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Commentaires GHI - Page 144

  • Citrons pressés

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 28.08.19

     

    La classe moyenne : nous avions plaidé, ici même, début mai pour qu’on ne l’oublie pas, et qu’on veuille bien cesser de la presser comme un citron. A Genève, la classe moyenne doit devenir le problème no 1 des enjeux politiques et sociaux.

     

    De qui s’agit-il ? On peut se disputer à l’infini sur la fourchette qui définirait la classe moyenne, en fonction du revenu des ménages. Soyons concrets : il existe, à Genève, une majorité silencieuse de gens qui ont travaillé toute leur vie, parfois dur, élevé des enfants, participé à la prospérité générale, et qui n’arrivent pas à mettre un sou de côté. Pendant ce temps, ils voient leurs retraites, ou futures rentes, fondre comme neige au soleil : cela s’appelle, pudiquement, « la baisse des taux de conversion du deuxième pilier ».

     

    Les mêmes gens, qui peut-être ont eu le mauvais goût d’être malades, je veux dire un peu plus qu’un simple refroidissement, n’en peuvent plus de voir leurs primes maladie grimper. Ne parlons pas de la pression fiscale à Genève, qui fait de la classe moyenne, quelque part dans l’échelle entre les assistés et les nababs, l’éternelle vache à lait.

     

    Dans la campagne des élections fédérales du 20 octobre, on va beaucoup vous parler climat, fin du monde, Apocalypse. Peut-être pourrait-on aussi s’occuper, enfin sérieusement, des gens qui travaillent, prennent des risques, inventent. Et leur lâcher un peu la grappe avec les impôts, les primes et les taxes. Pour le Jugement dernier, nous verrons bien.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Le libéralisme a échoué !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 26.06.19

     

    Les années d’immédiat après-guerre ont été des années d’État. L’Europe n’était plus que décombres. L’Allemagne, détruite par trois années de bombardements alliés, la ville allemande surtout. L’Italie, le Nord-Ouest de la France (après le Débarquement), la Belgique, les Pays-Bas. Ne parlons pas de toute l’Europe centrale et orientale, Pologne, Ukraine, Russie. Dans une Europe coupée en deux par le Traité de Yalta (1945), à l’Est le communisme, à l’Ouest le capitalisme, il a fallu reconstruire avec des plans d’ensemble, un souci du collectif, une vision d’État.

     

    Dans le système communiste, on a actionné les vertus (plus ou moins efficaces !) du Plan. A l’Ouest, pays par pays, on a dû inventer des systèmes pour assurer les deux besoins les plus fondamentaux des populations : le ravitaillement (des tickets de rationnement ont fonctionné jusqu’à la fin des années quarante), et le chauffage. Ce dernier passant par le charbon, on a lancé la CECA (Communauté européenne du Charbon et de l’Acier), premier pas d’une construction européenne.

     

    Dans ces années d’après-guerre, on avait besoin d’État. Même notre pays, épargné par la guerre, a mis au point le plus beau fleuron de sa sécurité sociale, l’AVS, dans le sillage immédiat de la Seconde Guerre mondiale, en 1947-1948. Dans ces années-là, on ne se risquait pas trop à ne jurer que par le libre-échange, et l’affaiblissement des services publics : on avait bien trop besoin de réseaux de solidarité. C’est beaucoup plus tard, à l’époque de Ronald Reagan (1980-1988) et de Margaret Thatcher (1979-1990), puis surtout dans les très flambantes années 90, que le mirage libéral, le discrédit sur l’État, la mise en valeur extatique de l’individu au détriment du collectif, la remise en cause des nations, des Histoires et des frontières, sont arrivés comme des déferlantes. Nous n’étions pas très nombreux, à l’époque en Suisse romande, à résister à cette idéologie. Les jeunes loups du libéralisme, aux crocs acérés par l’appât de l’argent facile, nous traitaient de ringards. On a vu le résultat.

