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Commentaires GHI - Page 119

  • Politique : où est passée la confiance ?

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 16.12.20

     

    Au cœur de notre pays, la Suisse, il y a la confiance. Sans elle, rien de ce que nous avons construit, nous et nos ancêtres, n’existerait. La confiance entre nous tous, citoyennes et citoyens, hommes et femmes libres, adultes, responsables. La confiance envers nos autorités, celles que nous avons élues pour qu’elles accomplissent une mission. La confiance entre régions du pays, au-delà de nos différences, bien réelles. La confiance entre les habitants, Suisses, étrangers, nomades, sédentaires. La confiance entre les gens des villes et ceux de la montagne, les Suisses de la plaine et ceux de la montagne. La confiance entre les religions. La confiance entre ceux qui se réclament d’une adhésion spirituelle, et ceux qui ne s’en réclament pas. La confiance entre conservateurs et progressistes : visions différentes, mais surgies d’une même souche. Racines communes, branches éparses.

     

    Devant notre chalet valaisan, dans mon enfance, je me souviens de ces années soixante, où jamais mon père, me semble-t-il, ne fermait sa voiture à clef. Et même la clef du chalet, nous la laissions, comme des grands, quand nous sortions, sur la première poutre que n’importe cambrioleur amateur aurait immédiatement choisie pour aller la dénicher. Nostalgie, je crois, de ces années d’insouciance.

     

    Aujourd’hui, la confiance est à rude épreuve. La crise sanitaire n’a pas arrangé les choses. Le discours de l’autorité est mis en cause, ce qui est d’ailleurs parfaitement légitime de la part d’un peuple qui n’aime pas s’en laisser conter. La parole d’en haut a perdu de son crédit. Trop d’apparitions des dirigeants, trop de mots, « trop de notes », comme le hasardait l’Empereur au jeune Mozart, dans le film de Forman. Et puis, de perpétuels changements de position, un jour on ouvre, un jour on ferme, un jour on confine, un jour on libère. La parole de Berne, celle de Genève, la voix des Cantons, celle des Romands, celle des Alémaniques, celle de Macron, celle de Merkel. On gouverne par la valeur d’une seule parole, pas par la polyphonie.

     

    Ma position sur la démocratie représentative, vous la connaissez. Nous sommes, je crois, à la fin d’un processus, entamé au début du dix-neuvième siècle, au temps des diligences, où le peuple délègue ses pouvoirs à des émissaires, qui s’en vont siéger, pour des « Diètes » de plusieurs semaines, dans des Parlements nationaux. A Berne, à Paris, à Berlin. Je suis, vous le savez, partisan d’une démocratie totale, en tout cas une démocratie directe plus accomplie encore que celle d’aujourd’hui, où le suffrage universel participerait davantage aux grandes décisions. Parce que ma confiance dans le système électif n’est pas illimitée. Et c’est bien cela que nous devons sauvegarder, si nous voulons que la Suisse vive : la confiance ! Je suis le premier, je l’avoue, à ne l’accorder qu’avec parcimonie, chacun fait ce qu’il peut. Mais conservons, entre nous, ce trésor : il nous unit, là où le verbiage nous disperse. Excellente semaine à tous !

     

    Pascal Décaillet

  • A mercredi prochain !

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 09.12.20

     

    Lorsqu’un gouvernement abuse de la parole, parce qu’il s’exprime en permanence, son autorité s’affaiblit. Les ineffables « points presse » du Conseil d’Etat genevois, depuis le début de la crise sanitaire, en sont un exemple flagrant.

     

    Singulier exercice, que cette monstration hebdomadaire du pouvoir exécutif, le mercredi après-midi. On y voit, filmés en direct, nos ministres pérorer, se remercier entre eux de se donner la parole, « Merci Madame la Présidente », « Comme l’indiquait fort justement mon préopinant », et autres tics de langage de l’officialité politique, quand elle se gonfle d’importance, et tourne en circuit fermé.

     

    Ils pérorent. Enoncent leurs directives, leurs ukases. Ils se passent la parole comme une balle de tennis. Ils sont entre eux. Se congratulent. Et en face, nulle contradiction. Juste des questions, bien sages, sur des précisions factuelles, pour « être sûr d’avoir bien compris ».

