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Commentaires GHI - Page 142

  • Chicago sur Rhône : le peuple a dit non !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 27.11.19

     

    En acceptant clairement (56,3%), ce dimanche 24 novembre, l’initiative 163, « Pour un pilotage démocratique de l’aéroport », le peuple genevois a non seulement pris une décision sur un texte important, mais il a aussi donné un signal sans équivoque sur le modèle de croissance qui doit être celui de notre Canton, pour les décennies qui viennent. Le peuple n’a pas voté contre les avions, ni contre l’existence d’une plateforme aéroportuaire importante pour Genève et la région. Il n’a pas non plus voté la décroissance. Non, il a juste refusé la démesure et la spéculation, la croissance comme but en soi. Il a voulu une économie prospère et dynamique, mais centrée sur l’humain, avec le souci de sa santé, la volonté de combattre les nuisances. Au moment où notre aéroport, né au lendemain de la Grande Guerre, fête ses cent ans, les citoyennes et citoyens de Genève ont dit oui aux avions, mais au service de Genève et de ses habitants. Ils ont dit non à la folie d’un Chicago sur Rhône.

     

    Un vote important, donc. Une étape, dans l’Histoire économique de Genève. Il s’agit d’en prendre la mesure, et de redéfinir les priorités pour les temps futurs. Il faudra d’abord que les organisations qui défendent l’économie genevoise revoient, de fond en comble, leur stratégie. A commencer par la CCIG (Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève). De belles énergies, dans cette instance, à commencer par celles de son directeur général, Vincent Subilia, des compétences réelles, une sincère volonté de se battre pour le tissu genevois. Mais hélas, depuis quelques années, tant de signaux d’obédience aux multinationales, au gigantisme, et pas assez d’actions visibles au service de nos PME genevoises, qui constituent pourtant l’écrasante majorité de nos entreprises. On aimerait les voir davantage valorisées, jusqu’aux toutes petites unités, de quelques personnes, voire une seule, plutôt que tant de courbettes aux puissants.

     

    Car au fond, à quoi sert l’économie ? A quoi, si ce n’est contribuer au bien-être d’une collectivité humaine, permettre à cette dernière de s’épanouir, au milieu d’un cadre naturel aimé et respecté ? Celui de Genève, petit miracle d’équilibre et de géométrie pris entre Salève, Jura et Voirons, constitue un biotope d’exception, avec la richesse et la densité d’une ville marquée par l’Histoire, l’aménagement de périphéries où la qualité de vie doit l’emporter sur toute préoccupation, et puis la campagne, les terres agricoles, la vie dans nos cours d’eau, la faune et la flore. Point n’est besoin d’être inscrit au parti des Verts pour être sensible à tout cela ! Lisez par exemple les remarquables ouvrages de Philippe Roch, ancien Secrétaire d’Etat à l’environnement, ou les études de l’architecte et urbaniste Marcellin Barthassat, vous y trouverez de l’humanisme et de la vision. Tout comme chez le vigneron Willy Cretegny. Aimer Genève, oui. Mais la transformer en un Chicago sur Rhône, c’est définitivement non !

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • La Suisse, entre fragilité et rage de survie

     

    Commentaire publié dans GHI - 20.11.19

     

    C’est un petit miracle que la Suisse. Notre pays n’est pas, comme l’affirme le titre d’un ouvrage de Denis de Rougemont, « L’Histoire d’un peuple heureux ». Non, notre Histoire fut complexe, tortueuse, difficile, nous eûmes encore, par exemple, un conflit sur fond religieux en 1847, le Sonderbund. Et puis, nous eûmes les Guerres de Religion, les grands combats du dix-neuvième siècle, la lutte des classes, la Grève générale de novembre 1918. Les déchirements de l’Europe furent les nôtres. Notre prospérité n’advint vraiment qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec les grandes lois sociales, principalement l’arrivée de l’AVS, en 1948. Notre pays, comme les autres, a souffert. Comme les autres, il a vécu des divisions. S’il est, aujourd’hui, un peuple à peu près « heureux », c’est qu’il a, parfois dans la douleur, réussi à conjurer ses divisions. L’une des clefs de sa réussite, c’est la prise en compte de la fragilité, le respect des uns et des autres, à commencer par celui des équilibres.

     

    La Suisse de 1848, qui émerge au milieu d’une Europe en pleine crise, et se met en place quelques mois après la guerre civile du Sonderbund, construit sa modernité sur le pari des équilibres. Entre cantons protestants, vainqueurs, et cantons catholiques, vaincus (même si les conservateurs devront attendre 1891 pour parvenir au Conseil fédéral). Entre les villes et les campagnes. Entre la plaine et la montagne. 171 ans plus tard, nous Suisses devons constamment avoir à l’esprit cette nécessité de laisser vivre toutes les parties du pays, sans jamais en humilier aucune. Equilibres, aussi, aujourd’hui, entre les générations, entre riches et pauvres, entre consommateurs du numérique et grands oubliés des techniques modernes. Vous me direz que toute société humaine ne survivra qu’au prix d’un souci constant de sa cohésion sociale. Oui, mais en Suisse, pays où les ferments de dispersion sont d’autant plus nocifs qu’ils sont tus, parce que tabous, nous devons y veiller plus que tous les autres.