     

    Le résultat, c’est l’échec du système libéral, considéré comme un dogme, ne jurant que par les vertus magiques du « marché », comptant sur la concurrence comme régulation darwinienne pour la survie des forts, l’effacement des plus faibles. Cette logique, individualiste à l’extrême, incapable de définir un projet collectif, s’est fracassée contre les récifs du réel. Partout en Europe, y compris en Suisse, les peuples réclament un retour du projet commun, donc de l’État. Cela ne signifie pas des armadas de fonctionnaires derrière des guichets, ce temps-là est révolu, mais l’appropriation, par le plus grand nombre, donc le suffrage universel, du destin des pays. Cela passe par l’École, l’éducation citoyenne : donner d’autres valeurs que la simple appartenance à un clan, une marque commerciale, une écurie privée. Vaste programme, mais enthousiasmant : l’être humain y sortira gagnant. A tous, un excellent été !

     

    Pascal Décaillet

     

  • Je n'écris pas pour mes pairs

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 19.06.19

     

    Je suis fier d’écrire pour ce journal, qui s’efforce de parler aux gens de ce qui les concerne. Logement, propreté de l’espace public, nuisances, pollution sonore, mobilité, bouchons, vie quotidienne des plus démunis, levée des ordures, santé, primes maladie, alimentation, chantiers, pouvoir d’achat, impôts, crèches, écoles, retraites, EMS, etc. Et je me dis que commenter la vie publique, à Genève comme ailleurs, c’est simplement vivre au milieu de ses contemporains, prendre quelques notes, croquer quelques situations, livrer quelques analyses ou humeurs, qui n’engagent que soi, sans en faire une histoire universelle, ni planétaire. J’encourage d’ailleurs chacun d’entre nous à tenir son journal. S’il veut le faire publiquement, les réseaux sociaux le permettent. Que chacun se lance, il n’y a rien à perdre !

     

    Je ne crois plus du tout à la barrière entre journalistes et profanes. Les nouveaux outils de communication ont prodigieusement accéléré la mise en commun du domaine de l’expression : chacun peut écrire, commenter l’actualité, défendre et illustrer ses idées, faire part de ses lectures, pousser un coup de gueule ou un cri du cœur, nul besoin d’être journaliste pour cela. Oh, bien sûr, il y a encore toute l’armada corporatiste du métier pour vous affirmer le contraire, vous dire que c’est une fonction très compliquée, avec plein de règles, vérifier les sources, etc. Je veux bien. Mais j’y vois avant tout un prodigieux réflexe de prostration défensive, s’agripper sur son pré-carré, prendre de grands airs, justifier d’antiques privilèges : ceux d’être les seuls, on se demande bien pourquoi, à avoir le droit à l’expression publique.

     

    J’apprécie justement GHI, parce que ce journal n’affiche aucune prétention à la morale universelle. Il partage des informations, ou des commentaires, vibre au pouls de ses lecteurs, ne prétend pas leur délivrer, d’en haut, la lumière du monde. Trop de journalistes, hélas, n’écrivent, dans leur horizon d’attente mentale, que pour leurs pairs. Leur inquiétude première est de savoir comment leurs confrères, ou consœurs, vont apprécier leur article. « Que vont-ils penser de moi, que vont-ils en dire en séance de débriefing ? ». Cette attitude-là, c’est le début de la fin. De même qu’un cuisinier travaille pour ceux qui vont goûter ses mets, ou un médecin pour ses patients, celui qui écrit un article ne doit avoir pour seul souci que de s’adresser au plus grand nombre. Les réactions des autres journalistes n’ont strictement aucune importance. On écrit pour tous, pas pour ses seuls semblables.

     

    Quant à cette magnifique profession, que j’exerce depuis 33 ans, et à laquelle j’ai tant donné de mes forces, elle se meurt. Dans vingt ans, trente ans, que restera-t-il du modèle de communication mis en place à l’époque de Balzac, avec des équipes rédactionnelles qui produisent un journal ? La profession disparaît, mais la prise de parole, ou de plume, dans l’intérêt public, se démocratise et devient universelle. Qui, pour s’en plaindre, si ce n’est quelques corporatistes rabougris ? Excellente semaine !

     

    Pascal Décaillet