mais qui n’est jamais là. Ou alors, il se tait, parce qu’il sait la catastrophe que serait la discordance de son intervention. Alors, s’en voulant de ne pas jouer le Misanthrope, il préférera le rôle de Philinte, l’ami arrangeant, qui tente de sauver l’ultime espoir social de l’homme sauvage. Car nos codes, hérités des bonnes manières patriciennes, exigent que la petite musique de la mondanité, badine et taquine, s’emploie à toujours bannir le choc d’idées frontal. Ces gens-là vivent dans la terreur de l’éruption d’un Alceste ou d’un Cyrano, un incongru qui, soudain, viendrait mugir les choses telles qu’elles sont, un empêcheur de câliner en rond, dans la tiédeur du consensus.

     

    Alors voilà, le populiste n’est jamais dans la salle. Le populiste, c’est toujours l’autre. On casse du sucre sur son dos, sans qu’il élève la moindre protestation. Et l’auguste tablée, au moment de prendre congé, se félicite de cette merveilleuse soirée, de l’humanisme de cette compagnie : entre soi, on a célébré le convenable, on a défini la nature du diable, on peut aller se coucher.

     

    Le populiste n’est jamais dans la chambre. Il est l’autre, l’étranger au monde, le casseur de codes. Il est la fausse note. Il est l’invisible emmerdeur, celui dont il sied de dire du mal, mais qui, chez ces gens-là, n’a droit ni à surgir, ni à se dévoiler, ni même à être. Nul droit à la parole, non plus, ni même à la mention : « Voyons, Oscar, vous vous rendez compte qu’avec des propos pareils, sur la démocratie directe, les corps intermédiaires, vous faites le jeu des populistes ? ». Car chez ces gens-là, on peut sans problème « faire le jeu » du libéralisme le plus sauvage, ou de la gentille démocratie chrétienne, ou de la Sainte-Alliance des Verts avec le climat. Mais pas des populistes. « Vous nous décevez Oscar, je ne n’aurais pas cru cela de vous ». Alors, Oscar se tait. Gorgé de repentance, il attend le dessert. Comme d’autres attendent la fin du monde.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Dignes et libres

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 06.03.19

     

    On peut rejeter le libéralisme, comme modèle économique, tout en admirant le comportement de certaines personnalités libérales. C’est mon cas. Je suis trop profondément attaché à l’État, à sa mission d’arbitrage et de régulation, à la solidarité sociale aussi, pour me sentir de quelconques affinités avec un projet libéral qui insiste trop sur l’individu, pas assez sur le collectif.

     

    Seulement voilà. Il y a les idéologies, et il y a les êtres humains. Dans l’affaire Maudet, au cœur même du PLR, parti meurtri, ont émergé quelques comportements individuels qui, malgré mon éloignement idéologique, ont forcé mon admiration. Des hommes et des femmes que j’ai perçus comme libres et responsables, face à un clan organisé comme une armée, ou une chapelle en ordre de croisade.

     

    Dans ces gens, il y a Nathalie Fontanet. La conseillère d’État a su, tout au long de la crise, se montrer digne, respectueuse des gens. Elle a trouvé la tonalité d’Etat qui sied à sa fonction. Tout autant, il y a Cyril Aellen. Le brillant chef du groupe PLR au Grand Conseil, d’un bout à l’autre de la tourmente Maudet, est demeuré fidèle à son sens de l’éthique et de l’intérêt supérieur.

     

    On mentionnera aussi le président sortant. Je l’ai dit, je le répète : Alexandre de Senarclens a montré une grande tenue morale, et une attitude de gentleman, dans la gestion d’un parti lacéré par les divisions. Au fond, au PLR, la richesse première est celle des hommes et des femmes. Puissent-ils s’affranchir d’un clan qui veut tout dévorer.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Fatras et lumière

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 27.02.19

     

    J’ai sous les yeux la liste des votations soumises au suffrage populaire le dimanche 19 mai prochain, telle que publiée par le Conseil d’Etat, le 1er février dernier. Mon premier sentiment, à la lecture de ce fatras, est celui d’une profonde révolte. Par métier, je fais partie de ceux qui se font un point d’honneur à toujours traduire en langage simple et clair, pour le public le plus large possible, les enjeux politiques. Plus le dossier est complexe, plus la mission est belle : avoir l’esprit de synthèse, dégager les grandes lignes, mettre en contexte, donner du sens. Et surtout, penser à ce qui concerne les gens, mettre en valeur ces points-là, éviter l’abstraction. Remplacer le fatras par la lumière.

     

    Si le Conseil d’Etat publie tel quel le menu du 19 mai, c’est l’échec assuré. Non l’échec de tel ou tel camp, mais celui de la clarté dans le contrat politique. Il est vrai que le Grand Conseil, notamment dans le dossier de la CPEG (Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève) n’a pas simplifié la tâche sur le fond, avec son feu vert donné à deux projets de loi contradictoires. Les partis, qui chacun ont lancé référendum contre la majorité qui leur avait déplu, ajoutent à l’opacité. Le Conseil d’Etat, en nous balançant un menu illisible pour le grand public, parachève la nuit citoyenne.

     

    Le menu du 19 mai 2019, quant à la forme en tout cas, constitue une absolue négation de la politique. Une victoire de l’obscur sur la nécessaire clarification des enjeux, en démocratie.

     

    Pascal Décaillet