     

    La première votation à laquelle j’eus l’honneur de participer fut pour dire oui, du fond du cœur, à la création d’un nouveau Canton du Jura. J’avais même, moi qui déteste la rue, distribué des tracts pro-Jura, au Molard ! C’était en septembre 1978, j’avais juste vingt ans, je ressentais l’injustice, le décalage, qu’avaient dû vivre mes compatriotes de cette région de Suisse, à cause de décisions prises en 1815. Je n’éprouvais nulle animosité envers le Canton de Berne, mais il y avait quelque chose à corriger, une justice à restituer, un geste d’amitié confédérale à faire. Le nouveau Canton fut créé, j’en fus infiniment heureux, je n’entrevoyais là ni la victoire des catholiques, ni celle des francophones, mais simplement celle des équilibres fédéraux. Jamais je n’oublierai ce premier vote de ma vie. Je voudrais, au fond de moi, que chaque scrutin ressemble à celui-là. Où chaque fois, en glissant un bulletin dans l’urne, se jouerait non seulement l’enjeu posé, mais en éternel filigrane, le destin même du pays, entre fragilité et rage de survie.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

  • Droite genevoise : les rois de la machine à perdre !

     

    Commentaire publié dans GHI - 12.11.19

     

    A Genève, comme nous l’avions dûment prévu ici même, le duo de gauche, constitué de la Verte Lisa Mazzone et du socialiste Carlo Sommaruga, a remporté l’élection au Conseil des Etats. Ils seront, pour quatre ans, les représentants du canton dans cette Chambre. Le résultat est sans appel, la gauche est partie en ordre de combat, la droite nous a affiché les divisions dont elle a le secret, il n’y a pas de miracle, c’est ainsi. On notera tout de même que ce mécanisme perdant est une véritable spécialité de la droite genevoise : en Valais, dans le canton de Vaud, la droite s’en sort fort bien. Nous avons, à Genève, les rois de la machine à perdre.

     

    Au Conseil des Etats, le duo de gauche, Vert-socialiste, en place depuis douze ans, va donc continuer, on change juste les personnes. En 2023, il y aura donc eu seize ans sans le moindre représentant de droite à la Chambre des Cantons, alors pourquoi pas vingt, vingt-quatre, etc. ? L’une des clefs de la réponse tient à la diversité idéologique des droites genevoises, pour des élections nationales, face à des enjeux aussi cruciaux que les rapports entre la Suisse et l’Union européenne, le protectionnisme face au libre-échange, le souverainisme face aux ensembles multilatéraux. Dans ces domaines-là, l’UDC et le PLR (ne parlons pas du PDC !) représentent bel et bien deux conceptions diamétralement opposées. Les associer sur une affiche électorale, avec une personnalité de chacun de ces partis, représenterait au fond une contradiction. On appellerait l’électeur à voter à la fois pour le chaud et pour le froid, pour le noir et pour le blanc.

     

    A cet égard, l’excellent résultat de Céline Amaudruz, partie seule, sans alliance, et décrochant tout de même plus de vingt mille voix, représente un double avantage. D’abord, c’est un résultat vrai, une photographie réelle de ce que représentent, à Genève, les forces souverainistes. Ensuite, la qualité de ce résultat, qui talonne la candidate du PDC, Mme Hirsch, est un indice de bonne santé de l’UDC genevoise, à quelques mois des municipales du printemps 2020. Là, sur les enjeux locaux, où n’interviennent ni la question européenne, ni celle de la souveraineté nationale, des alliances, commune par commune, face à la gauche, seront beaucoup plus crédibles que dans l’élection aux Etats. Sur la gestion financière, le refus de la dette et des déficits, la lutte contre l’Etat tentaculaire, mais aussi les questions de sécurité, PLR et UDC peuvent sans problème trouver une voie commune. Encore faut-il que le PLR, après avoir snobé pendant des années la section genevoise du premier parti de Suisse, commence à lui parler avec le minimum de respect qui sied à des alliés. Cela, pour l’heure, n’est pas encore gagné.

     

    Au PLR, le temps des fatigues patriciennes, arrogantes et dédaigneuses, est terminé. Une nouvelle ère s’ouvre, à Genève : celle d’une collaboration respectueuse, d’égal à égal, avec la droite souverainiste et populaire. C’est cela, la leçon de cette élection.

     

    Pascal Décaillet