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Commentaires GHI - Page 114

  • L'Ecole et les chemins de l'Autre vie

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 10.03.21

     

    L’école est l’une des plus belles choses du monde. L’une des plus enthousiasmantes constructions collectives pour nos sociétés, depuis la Révolution française. L’idée même de réunir les enfants, puis les adolescents, en un même lieu, loin de leurs familles quelques heures par jour, pour les initier au savoir du monde, est l’une des plus vivifiantes que l’humanité ait inventées. Dans notre Histoire européenne, elle est récente : il y avait certes une école dans l’Athènes du Cinquième siècle avant JC, une école à l’époque romaine, République puis Empire, mais c’était pour les hautes sphères ! Au fond, jusqu’à la Révolution, et même encore après, alors disons jusqu’à Jules Ferry en France, avec ses nombreux équivalents en Suisse, souvent radicaux, la plupart des enfants n’allaient pas à l’école : ils travaillaient aux champs, ils aidaient leurs parents, ils trimaient à l’usine, et même dans les mines, en pleine Révolution industrielle. Jaurès, le grand socialiste français, n’est pas venu pour rien : ce monde-là, celui de Zola, de Dickens, était le sien.

     

    Alors l’école, oui ! L’école de toutes nos forces, l’école du fond du cœur ! Si quelque chose, dans nos sociétés, ces deux derniers siècles, mérite qu’on l’admire, c’est cette immense entreprise de transmettre à nos enfants ce qui nous semble indispensable. Ce projet est beau, parce qu’il nous survit. Il prend date avec un avenir que nous ne connaîtrons pas. Il nous installe dans une postérité dont nous n’avons aucune idée, alors nous laissons nos enfants y pénétrer, après nous, munis de ce viatique, cette nourriture terrestre et spirituelle qui s’en va cheminer au-delà de nos propres vies. Nos parents, nos ancêtres, l’avaient déjà fait avec nous, en nous envoyant à l’école.

     

    A Genève comme ailleurs, l’école a besoin qu’on lui rende souffle et vie. Je ne vous parle pas ici de programmes, ni de branches à privilégier, par rapport à d’autres, cela n’est pas l’essentiel. Non, il faut restaurer le bonheur de transmettre, et pour les élèves celui d’apprendre. L’école doit être une joie, un sanctuaire privilégié, un promontoire d’où l’on puisse, au début de sa vie, observer le monde, sans encore participer à ses affaires. C’est cela qui compte, et non savoir s’il faut une heure hebdomadaire de mathématiques en plus ou en moins. L’école doit être livrée aux enthousiastes, à ceux qui sont doués dans l’art d’enseigner, qui ne relève en rien d’une science (j’écris cela à Genève, j’assume ce risque), mais d’une impétueuse disposition d’âme, dans l’ordre des choses de l’esprit et de la transmission. Il nous faut une école avec des maîtres, au sens où l’entendait si merveilleusement Charles Péguy dans les Cahiers de la Quinzaine (L’Argent, 1913) : des hommes et des femmes dont on se souvient toute la vie, tant ils nous ont marqués. Parce qu’ils nous ont passé un témoin. Un père, une mère, donne la vie. Un maître nous ouvre les chemins de l’Autre vie.

     

    Pascal Décaillet

  • Lumière, SVP !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 03.03.21

     

    La Ville de Genève a-t-elle vraiment puisé près d’un million, dans un fonds prévu pour les personnes âgées, pour l’affecter plus généralement à « l’urgence sociale » ? Tour de passe-passe, entre vases communicants ? Ou, beaucoup plus grave, véritable « détournement », comme le prétend l’UDC ? La question est posée. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle mérite réponse.

     

    L’affaire sent le roussi. Ministre de tutelle, en charge de la cohésion sociale, c’est Thierry Apothéloz qui a tenu à recadrer la Ville. Cette dernière estime n’avoir pas fauté, elle produit le testament de la donatrice du fonds, la danseuse Emma Louise Zell, qui avait fui le nazisme pour se réfugier à Genève, et avait tenu à témoigner sa reconnaissance.

