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Commentaires GHI - Page 118

  • C'est nous les patrons : vive le peuple !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.11.20

     

    « Nous sommes ici par la volonté du peuple, et n’en sortirons que par la force des baïonnettes ! ». La phrase de Mirabeau, lors du Serment du Jeu de Paume (20 juin 1789), résonne en moi, depuis l’enfance, comme l’une des plus belles jamais prononcées dans l’espace politique. Elle sonne au fond, plus encore que la Prise de la Bastille (14 juillet 1789), le vrai lancement de la Révolution française, que j’ai toujours considérée comme l’enchaînement d’événements le plus important de l’Histoire. Elle sonne la charge, parce qu’elle affirme la primauté du peuple, par la voix de ses représentants, sur toute chose. L’exact inverse, donc, de la Monarchie absolue, où le souverain est quasiment d’essence divine. Le contraire, surtout (parce que le bouleversement est plus structurel), du système de castes, avec la Noblesse et ses privilèges, le Clergé qui les partage, le Tiers-Etat qui tente de survivre.

     

    Je suis un Suisse passionné depuis toujours par la Révolution française. Mais aussi par ses suites chez nous, en Suisse romande : la République Helvétique (1798), l’essor des mouvements républicains sous la Restauration, qui sont les ancêtres des radicaux, et surtout le bouleversant « Printemps des Peuples », en cette année 1848, la plus importante de toutes, qui marque le début de la Suisse fédérale, la Suisse moderne. J’ose dire que les événements du treizième siècle, autour de 1291, avec toute la part du mythe qui le dispute à l’Histoire vérifiée, me touchent moins. Mais enfin, je suis Genevois d’origine valaisanne, ou Valaisan de Genève si on préfère : dans les deux cas, mes ancêtres (de Salvan ou d’Orsières) ne sont pas Suisses avant 1815 ! Le treizième siècle, dans cette mémoire-là, intellectuelle, familiale, spirituelle, affective, c’est vraiment très loin. Si j’étais originaire de Stans, Sarnen, Glaris, Appenzell ou Herisau, je verrais assurément les choses autrement. L’Histoire suisse, c’est le choc dialectique de ces deux champs de références : le treizième siècle, le dix-neuvième.

     

    En Suisse, nous avons encore mieux que la démocratie représentative, celle de Mirabeau : nous avons la démocratie directe ! Et là, il faut rendre hommage, j’en conviens, à des traditions plus ancestrales que le Siècle des Lumières, celles des Landsgemeiden par exemple, même si nos droits populaires modernes datent de la fin du dix-neuvième siècle. J’aime la démocratie directe, passionnément, parce que, comme dans la phrase sublime de Mirabeau, elle rend hommage à ce qui vient d’en bas. Non plus seulement le choix des personnes, mais celui des thèmes ! Hommage absolu au fleuron de nos droits : celui d’initiative, qui permet à une poignée de citoyennes et citoyens d’interpeller, un beau dimanche, la totalité du corps électoral suisse !

     

    Telles sont nos valeurs. Tel est notre trésor commun. Dans le beau temps comme dans la tourmente, dans la santé comme dans la crise sanitaire, ne renonçons jamais à exercer la démocratie. C’est nous les patrons : vive le peuple !

     

    Pascal Décaillet

  • Avec nos restaurateurs !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 25.11.20

     

    Bistroquets, cafetiers, restaurateurs, tenanciers de bars, cuisiniers, serveurs, fournisseurs, nous sommes avec vous ! Parce que, depuis le début de la crise sanitaire, vous êtes en souffrance. D’en haut, d’un diktat de la bureaucratie sanitaire cantonale, ce printemps, on vous a fermés, tous. Et puis, d’un claquement de doigts, à l’orée de l’été, on vous a rouverts. Et puis, à l’automne, on vous a refermés ! On joue avec vous, avec vos nerfs, vos espoirs, vos angoisses. Vous êtes, sur le plan économique et social, les grandes victimes de la période noire que nous traversons.

