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Commentaires GHI - Page 146

  • Le pire de tout : l'autocensure

     

     Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.05.19

     

    La censure existe, elle est partout. Seulement voyez-vous, elle ne se niche pas vraiment là où on croit. L’idée d’un commentateur, ou d’un éditorialiste, qui n’oserait pas tout dire parce qu’une force occulte lui maintiendrait un couteau sous la gorge, relève du mythe. L’idée d’un Big Brother, quelque part dans le monde politique ou les puissances financières, qui nous tiendrait sous influence, ne résiste pas non plus à l’examen du réel. Nous sommes dans un pays libre, le droit à l’expression est garanti, ne soyons pas paranos en allant chercher à l’extérieur de nous-mêmes les forces de coercition qui tenteraient de nous réduire au silence.

     

    Pourtant, la censure existe. De nos jours, plus violente que jamais. Et c’est à l’intérieur de chacun de nous-mêmes que nous devons aller la chercher. Car la pire de toutes les pressions, pour taire un sujet ou réprimer l’envie de le traiter, c’est l’autocensure. Les miradors ne nous sont pas externes : ils s’érigent et veillent en chacune de nos âmes. Parce que celui qui prend la plume, ou donne de la voix, s’expose à la mitraille. C’est le sort de ceux qui s’arrachent à la tranchée. Il faut savoir ce que l’on veut : prendre position, ou s’en abstenir. Chacun est libre. Il faut juste connaître les risques, l’état du terrain, la puissance de feu chez l’ennemi. Ensuite, chacun décide : entrer dans la mêlée, ou non.

     

    Oui, la censure existe. Celle que chacun d’entre nous s’applique à lui-même. Chacun de nous, je l’affirme, en commençant bien sûr par m’y inclure, passe volontairement sous silence certains sujets, non par lâcheté (le mot serait trop fort), mais par souci de ménager son petit confort. C’est un tort, dans une fonction où il faudrait que tout puisse être dit, mais c’est ainsi. S’éviter les emmerdes. Ou les brûlures d’estomac. Ou les insomnies. Ou les engueulades à n’en plus finir. Alors, sur certains sujets, on décide soi-même de se la coincer. On se dit qu’on les abordera un jour. Mais pas là, pas maintenant, pas aujourd’hui.

     

    La censure existe, elle fait partie de nous. Tenez, le rôle des pairs, ceux qui exercent le même métier que vous : surtout ne pas les froisser, ne pas se foutre en pétard avec la profession. Ne pas s’attaquer aux modes ambiantes, écrasantes de consensus : le climat, par exemple. On pourrait en citer d’autres. Pourtant, même dans ces domaines, le courage d’une position minoritaire ne nous vaudrait ni la prison, ni l’ostracisme : nous sommes en Suisse. Mais risquer son image auprès de ses pairs, c’est bien là le problème. Trop nombreux, parmi nous, ceux qui écrivent pour leurs seuls semblables, et non pour l’ensemble des femmes et des hommes qui voudraient bien nous lire. Oui, l’autocensure sent le renfermé, la naphtaline. Demeurer dans le cercle. Ne pas froisser la famille. Rester dans le réseau. Phénomène auquel nul n’échappe. C’est cela, l’autocensure, le problème no 1 de ceux qui prennent position dans l’espace public. En chacun de nous, l’ombre intime et secrète d’un mirador.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Ces milliards, qui va les payer ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.05.19

     

    Un chèque en blanc. C’est ce que le peuple genevois a décidé de signer, ce dimanche 19 mai, pour les retraites des fonctionnaires du canton. Le seul choix qu’on lui proposait était de trancher entre les milliards de la droite et du Conseil d’Etat, et ceux de la gauche et du MCG. Comme le Parlement, il a dit oui aux deux. Et, dans la petite croix de la question subsidiaire (lequel préférez-vous si les deux passent ?), il a opté pour la seconde solution. Dont acte. Nous sommes des démocrates, nous respectons les décisions populaires. Mais nous sommes aussi des hommes et des femmes libres, avec un esprit indépendant, un cœur ardent, et une farouche révolte contre toute espèce de censure dans la formulation de nos questions. En voici une, toute simple : ces milliards, qui va les payer, où les trouverons-nous ?

     

    A cette question, c’est terrible à dire, mais la classe politique d’aujourd’hui n’a pas la réponse. Dans le débat du Parlement, qui s’est terminé par un non-lieu (l’acceptation de deux lois parfaitement contradictoires), personne n’était capable de garantir les conditions exactes du financement de ce qu’on appelle pudiquement « recapitalisation », entendez faire passer à la caisse le contribuable, pour les retraites des fonctionnaires. On nous a sorti des calendriers de paiement, dans les années et les décennies futures, à coups de centaines de millions cumulés, en sachant fort bien que ces sommes colossales, dans l’état actuel de nos finances et de notre endettement, nous n’en disposons tout simplement pas.

