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  • Solitude et combat

     
    Sur le vif - Jeudi 18.11.21 - 10.25h
     
     
    N’accepte jamais de participer à un pouvoir qui ne soit pas le tien. De toi, et non d’un autre, doit surgir la singularité de ton entreprise, au sens le plus large. Passe des alliances, tisse des liens de confiance, fondés sur la compétence, mais n’accepte jamais d’être un second, un lieutenant.
     
    Je vais encore plus loin : n’accepte jamais aucun pouvoir.
     
    Ton pouvoir viendra de toi, du plus profond. Ta compétence. Ton savoir-faire. Ton imagination. Les liens nourriciers que, toute ta vie, dans la solitude (fuis les équipes !), tu auras tissés avec des maîtres, intellectuels ou spirituels, artistiques, musicaux, que tu auras choisis.
     
    L’être de caractère ne s’engage pas dans des troupeaux. Il s’en va puiser tout au fond de lui-même les ressources de son combat.
     
     
    Pascal Décaillet

  • Les Gueux sont devenus les suppôts du pouvoir

     

    Commentaire publié dans GHI - Mercredi 17.11.21

     

    C’est toujours comme ça, avec les mouvements populaires, ou populistes si ça vous plaît de les appeler ainsi : ils émergent, enflamment la République, atteignent des sommets, foutent une trouille d’enfer aux notables, ou aux patriciens fatigués, enfin à tous ceux qui ont pignon sur rue. Et puis, avec le temps, comme dans la sublime chanson de Ferré, va, tout s’en va. Elus au Parlement, ils participent au pouvoir, commencent à avoir leur lot dans les postes et prébendes, goûtent au statut d’officiels, se prennent au sérieux, se disent qu’eux aussi sont des notables, pourquoi pas des notaires, comme dans un autre chef d’œuvre, « Les Bourgeois », de Brel. Alors, ventripotents, ils appellent le Commissaire pour dénoncer les jeunes crétins qui font du chambard, en pleine nuit, sous leurs fenêtres.

     

    Ainsi, le MCG. Ce parti, né des effets pervers de la libre circulation des personnes, mais aussi d’une légitime révolte populaire contre la Genève de la barbichette, celle des libéraux principalement, mais aussi des apparatchiks socialistes, ou Verts, celle des tranquilles PDC, amateurs d’éternité, celle des radicaux logés aux enseignes de lumière, ce mouvement, cette fronde, cette jacquerie, a fait un bien fou à la République de Genève. Ces Gueux, méprisés à leur arrivée, ont secoué le cocotier, balancé la marmite, incendié la sérénité des consciences, plongé le doigt là où ça fait vraiment mal. Boulangistes après l’heure, poujadistes réincarnés, ils ont remué Genève, lui ont signalé de vrais problèmes que toute l’officialité feignait d’ignorer. Ils ont été des lanceurs d’alertes. Oui, le MCG fut salutaire, en ces premières années du troisième millénaire.

     

    En novembre 2021, que reste-t-il de tout cela, dites-le-moi, et là c’est notre troisième chanson, celle de Trenet. Que reste de tous ces Gueux ? Que reste-t-il de leurs folies, leurs manières de mauvais garçons, leurs verres d’eau jetés en plein visage ? Que reste-t-il de leurs imprécations, leurs mauvaises manières, leurs cris de cour d’école ? Que reste-t-il du temps d’Éric Stauffer, funambule de feu sur le fil des limites ? Que reste-t-il de ce temps des colères, sonores certes, mais tellement utiles au réveil de la République ? Le préférence cantonale, slogan méprisé en 2005, et même encore en 2009, par toute l’officialité suave du Canton, est maintenant inscrite dans les consciences. Rien que pour cela, cette prise en compte du périmètre de la communauté d’appartenance, ce parti méritait d’éclore. Hélas, aujourd’hui, le voilà devenu plus sage, plus convenable, plus gouvernemental que les plus ennuyeux des caciques PDC, avec barbichette et costume trois-pièces, dans la plus huppée des Communes. C’est dommage. A force de rentrer dans le rang, on se fond dans la masse, et puis, doucement, on disparaît. Ainsi mourut Vigilance. Ainsi furent submergés les boulangistes. Ainsi périssent les ennemis de la transgression. Ceux qui lui ont préféré le confort.

     

    Pascal Décaillet

  • Sabine Devieilhe : précision, présence, ensorcellement

     
    Sur le vif - Lundi 15.11.21 - 10.07h
     
     
    Sabine Devieilhe est une étoile, je l'ai ressenti d'un coup, il y a des années, la première fois que je l'ai entendue et vue chanter. Hier soir encore, sur la chaîne musicale Stingray Classica, dans "Il Trionfo del Tempo e del Disinganno", composé en 1707 par un jeune génie de 22 ans, Georg Friedrich Haendel, puis repris et travaillé maintes fois tout au long de la vie du compositeur, la soprano colorature française donne toute la mesure de sa capacité d'envoûtement. Pour tout dire, elle nous ensorcelle.
     
    Il faut dire que l’œuvre est incroyable. Très ancienne dans sa première mouture, avec encore des accents du Grand Siècle, mais annonçant déjà les bouleversantes tonalités baroques du dix-huitième : Haendel a encore cinquante ans à vivre. Un demi-siècle pour se dégager de l'influence italienne, triompher dans les Allemagnes, se faire happer par l'Angleterre, qui ne le lâchera plus.
     
    Le dix-huitième, c'est le siècle de Sabine Devieilhe. Rameau, Haendel, Bach, et à la fin Mozart. Cette artiste d'exception fait partie des rares cantatrices à manier l'excellence autant comme comédienne que dans l'incroyable travail de sa voix. Elle atteint les hauteurs de l'aigu sans jamais donner l'impression de nous livrer une démonstration de virtuosité. Elle bouge peu. Elle regarde souvent vers le bas, voire vers l'intérieur d'elle-même. Elle donne tout, pour arracher le son exact. Celui de la partition, mais surtout celui de l'émotion signifiée. Elle est une cantatrice de la précision, non du Romantisme, où l'on rêverait néanmoins de la découvrir, justement pour découpler ce mouvement littéraire et musical de son image - usurpée - d'approximation doucereuse.
     
    Il faut écouter Sabine Devieilhe, et l'écouter encore, toute une vie. Mais il faut aussi la voir : les chaînes musicales (Mezzo, Stingray) nous offrent ce privilège. Cette artiste est toute au service de l’œuvre, qu'elle illumine de l'intérieur. Elle chante comme Clara Haskil ou Martha Argerich jouent du piano. Elle s'en va puiser, avec une force inimaginable, physique mais aussi d'esprit, le point saillant de l’œuvre : celui qui nous touche, nous incendie, nous restitue le sens, et finalement la vie.
     
     
    Pascal Décaillet