     

    Ce qui frappe dans l’affaire, c’est la précipitation de la gauche municipale, manifestement prise en défaut au niveau de deux de ses édiles, à envoyer le ban et l’arrière-ban de ses spadassins pour contre-attaquer, nier l’affaire en bloc, ou tout au moins la minimiser. Réaction classique de tout pouvoir en place, se sentant attaqué.

     

    Eh bien ces gesticulations défensives ne doivent pas nous impressionner. Citoyens et contribuables en Ville de Genève, nous voulons toute la lumière sur cette affaire. Des instances professionnelles de contrôle financier doivent s’en emparer, à l’abri de toute pression des magistrats possiblement impliqués. Il en va du rapport de confiance entre le peuple de la Ville et ses autorités. Nous irons jusqu’au bout.

     

    Pascal Décaillet

     

     

  • Conseil d'Etat : désarroi et déprime

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 03.03.21

     

    A quoi sert un gouvernement ? A diriger politiquement une communauté humaine, dégager des impulsions, fixer des caps, définir de grandes orientations. Le tout, avec une vision d’ensemble, qui exige de la hauteur. Le chef ne s’occupe pas des détails, il élabore des stratégies, saisit les grands mouvements, l’œil en éveil. Il est possible, hélas, que l’actuel Conseil d’Etat genevois ne réponde pas exactement à la présente définition. Certes, il y a eu l’affaire Maudet, qui n’a rien arrangé. Certes, il y a eu la crise sanitaire, qui a pulvérisé les paramètres du prévisible. Conditions très difficiles, nous en sommes d’accord. Mais aucun de ces obstacles, désolé, ne justifiait que, dans l’ordre de l’impuissance, l’on fût tombé si bas.

     

    Car le gouvernement genevois, ou plutôt le Triste Sextuor qui en tient lieu, est en train d’atteindre le degré zéro de l’efficacité. Ne parlons pas de la gestion de la crise, où il fait ce qu’il peut, Berne ayant pris tous les pouvoirs. Ne parlons pas de l’affaire Maudet, nous verrons quelle issue politique le peuple choisira de lui donner. Reconnaissons que ces deux récifs majeurs n’ont pas favorisé la navigation de la nef amirale de notre Canton. Oui, admettons tout cela, soyons justes.

     

    Mais enfin, il y a tout le reste. Genève n’avance pas. Genève semble prise dans des rets, comme un banc de poissons infortunés, livrés au prédateur. Genève impuissante. Genève n’a plus envie. Genève en déprime, plusieurs centaines de mètres sous le niveau du lac. Genève sans projet, sans avenir, l’œil fixé vers le bas, tout juste accepter le destin contraire, faire le dos rond, attendre que ça passe. C’est ça, notre ambition, notre avenir ? C’est pour parvenir à ça que Genève aurait enfanté Jean-Jacques Rousseau, accueilli les nations du monde, servi de décor à Belle du Seigneur, veillé sur la jeunesse de Michel Simon, vibré aux concerts d’Ernest Ansermet ? Tout ça, pour ça ? Devenir pire qu’une ville comme une autre, un lieu sans magie ni invention, déserté par l’idée même de la grâce ?

     

    On aimerait, par exemple, retrouver la puissance de grands desseins en matière de formation. Où est-elle, l’École de Genève, celle de Jean Starobinski, ou, plus populairement, celle d’André Chavanne, avec la force et la clarté d’une ambition ? Que voulons-nous transmettre, le savons-nous seulement ? Quels modèles pour nos élèves, quelles références ? L’Instruction publique n’est-elle plus que grisaille d’états-majors, rapports sur le langage inclusif, obligations de pensée climatiques, robotisation par le télétravail, déprime généralisée ? Alors qu’il s’agit de notre jeunesse !

     

    On aimerait aussi circuler un peu, dans Genève. Avec, au niveau ministériel, un autre souffle que la seule peur de déplaire au catéchisme Vert. On aimerait enfin, dans l’ordre des finances, d’autres horizons que ceux de la seule dette, qui semble, comme dans l’œuvre de Jules Verne, se creuser jusqu’au centre de la Terre. On aimerait que le septième renouvelé de ce Conseil d’Etat vienne lui rendre souffle et vie. On aimerait tout cela, oui. Ou même déjà le tiers, ou le quart. Pour sortir du désarroi.

     

    Pascal Décaillet