     

    Nous sommes avec vous, cela signifie que nous nous réjouissons, tous, de revenir fréquenter vos établissements. Car le meilleur moyen de soutenir un restaurant, c’est tout simplement d’aller, de temps en temps, y manger un plat du jour ! Et le meilleur moyen de soutenir un libraire, c’est de lui acheter, une fois ou l’autre, un bouquin. Le reste, c’est du pipeau ! On ne va quand même pas, sur des années, jouer au yoyo avec les nerfs des gens, fermer trois mois, rouvrir trois mois, refermer. Comme si le métier de commerçant n’était rien d’autre que celui d’huissier, celui qui tient la porte, un jour il ouvre, un autre il ferme.

     

    Dès qu’il y aura eu réouverture des cafés et restaurants, il nous faudra, nous tous, un élan citoyen de solidarité. Non avec des mots. Mais juste, une fois ou l’autre, en fonction de nos capacités économiques, une petite visite dans leurs établissements.

     

    Pascal Décaillet

  • Guy-Olivier Segond, le souffle de l'Etat

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 18.11.20

     

    De ma vie, je n’oublierai jamais l’homme, de treize ans mon aîné, dont j’avais fait la connaissance lors du repas d’Escalade d’une célèbre Confrérie genevoise, avec bris de la Marmite, événement considérable où le Journal de Genève avait jugé bon d’envoyer le jeune étudiant et pigiste de 18 ans que j’étais. C’était à l’automne 1976, la rugueuse tradition des grognards baignait l’assemblée d’Histoire et de gloires perdues, il y régnait un parfum de Consulat et d’Empire, la marmite était immense, je crois bien l’avoir cassée, sabre au clair, comme cadet, avec un Monsieur qui me semblait surgir des temps antiques.

     

    Mais surtout, le hasard des affectations avait placé le pigiste jouvenceau, ne connaissant de la vie que vers allemands et hexamètres grecs, face à un homme de 31 ans, mince, austère, lunettes sévères, regard prodigieusement rapide, esprit alerte, infatigable conteur. Il était conseiller juridique de Chavanne, s’était présenté à moi avec douceur, il s’appelait Guy-Olivier Segond. En deux ou trois heures, constamment interrompues par les salves et les discours de cantine, avec toasts à la Patrie, l’éminence juridique de l’homme qui régnait depuis quinze ans sur l’Ecole genevoise avait, dans un condensé explosif, fait mon éducation politique. Il parlait, je l’écoutais, il racontait, dégommait, dézinguait, pulvérisait les huiles de la République. Je l’avais trouvé fascinant, à la fois sec et drôle, hyper-cérébral, lapidaire dans ses formules. Il couvrait aussi l’événement, pour le Genevois. Mais qui est-donc cet homme étrange, m’étais-je demandé : journaliste ou politicien, chroniqueur ou acteur, Saint-Simon ou Louis le Quatorzième ?

     

    Cette rencontre première avait donné le ton de toutes les autres. Des bijoux de soliloques, le Maître parle, le disciple aère tout au plus la conversation par des relances, toute la galerie y passe, chacun y prend pour son grade, le peloton d’exécution tourne à plein régime, il n’est pas fait usage du droit de grâce. Conversations de vieux grognards, « aux guêtres de coutil », souvenirs de batailles, pessimisme sur la nature humaine. Et pourtant, le même homme, pétri d’Histoire et de connaissance des religions, était très engagé dans l’Eglise protestante, vous racontait la Réforme, les guerres de Religion, les négociations, les grands Traités, l’humanisme, le calvinisme. Visionnaire en politique, il allait puiser dans les racines du passé la sève de ses rêves d’avenir.

     

    Tenez, il était intarissable, par exemple, sur le Président américain Lyndon Baines Johnson, le méchant successeur du gentil Kennedy. Dans un trajet retour de Berne à Genève, après l’élection de Micheline Calmy-Rey (4 décembre 2002), il m’avait réhabilité de façon saisissante ce chef d’Etat boudé par l’opinion. Il m’avait raconté son rôle majeur dans les droits civiques.

     

    Guy-Olivier Segond (1945-2020) était un homme rare. D’une altitude intellectuelle peu courante dans les strates de la politique. Un homme habité par l’Histoire et par l’Etat. L’une des trois grandes figures genevoises de l’après-guerre, à mes yeux, avec André Chavanne et Christian Grobet.

     

    Pascal Décaillet