     

    La démocratie sort-elle gagnante de de ce super-show du mercredi ? La réponse est non. La parole ministérielle va dans un seul sens. Elle ne souffle nulle contradiction. Elle met en évidence, contre le vœu des locuteurs, les dissensions internes, ce qui est au mieux amusant, au pire fort pesant. Il n’y y rien. Aucun échange. Aucune vie. Juste des magistrats qui parlent, en regardant droit devant eux. « Pas de questions ? ». « Merci Madame la Présidente ». « Pour le reste, le Conseil d’Etat félicite le Président élu, M. Joe Biden ». Et la vie continue. A mercredi prochain !

     

    Pascal Décaillet

  • Noël, Sappho, l'étoile du soir

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 09.12.20

     

    Noël approche. Nous sommes entrés dans le temps de l’Avent, qui est, pour les fidèles, celui d’une attente. La fin d’automne, le règne de la nuit, les brumes, la poisse épaisse, les rigueurs du froid. Ici et là, pourtant, quelques lumières. Noël n’est certainement pas la fête la plus importante du christianisme, en comparaison avec Pâques, mais elle est populaire, attachante, pour tant d’humains sur la terre, chrétiens ou non, croyants ou non. Elle nous annonce l’arrivée d’un enfant, c’est assez universel pour transcender tous les clivages, toutes les adhésions intellectuelles, métaphysiques, spirituelles. C’est une fête simple, imagée, son sens est immédiatement compréhensible par tous, nul besoin d’avoir étudié la théologie, ni l’Histoire des religions.

     

    Il y a des gens qui ne vont à la messe qu’une fois par an, celle de minuit. Il y en a aussi qui n’y vont jamais. Il y a ceux qui vont au culte, aux célébrations juives, musulmanes, et toutes les autres. Il y a ceux que l’idée même de religion repousse. Chacun est libre, chacun doit l’être. Et nul d’entre nous n’a à juger la foi, ni l’absence de foi, ni les doutes, ni les certitudes de son voisin. Pourtant, Noël nous rassemble. Il y a un très beau poème de Sappho, que j’avais étudié en grec à l’Université, avec André Hurst je crois, ou Olivier Reverdin, qui nous parle de l’étoile du soir qui tous nous ramène au foyer : la brebis, la chèvre, l’enfant vers sa mère. La grande poétesse de Mytilène, autour du septième, ou sixième siècle avant notre ère, en quelques mots d’un saisissante concision, nous raconte les retrouvailles de tout « ce qu’avait dispersé l’aurore brillante ». Ce poème m’a toujours bouleversé. Je me le récite, en grec, depuis quatre décennies.

     

    Je ne fais ici ni acte de foi, n’en étant pas capable, ni d’absence de foi. Je m’émerveille, comme des milliards d’humains, devant la résistance des petites lumières face à nuit, celle des sources de chaleur face au froid galactique, celle de l’énergie face à l’inertie. Je m’émerveille de la naissance d’un enfant, ce furent deux de mes plus éblouissants souvenirs. Je m’émerveille du chemin de vie, face au néant. Que dire de plus ? Si ce n’est songer à ces trois Rois, venus d’Orient, avec l’or, la myrrhe, l’encens. Qui étaient-ils ? Où allaient-ils ? Et celle étoile, qui les guidait ? Celle de Sappho, sept siècles plus tôt ?

     

    Noël est une fête ouverte. Elle n’appartient pas au seul domaine de la religion, mais à tous les humains. Elle nous annonce une naissance, et la promesse d’un salut. Elle nous réchauffe les cœurs. Elle nous figure un univers simple, austère, rural, en quête de vie et de chaleur. Elle nous fait danser des lumières dans la nuit glacée. Elle nous invite au chant. Elle nous dessine un sourire dans un décor de tristesse. Elle nous amène à nous rassembler, dans un monde où règnent solitude et dispersion. Elle nous propose une piste, comme l’étoile. Elle nous esquisse une issue. C’est une fête pour les humains, pour les mortels. Un acte de résistance, au cœur de la nuit.

     

    Pascal Décaillet