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Commentaires GHI - Page 135

  • Genève, contrôle ta croissance !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 29.01.20

     

    « Déclassements », « modifications de zones » : il n’y a bientôt plus un seul dimanche de votations, à Genève, dont le menu ne contienne un de ces mots barbares. Commençons par les traduire : il s’agit de projets de constructions, principalement pour des logements. Le Grand Conseil en a voté le principe. Il y a eu référendum. Donc, nous votons. En soi, c’est très bien : plus le suffrage universel s’exprime, mieux notre communauté humaine se porte. Il vaut mieux, à Genève, décider à plusieurs dizaines de milliers de citoyennes et citoyens, qu’à seulement cent (le Parlement). Reste, bien sûr, à voter en connaissance de cause. Producteur responsable, depuis quatorze ans, de l’émission Genève à chaud, sur Léman Bleu, je multiplie les débats sur ces sujets de proximité, mais je sais à quel point ils sont souvent techniques, le langage des juristes et des urbanistes n’étant pas toujours le plus accessible.

     

    La question essentielle, à Genève, n’est pas de savoir s’il faut construire tel ou tel immeuble, dans tel ou tel quartier. Mais, beaucoup plus fondamentalement, quel rapport notre communauté citoyenne entend entretenir avec la croissance. Le conseiller d’Etat Antonio Hodgers en a pris conscience, il demande une réflexion en profondeur sur le sujet, avant de continuer de foncer dans le mur, eh bien sur ce point il a raison. Car Genève n’est pas extensible à souhait. Né en 1958, je suis un enfant de la croissance. J’ai d’abord vécu en Ville, au bord du lac, plus seize ans à Lancy, où nous fûmes heureux, mais où nous vîmes éclore les immeubles, comme des champignons. Il y avait le baby-boom, il y avait une forte immigration (par nous-même demandée), il fallait bien construire. Parfois, avec intelligence et qualité. Parfois, hélas, avec moins de bonheur. Mais enfin, c’était l’époque, la croissance était dans l’air, et l’Expo Nationale de 1964 (que j’ai eu deux fois l’honneur de visiter en famille) incarnait cette Suisse de la production, de la multiplication.

     

    Le problème, c’est qu’à part en mathématiques, on ne peut croître à l’infini. Genève a des barrières naturelles, qui s’appellent le Salève, le Jura, les Voirons. Elle a une zone agricole, mais aussi une zone forestière, que nous devons absolument conserver, elles sont notre respiration, notre poumon. Dès lors, un jour ou l’autre, la question d’un frein à la croissance, notamment dans les constructions, se posera. Mieux vaut, assurément, l’anticiper, avec une vision prospective qui aille plus loin que l’actuel Plan directeur cantonal. Dans nos réflexions, nous devrons être sans tabou, y compris quant aux flux migratoires, et à leur potentielle régulation. Pour cela, il faut en effet souffler un peu, tout mettre sur la table, écouter les Communes, dégager un consensus. Bref, faire de l’urbanisme avec une autre vision que trois ou quatre référendums annuels sur des projets ponctuels de constructions. Il faut une vision d’ensemble. Cela mérite de s’arrêter. De discuter. Et de prendre le temps. La qualité de notre avenir en dépend.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

     

     

     

  • Sans-culottes

     

    Commentaire publié dans GHI - 22.01.20

     

    On ne me soupçonnera pas d’une sympathie excessive pour Emmanuel Macron : je condamne depuis trois ans tout ce qu’il incarne. Son rapport avec le monde de la grande finance internationale, ce qu’il lui doit. Ses options libérales. Son allégeance à l’Allemagne. Sa foi dans une supranationalité européenne qui fait fi de la souveraineté millénaire de son propre pays. Je suis donc, en profondeur, avec des arguments que je suis prêt à développer pendant des heures, un adversaire de ce Président.