     

    Alors, qui va payer ? La réponse est simple : le contribuable, bien entendu ! Donc, vous et moi. Et dans les contribuables, au premier rang du front, la si tendre chair à canon de la classe moyenne qui travaille. Oui, celle-là même dont nous vous parlions ici, la semaine dernière. Pas les assistés ! Pas les nababs ! Non, tous ceux, entre ces deux couches, qui se lèvent pour aller bosser, parfois durement, gagnent un peu d’argent (c’est la moindre des choses), bossent encore un peu plus pour en gagner davantage, et finalement sont ponctionnés, de façon inconsidérée, sur leur boulot. Sur la sueur de leur front ! Et c’est cela qui ne va plus. Et c’est là que gisent les germes des révoltes de demain.

     

    Exemple : les petits entrepreneurs, les indépendants. Ils bossent dur comme fer. Ils sont en souci toute l’année pour leur boîte. Ils ont peur de tomber malades. Ils vérifient trois fois, en partant, si la porte de leur local de travail est fermée. Ils ont investi, sur leurs fonds propres, dans des locaux, du matériel. Ils n’ont nulle garantie de pouvoir garder leurs mandats. Ils ne savent pas de quoi demain sera fait. Seuls, ils financent intégralement – et non paritairement – leurs retraites. Les taxes, les impôts, les charges, ils ne connaissent que cela. Et maintenant, comme contribuables, ils devront encore davantage financer les retraites des fonctionnaires. Moi je dis attention : il y a un moment où la marmite va exploser. Ici, nous vous aurons au moins avertis.

     

    Pascal Décaillet

     

  • Genève : la classe moyenne étouffe !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 15.05.19

     

    Payer, payer et encore payer. Payer son loyer, dans une ville où ils sont hors de prix. Payer ses primes d’assurance maladie, cauchemar no1 des Suisses. Payer des impôts qui étouffent la classe moyenne laborieuse, à Genève. Payer des assurances dont la plupart sont totalement inutiles, mais voilà, nous, les Suisses, sommes de grands trouillards devant l’Eternel, alors nous payons la rançon de nos peurs. Payer les assurances sociales. Payer pour des retraites dont nous ne sommes pas sûrs, avec la baisse des taux de conversion, de voir la couleur. Payer sur nos revenus, ou nos salaires. Voir le fruit de notre travail passer, filer, s’envoler, s’évaporer. N’avoir qu’un pouvoir d’achat fort limité. Ne rien pouvoir mettre de côté. Tel est le lot, à Genève, de la classe moyenne qui travaille. C’est éreintant. Et passablement désespérant.

     

    Je parle ici des gens qui travaillent. D’un côté, c’est évidemment une chance, et nous devons penser à ceux de nos concitoyens qui cherchent un emploi, et n’en trouvent pas : pour eux, c’est encore une autre paire de manches. Mais le travail, avec un salaire (pour un employé) ou un revenu (pour un indépendant), bref du gain financier à la fin du mois, à quoi sert-il, si c’est pour donner aux gens le sentiment de n’être plus que des vaches à traire ? A quoi sert-il, si c’est juste pour en voir passer la plus grande part, trottiner sous nos yeux, se dérober ? Et s’en aller grossir d’immenses caisses communes, qui vous donnent l’impression, hommes et femmes actifs des classes laborieuses, de ne jamais rien faire pour vous. Et on vient nous parler du CEVA, sans toilettes ! Et on vient nous parler du milliard pour le « fonds de cohésion de l’Union européenne », des eaux usées à traiter en Slovaquie, nous dit-on ! Et on vient nous parler de grands projets mondiaux, avec notre argent !

     

    Dans ce pays que nous aimons, nous ne sommes pas des sujets, mais des citoyennes et des citoyens. L’Etat social, nous le voulons. Ne laisser personne sur le bord du chemin, nous en sommes d’accord. La nécessité de l’impôt, nous ne la discutons pas. Mais c’est une question de curseur, de proportions. Il y a un moment où la conjonction des primes d’assurance maladie et de la fiscalité sur le travail devient simplement étouffante. On impose trop le labeur ! Et il devient urgent, pour la politique, tous partis confondus, de se soucier de cette classe moyenne qui travaille, participe à la prospérité générale, mais ne peut plus s’acheter grand-chose, et encore moins capitaliser. Il y a un moment où ça devient révoltant. Il y a un moment où il faut songer à réduire l’impôt sur le revenu des classes moyennes. Sinon, la marmite à vapeur explosera. Il ne faudra pas venir pleurnicher parce que les gens votent pour des partis extrêmes. Ou parce que des Gilets jaunes envahiront nos rues. Il faut trouver d’autres modes de financement, pour l’Etat, que la ponction constante sur le labeur. Et si on ne les trouve pas, eh bien il faudra diminuer la voilure de l’Etat.

     

    Pascal Décaillet