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Sabine Devieilhe : précision, présence, ensorcellement

 
Sur le vif - Lundi 15.11.21 - 10.07h
 
 
Sabine Devieilhe est une étoile, je l'ai ressenti d'un coup, il y a des années, la première fois que je l'ai entendue et vue chanter. Hier soir encore, sur la chaîne musicale Stingray Classica, dans "Il Trionfo del Tempo e del Disinganno", composé en 1707 par un jeune génie de 22 ans, Georg Friedrich Haendel, puis repris et travaillé maintes fois tout au long de la vie du compositeur, la soprano colorature française donne toute la mesure de sa capacité d'envoûtement. Pour tout dire, elle nous ensorcelle.
 
Il faut dire que l’œuvre est incroyable. Très ancienne dans sa première mouture, avec encore des accents du Grand Siècle, mais annonçant déjà les bouleversantes tonalités baroques du dix-huitième : Haendel a encore cinquante ans à vivre. Un demi-siècle pour se dégager de l'influence italienne, triompher dans les Allemagnes, se faire happer par l'Angleterre, qui ne le lâchera plus.
 
Le dix-huitième, c'est le siècle de Sabine Devieilhe. Rameau, Haendel, Bach, et à la fin Mozart. Cette artiste d'exception fait partie des rares cantatrices à manier l'excellence autant comme comédienne que dans l'incroyable travail de sa voix. Elle atteint les hauteurs de l'aigu sans jamais donner l'impression de nous livrer une démonstration de virtuosité. Elle bouge peu. Elle regarde souvent vers le bas, voire vers l'intérieur d'elle-même. Elle donne tout, pour arracher le son exact. Celui de la partition, mais surtout celui de l'émotion signifiée. Elle est une cantatrice de la précision, non du Romantisme, où l'on rêverait néanmoins de la découvrir, justement pour découpler ce mouvement littéraire et musical de son image - usurpée - d'approximation doucereuse.
 
Il faut écouter Sabine Devieilhe, et l'écouter encore, toute une vie. Mais il faut aussi la voir : les chaînes musicales (Mezzo, Stingray) nous offrent ce privilège. Cette artiste est toute au service de l’œuvre, qu'elle illumine de l'intérieur. Elle chante comme Clara Haskil ou Martha Argerich jouent du piano. Elle s'en va puiser, avec une force inimaginable, physique mais aussi d'esprit, le point saillant de l’œuvre : celui qui nous touche, nous incendie, nous restitue le sens, et finalement la vie.
 
 
Pascal Décaillet
 

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