     

    Oui, mais voilà. Adversaire de sa politique, pas de l’homme, contre lequel je n’ai rien. Dans le champ public, on combat des idées, pas des personnes. Surtout, on respecte leur vie, leur espace privé, on ne se comporte pas comme des sans-culottes pourchassant l’aristo pour accrocher sa tête au sommet d’une pique. C’est, hélas, ce qu’ont cru bon de faire quelques improbables justiciers de réseaux sociaux, s’en allant traquer le chef de l’Etat français jusque dans un théâtre, où il assistait à la pièce, comme spectateur.

     

    Ce comportement de meute, c’est le déni même de la République. C’est le degré zéro de la révolte, celui qui personnalise, stigmatise, voue à la vindicte. Jamais cela, dans un Etat de droit, ne doit être toléré. Non seulement contre le Président, mais contre quiconque ! L’attaque physique, la vindicte, la mise sous pression par une foule constituent des comportements inacceptables. Le combat – légitime – contre les idées de M. Macron mérite mieux que ces attitudes de va-nu-pieds.

     

    Pascal Décaillet

     

     

     

     

  • Le pouvoir, qui noircit et corrompt

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 22.01.20

     

    J’en ai accompagnés, dans mon métier, des gens qui montaient vers le pouvoir ! Souvent, le tout premier, en radio puis en télévision, je leur ai donné la parole. Ils étaient jeunes, ils étaient frais, ils avaient cette gourmandise de la vie, cette voracité à mordre le destin, croquer le fruit défendu, s’émanciper des normes, bousculer l’ordre établi. Celui qui aspire au pouvoir n’a de chances d’y parvenir que s’il incarne le mauvais garçon, doué, frondeur, séduisant, le grand frère qui transgresse, le Grand Meaulnes, sublime héros du roman d’Alain-Fournier, dont le narrateur, juste un peu plus jeune sur les bancs de l’école, est quasiment amoureux. Un homme, en 1994/95, a parfaitement compris ce principe : Jacques Chirac, pourtant la soixantaine entamée, deux fois Premier ministre, Maire de Paris depuis deux décennies, a réussi le tour de force, face à l’orléaniste installé Edouard Balladur, de se faire passer pour un grand escogriffe charmeur, incarnant l’avenir, la justice et l’espoir.

     

    Hélas, le pouvoir un jour finit par arriver. Et c’est le début de la fin. Parce que, de l’intérieur, il vous corrompt, vous corrode, il noircit votre âme, il vous isole, il vous rend sourd aux critiques, il vous amène son lot de courtisans, il anesthésie votre être sensible, il fait de vous une machine. A ce destin, nul n’échappe. Ni hommes, ni femmes, ni jeunes, ni vieux, ni conservateurs, ni progressistes : tous à la même enseigne ! Tous prisonniers de ce même carcan. Tous à gauger dans le jus de cette hypocrisie, où il faudrait demeurer populaires, alors on multiplie les bains de foule, on se fait photographier sur les réseaux sociaux, sympas, humains, copains d’antan, mais en réalité on est seul, de plus en plus dur, on multiplie les scénarios pour survivre dans sa fonction d’homme ou de femme de pouvoir. Nul n’y échappe.

     

    Alors, quoi ? Le père Décaillet, Prussien dans l’âme, républicain rectiligne, serait-il devenu un vieil anar ? Pas vraiment ! Mais face au jeu des ambitions humaines, face la chansonnette et la ritournelle des jeunes loups – et louves – il n’entretient pas la moindre illusion. Dans chacune de ces âmes tendres, il voit déjà poindre les futurs abus de la domination. Car celui qui aspire au pouvoir est déjà entré dans la spirale de la noirceur. Tout au plus demeure-t-il encore, le temps d’accéder aux marches convoitées, dans un rôle qui séduit l’opinion. Mais déjà, il la dévoie. Notre système de démocratie représentative, qui passe par l’élection, donc par une campagne de séduction intense, favorise cette diabolique transformation. Encore une fois, nul n’y échappe, surtout pas ceux – et celles – qui prétendent « faire de la politique autrement » : ils deviennent les pires ! La seule issue : développer un système, heureusement déjà présent chez nous en Suisse, où les thèmes l’emportent sur les personnes, les votations sur les élections, la démocratie directe sur les affiches de campagne personnalisées. Excellente semaine à tous !

     

    Pascal Décaillet